
Dans son classement annuel qui sert de baromètre à la liberté de presse dans le Monde et publié chaque année le 3 Mai, à la veille de la Journée mondiale de la Presse, Reporters Sans Frontières (RSF) a rétrogradé la Mauritanie de la 33ème place qu’elle occupait l’an dernier à la 50ème. Pourquoi, à votre avis ? La presse n’a plus affaire avec le tristement célèbre article 11 qui lui valut tant de déboires, de saisies et d’interdictions jusqu’en 2005. Les journalistes ne sont ni jetés en prison, ni empêchés de faire leur travail, encore moins maltraités par le pouvoir en place. Le mal est plus insidieux. Il ronge la profession depuis ses débuts et RSF ne s’y est pas trompé en mettant le doigt sur la plaie.
« Depuis la dépénalisation des délits de presse en 2011 », fait en effet observer son rapport, « les journalistes peuvent travailler dans un environnement moins répressif mais vivent dans une grande précarité. […] la fragilisation économique des media constitue l’une des principales menaces pour la liberté de la presse ». Tout est dit. La situation financière du secteur est plus que précaire : les ventes de la presse-papier sont en chute libre depuis plusieurs années du fait de la concurrence d’Internet, la publicité est inexistante, les annonces officielles restent l’apanage du quotidien national, le fonds d’aide à la presse est distribué à la va-vite et les vraies entreprises de presse n’y ont droit qu’à la portion congrue. Si la disparition, à moyen terme, de la presse-papier est sans doute inéluctable, il reste impératif de maintenir la réflexion citoyenne et sa libre capacité d’investigations hors de l’excitation généralisée de ce monde. Garder la tête froide a un coût.
Ahmed ould Cheikh