Lettre ouverte au Premier ministre à propos des conseils régionaux

29 April, 2025 - 14:38

Monsieur le Premier ministre, je viens par la présente vous soumettre quelques idées qui me paraissent pertinentes à propos des conseils régionaux. En accord avec mes propositions incessantes visant à renforcer la gouvernance territoriale et à promouvoir le développement global, la régionalisation avancée et les conseils régionaux forment un des piliers fondamentaux sur lesquels notre pays s’appuie pour réaliser la décentralisation administrative, renforcer la participation locale à la prise de décision et stimuler le développement économique et social partout dans le pays.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais mettre en avant les défis majeurs auxquels est confrontée la mise en œuvre de cette régionalisation avancée, à commencer par la mise en œuvre de la Charte nationale de la décentralisation administrative que je propose d’organiser en 2025. Il y a nécessité d'affiner la répartition des compétences entre les régions et les collectivités territoriales, de renforcer la démocratie participative et d'articuler la responsabilité à l'obligation de rendre des comptes. J’entends moi-même présenter une vision claire pour relever ces défis, en soulignant l’importance de l’auto-évaluation et de l’élaboration d’une feuille de route stratégique pour la phase suivante.

 Dans un cadre stratégique  qui reflète l’importance cruciale d’une régionalisation avancée, non seulement en tant que redistribution administrative, mais, aussi, en tant qu’option décisive pour parvenir à une transformation globale du développement. Il apparaît clairement que ces objectifs constituent un pilier fondamental pour promouvoir cette décentralisation, en accordant aux autorités des pouvoirs plus larges pour mettre en œuvre les politiques publiques de manière efficace et efficiente. La régionalisation avancée est également un cadre essentiel pour réaliser un développement intégré dans divers secteurs économiques et sociaux, en mettant l’accent sur la réduction des disparités régionales.

Reconnaissant l’importance de l’interaction entre l’État et la société, je voudrais souligner la nécessité d’impliquer les citoyens et les conseils locaux dans la formulation et la mise en œuvre des projets de développement, renforçant ainsi l’efficacité participative et garantissant une approche plus globale qui répond aux attentes de la population. L'un des objectifs-clés que je vous propose est l'affirmation de la régionalisation avancée en pilier fondamental de la gouvernance territoriale. Elle représente un moyen stratégique d'améliorer l'efficacité de l'administration locale en renforçant son autonomie et en élargissant les compétences locales, permettant ainsi aux régions de prendre des décisions et de mettre en œuvre des politiques adaptées à leurs besoins locaux.

Cette approche s’inscrit dans le concept de bonne gouvernance, qui repose sur des normes fondamentales comme la transparence, la responsabilité, l’efficacité et la participation car le régionalisme vise à promouvoir ces principes dans l’administration locale. L'objectif ne se limite donc pas à assurer la transition d'une administration centralisée à une administration plus décentralisée. Il vise plutôt à développer un système administratif participatif et flexible, capable de s'adapter aux défis contemporains et d'améliorer durablement la qualité des services fournis aux citoyens, contribuant ainsi à répondre à leurs aspirations et à renforcer l'efficacité gouvernementale à tous les niveaux.

Je voudrais aborder un certain nombre de défis structurels et institutionnels qui entravent la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Les relever est, à mon avis, essentiel pour assurer la réussite de ce projet de développement. Le premier relève de la mise en œuvre de la Charte sus-évoquée. Il est important d'accélérer la mise en œuvre de cette étape cruciale dans le transfert des compétences administratives du niveau central vers les collectivités locales. Cela nécessite une coordination totale entre les différents secteurs gouvernementaux pour en garantir le bon déroulement.

Plus grand encore, le second défi réside dans la clarification de la répartition des compétences entre l'État et les différentes autorités. Cela nécessite une définition précise et claire des tâches et des pouvoirs attribués à chaque autorité afin d'éviter les conflits entre les autorités locales et centrales et d'assurer une coordination efficace entre les différents niveaux de gouvernement. Quant au troisième, il s’agit de réformer les structures administratives au niveau régional, tant la performance administrative est défaillante en certaines zones ; par exemple à Nouadhibou entre la zone franche et la mairie au sujet de l’assainissement et des taxes. Il est urgent de former et de réhabiliter les ressources humaines, en veillant à ce que les administrations locales soient en mesure de relever les nouveaux défis et d’atteindre les objectifs de développement souhaités.

Monsieur le premier ministre, le conseil régional est un moteur essentiel du développement économique et social. Il doit stimuler l'investissement local et faciliter l'accès aux ressources économiques naturelles. Cette incitation constitue une étape fondamentale vers l’amélioration de la compétitivité des régions, contribuant à leur croissance économique durable. Cela nécessite d'instaurer partout la justice sociale, afin que le développement ne se limite pas à certaines régions mais à toutes. Cela contribuera à réduire les disparités spatiales et à atteindre un équilibre social généralisé. Cela permet également de prendre en compte les normes environnementales dans toutes les politiques locales, conformément aux Objectifs de développement durable (ODD), en adoptant des initiatives visant à conserver les ressources naturelles et à assurer l’adaptation au changement climatique, contribuant ainsi à améliorer la qualité de vie sur tout le territoire national.

 

Les défis du développement futur

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi d’insister sur plusieurs défis-clés de développement qui doivent être relevés pour atteindre les objectifs de la régionalisation avancée et assurer son succès. Parmi ces défis, le stress hydrique constitue un des enjeux environnementaux les plus importants, notamment à Nouadhibou et à Nouakchott. J’appelle donc les autorités à élaborer des stratégies durables en matière d'eau, répondant aux besoins croissants liés à la croissance démographique, tout en garantissant la préservation de cette ressource pour les générations futures. Il faut également investir vigoureusement dans les infrastructures au niveau régional, en développant notablement les réseaux de transport, d’énergie, d’assainissement, d’éducation et de santé.

Il est aussi question des transformations économiques mondiales qui exercent une pression sur la croissance locale et cela nécessite des stratégies économiques flexibles capables de s’adapter aux changements rapides de l’économie mondiale, renforçant ainsi notre capacité à faire face aux crises économiques et à parvenir à un développement durable. Dans ce monde marqué par la volatilité économique et les défis environnementaux, les entités et institutions publiques doivent adopter des politiques capables de répondre rapidement et efficacement à ces changements.

 

Intégrer la transformation numérique 

La transformation numérique est un des moyens efficaces pour la lutte contre la corruption. Elle est un outil essentiel pour améliorer l’efficacité de la gestion locale et parvenir à une modernisation globale de l’administration territoriale. Le succès de la régionalisation avancée ne peut être atteint sans l’intégration de la technologie numérique en diverses opérations quotidiennes, contribuant à une meilleure gestion des données et à la fourniture de services plus efficaces aux citoyens. Il s’agit d’adopter un modèle de gouvernance locale intelligent, basé sur des solutions numériques modernes, améliorant la rapidité et la transparence des transactions et assurant une communication efficace entre les agences gouvernementales et les autorités centrales. L’adoption de la transformation numérique n’est donc pas seulement une option technique : elle constitue un pilier fondamental pour améliorer la qualité des services publics, renforcer la confiance entre les citoyens et l’administration et doter les acteurs locaux de mécanismes modernes de planification et de prise de décision.

Je trouve également nécessaire de prendre en considération l’importance de renforcer la participation communautaire comme élément essentiel au succès des ateliers de régionalisation avancée, appelant à aller au-delà du modèle traditionnel de gouvernance vers une approche plus participative, faisant du citoyen un acteur-clé dans la prise de décision. Cette approche s’inscrit dans le prolongement du principe de démocratie participative, visant à renforcer la transparence et la responsabilité dans la gestion des affaires publiques et à garantir une plus large implication de la Société civile dans la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Il faut impliquer les citoyens dans l’élaboration des projets régionaux, ce qui non seulement renforcera l’efficacité de la gestion locale mais favorisera également une culture de responsabilité partagée et une gouvernance plus démocratique et efficace, capable de répondre efficacement aux attentes de la population et de parvenir à un développement équilibré et durable.

La mise en œuvre des ateliers de régionalisation avancée représente une étape cruciale dans le processus de développement territorial propre à assurer le succès de cette approche ambitieuse. À cet égard, il est important d’élaborer une feuille de route claire, incluant des échéanciers précis, pour garantir que cette approche soit mise en œuvre selon une vision globale. Cela nécessite une évaluation régulière des performances, permettant d’adapter les plans et les stratégies aux nouveaux défis et garantissant ainsi que les objectifs sont atteints de manière efficace et efficiente.

                                                                

Au-delà d’une réforme administrative

Concluant cette vision prospective, je tiens à vous affirmer, monsieur le Premier ministre, que la régionalisation avancée n’est pas seulement une réforme administrative mais bien plutôt un enjeu stratégique pour une transformation profonde de la structure de l’État et de son approche du développement. Il s’agit, pour moi, d’un souci majeur et j’en appelle solennellement à passer d’une gestion traditionnelle à un modèle moderne basé sur une décentralisation efficace, l’innovation numérique et le développement durable. Ma vision souligne également le rôle des citoyens en tant que partenaires-clés dans la construction de l’avenir. Une telle promotion est de nature à renforcer l’esprit de responsabilité collective et assurer une répartition plus équitable des opportunités et des capacités entre les différentes parties prenantes, traçant ainsi une voie claire vers une Mauritanie plus équilibrée et plus prospère où la régionalisation avancée se révèlera un moteur essentiel pour parvenir à un développement global et équitable. C’est sur cet espoir que je vous prie d’agréer, monsieur le Premier ministre, l’expression de ma haute considération.

 

Cheikh Ahmed ould Mohamed

Ingénieur

Chef du service « Études et développement »

Établissement portuaire de la Baie du Repos (Nouadhibou)