Résultats provisoires de l’élection présidentielle : 81,89% des voix : à la Bouteflikha !

25 June, 2014 - 19:38

La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a rendu son verdict, ce dimanche 22 juin, soit 48 heures après la fermeture des bureaux de vote. Une performance indéniable, en comparaison de la publication des résultats des municipales et législatives de novembre et décembre derniers, même si le scrutin de la présidentielle est, de loin, moins complexe que celles-là. Quant au verdict, il est aussi peu surprenant que sans appel. Il ne pouvait en être autrement, le président sortant avait plusieurs longueurs d’avance sur ses quatre concurrents. Il récolte près de 82% des suffrages exprimés. Un score quasiment à la Bouteflika. Inutile de se référer à la Russie ou à la Corée du Nord, l’Algérie, c’est juste la porte à côté. Le candidat Aziz bat même le record de son collègue d’une courte tête : 81,89% contre 81,52%. La similitude s’arrête là, puisque le célèbre ministre des Affaires étrangères algérien des années 70 a accompli, lui, son devoir civique dans un fauteuil roulant.

Derrière Aziz, pointe Biram Dah Abeïd, un candidat issu des couches marginalisées du pays, à savoir les Haratines. Paradoxe de taille, Ould Abdel Aziz s’est arrogé, lui, le titre de « président des pauvres », lorsqu’il s’est emparé du pouvoir, un certain 6 août 2008. Biram aurait accroché les déçus du régime, les contestataires et ceux qui se sont sentent exclus par le système en place. Au cours de son point de presse, le directoire de campagne du candidat Biram n’a pas manqué de dénoncer des « fraudes massives » ayant entaché les opérations électorales. L’entrée de cet activiste des droits de la cause haratine – et des droits de l’Homme, tout court – marque un tournant. Aux observateurs de décrypter le message que les 61 218 électeurs du « candidat aux pieds nus » ont voulu envoyer aux tenants du Système. En se positionnant ainsi, Biram pourrait, d’une certaine façon, aider Aziz à « renouveler la classe politique », au sein de la couche haratine.

La grande surprise est venue de la troisième place de Boydiel Ould Houmeid que nombre d’observateurs attendaient en seconde position, juste après Mohamed Ould Abdel Aziz. Les résultats de son parti, aux dernières municipales et législatives ; l’ancrage de sa formation politique, dans presque toutes les composantes du pays ; son discours, modéré et centriste, mais, aussi, les moyens qu’il a déployés semblaient plaider en saveur. Pourtant, à l’arrivée, le pachyderme ne s’en tire qu’avec 4.5%. L’homme paie-t-il le courage de n’avoir pas renié, a contrario de tant d’autres, son ancien mentor, Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya, ou sa proximité supposée avec le pouvoir d’Ould Abdel Aziz ? « Rien de tout cela », a répondu Boydiel, lors d’une conférence de presse, ce lundi, 23 juin, à midi, à son siège de campagne.

Apparemment très serein et détendu, il a d’abord félicité le peuple mauritanien, pour son comportement au cours de la campagne et pour son choix souverain. Avant d’en faire de même à l’égard du président de la République, pour sa réélection. Un hommage qu’il s’était, d’ailleurs, engagé à rendre, depuis N’Diago son fief électoral. Evoquant son score, le candidat Boydiel estime qu’il reflète le choix des militants de son parti, sans oublier de signaler que ceux-ci ont subi d’énormes pressions, de la part du pouvoir. « Si l’on ne peut rien dire du jour du scrutin, en amont, par contre, il y a eu de fortes pressions et des achats de conscience », a affirmé Boydiel Ould Houmeid, sans oublier de dénoncer les discours extrémistes qui ont prévalu, tout au long de la campagne, et l’implication des hommes d’affaires qui ont choisi de financer, à coups de milliards, un seul candidat. « Nous avons choisi, quant à nous, de tenir un langage de vérité aux Mauritaniens. Ils ne nous ont pas suivi mais nous sommes convaincus que ce discours finira par prendre, lors des prochaines échéances ». Evoquant l’avenir, le président Boydiel a laissé entendre que les municipales, législatives et la présidentielle ont permis d’acquérir une grande audience que son parti ne manquera pas de capitaliser. Il a enfin prôné la tenue d’un dialogue, entre tous les acteurs politiques, afin de corriger les insuffisances de celui de 2011 mais, aussi, de faire participer les boycottistes aux prochaines échéances électorales.

Le candidat Ibrahima Sarr n’aura pas, lui non plus, réussi son pari : dépasser son score de 2009 et retrouver celui de 2007. Ni l’un ni l’autre. Pourtant, l’ex bagnard de Oualata est crédité d’une bonne campagne. En dépit de ses maigres moyens, il a sillonné une grande partie du pays et visité nombre de localités reculées. Alors, que s’est-il passé ? Il a tenté d’apporter une réponse à cette question, lors d’un point de presse, le lundi, 23 juin, à l’hôtel Coumbi Saleh. Une chose est certaine : le candidat de l’AJD/MR semble victime des « dénigrements » et « attaques personnelles » qui se déchaînèrent, en 2009, lorsqu’il décida de briguer, en pleine crise politique consécutive au putsch du 6 août 2008, le fauteuil présidentiel, face au tombeur de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, L’homme fut accusé d’avoir reçu de l’argent pour « légitimer »  la candidature d’un putschiste. Pour d’autres, IMS paie le fait de vouloir toujours « faire cavalier seul », pendant que l’opposition, qu’il ne ménage pas, tente d’obtenir des conditions minimales de transparence, pour les élections. L’AJD/MR gagnerait à rendre plus « lisibles » certains de ses choix politiques. Cela dit, beaucoup pensaient que les résultats des dernières municipales et législatives avaient fini par gommer cette tache noire, sur le parcours du parti et de son président. Quoiqu’il en soit, ce piètre résultat ne déplaira sans doute pas aux extrémistes du système qu’il a toujours fustigé.

Quant à la petite poussée de Lalla Maryam qui aura servi comme d’une espèce de décor, pour ce scrutin, elle n’a manifestement pas réussi à convaincre ses consœurs de tenter l’alternance par le genre… Elles sont pourtant majoritaires ; de très peu, certes, mais majoritaires, tout de même, en Mauritanie. Et l’on doit même penser qu’il y existe, aussi, un nombre non-négligeable d’hommes qui admettent l’éventualité de la compétence d’une femme à diriger une équipe… Mais pour les unes comme pour les autres, il y a, de toute évidence, encore une large marge entre admettre et s’engager…

DL