
Il est devenu impératif pour la Mauritanie d’adopter une posture plus lucide, affirmée et responsable dans la conduite de ses alliances internationales. Il ne s’agit nullement de rompre les liens avec la République populaire de Chine – partenaire stratégique de longue date – mais de redéfinir les termes de notre coopération, en exigeant un partenariat fondé sur l’équité, la transparence et le respect mutuel, notamment en ce qui concerne la préservation de nos ressources naturelles.
Indéniablement, les investissements chinois dans les infrastructures, notamment les réseaux routiers contribuent au développement de notre pays. Toutefois, ces avancées ne sauraient occulter les effets pervers d’un partenariat souvent déséquilibré, dont le coût écologique, économique et social devient de plus en plus insoutenable. Le pillage de nos ressources halieutiques, notamment, constitue un point de friction majeur. Jadis foisonnantes, nos eaux territoriales sont aujourd’hui soumises à une exploitation industrielle effrénée, appauvries par des flottes étrangères opérant parfois avec la bénédiction tacite de certaines autorités locales. Cette surexploitation met gravement en péril notre écosystème marin et les moyens de subsistance de milliers de pêcheurs mauritaniens.
Il est inacceptable que ces navires étrangers, souvent dotés de main-d’œuvre non locale, accaparent les richesses de notre littoral sans réel bénéfice pour nos populations, ni transfert de compétences durable. Plus préoccupante encore est l’opacité des accords signés, conclus à huis clos, sans consultation publique ni contrôle parlementaire effectif, nourrissant ainsi une défiance croissante au sein de l’opinion nationale.
Dans ce contexte, il devient urgent de faire entendre notre voix. Non pas en rompant de manière brutale les liens avec une puissance mondiale incontournable – dont les avancées technologiques et l’influence géopolitique sont désormais des réalités incontournables, comme en témoignent les tensions récurrentes en Asie du Sud – mais en affirmant clairement nos exigences : respect de l’environnement, recours à la main-d’œuvre nationale, transparence des conventions, et réciprocité dans les échanges.
La Chine doit également comprendre qu’en tirant profit des failles d’un système gangrené par la corruption, elle expose ses intérêts à des révisions futures. Un gouvernement attaché à la souveraineté et à la justice pourrait légitimement réévaluer les conventions existantes, voire exiger des réparations ou indemnisations pour les préjudices subis – qu’il s’agisse de pillage des ressources ou d’endettement abusif.
Il ne s’agit pas d’opposer un partenaire à un autre. La diversification de nos alliances est une démarche de souveraineté. Taïwan, par exemple, pourrait être considéré comme un partenaire complémentaire dans des secteurs comme l’innovation ou la formation technique, sans remettre en cause nos engagements diplomatiques actuels.
La souveraineté ne se proclame pas seulement ; elle se construit au quotidien, par la défense de ses intérêts vitaux, la conditionnalité de ses coopérations et la clarté de ses choix. Il est temps pour la Mauritanie de se dresser avec dignité – non pas contre la Chine, mais pour elle-même.
Mohamed Eleya