Passions d’un engagement (64): L’ivresse du retour en Mauritanie/Par Ahmed Salem Ould El-Moctar-Cheddad

5 June, 2025 - 01:35

Un mauvais musulman à bord
A la fin de notre séjour, on se rendit à Casa pour prendre le vol Casa-Nouakchott. Ce vol d’Air Algérie a failli nous être fatal. Un passager mauritanien, un quinquagénaire, d’apparence honnête homme, portant un boubou bleu tout neuf, avec lequel, à quelques reprises, j’ai partagé le thé chez certaines marchandes mauritaniennes à Casa et à Rabat faisait partie du voyage. Il donnait l’impression d’être un homme jouissant d’une certaine sagesse. En plein vol, il se leva de son siège. Il se mit à se balader dans les allées. Il aborda dans leurs sièges plusieurs passagers, des jeunes femmes pour la plupart.
Quelques minutes avant l’embarquement, je l’avais remarqué au bar de l’aéroport. Tout indiquait qu’il s’était gavé d’alcool. Les membres de l’équipage de l’avion d’Air Algérie prirent aussitôt conscience de sa situation et surtout du danger qu’il puisse présenter.
 

Le risque à bord parmi nous
Dans ses déplacements anarchiques, il fut escorté en permanence par deux d’entre eux. Une fois, il demanda à voir le pilote de l’avion dans sa cabine de pilotage. Son escorte l’accompagna jusqu’à lui. A quelques reprises, il regarda par le hublot avant de crier : « allez : venez voir la ville d’Agadir au Maroc », puis un peu plus tard, « la ville de Zouerate en Mauritanie…. ». Les passagers n’arrivaient pas à dissimuler leur inquiétude. On craignait surtout que dans ses errements, il finisse par entrer en conflit au corps à corps avec son escorte. Ce qui pourrait déstabiliser l’avion en plein vol.

Le ouf de soulagement
Heureusement les choses n’en étaient pas arrivées jusque-là. Tous poussèrent un ouf de soulagement après l’atterrissage à l’aéroport de Nouakchott. Ils se pressèrent de quitter l’avion après que tout danger fut écarté depuis qu’il s’est immobilisé au sol.  Nous avions foulé de nouveau le sol mauritanien.

Un bilan controversé
Nous étions plus que satisfaits d’abord de notre retour sains et saufs, satisfaits aussi de notre recette politique considérant que nous avions fait connaître notre parti au sein de nos communautés d’immigrés dans trois pays du Maghreb. Nos chefs politiques, les initiateurs de notre mission, n’étaient pas de cet avis. Pour eux, toute activité politique qui n’apportait pas de nouvelles voix pour le congrès était considérée comme insignifiante et sans aucun intérêt.
 

Une mission complémentaire
Avant de me programmer pour une nouvelle mission à l’extérieur, je me rappelle avoir accompagné un autre ami dans une mission d’implantation du parti à Zoueirat. Notre mission se limitait uniquement à la ville de Zoueirat. Mon compagnon porte le nom de Yaaghoub, un ancien officier de la marine nationale. Au début des années 1970, il avait lui aussi milité au sein du Mouvement National Démocratique (MND). Il se pourrait qu’il ait eu des ennuis politiques qui seraient à l’origine de son départ, probablement « involontaire », de la marine.
On était descendu chez le nommé Datt Omar, un jeune employé, cadre à la SNIM. Je ne le connaissais pas avant. C’était un garçon jouissant d’une grande intégrité morale. Dans son activité politique et syndicale, il était secondé par Khalidou Moussa, un employé de la société minière, un ancien promotionnaire du secondaire. Dans ce début de l’année 1996, l’influence politique de l’UFD /EN dépassait à peine quelques 200 travailleurs de la SNIM de Zoueirat, presque tous négro-africains, sympathisants principalement du MND. Ce qui pourrait être à l’origine d’un certain découragement de mon compagnon Yaaghoub. C’était à Zoueirat que je découvris qu’il était plutôt assez proche des amis d’Ahmed Ould Daddah. Il retourna très tôt à Nouakchott. Il me disait qu’à priori, il me faisait confiance. Il promettait qu’il apposera sa signature à côté de la mienne dans le procès-verbal final clôturant notre campagne d’implantation à Zoueirat. Malheureusement il oublia vite cet engagement.
 

Une dernière mission inutile
Ce qui va amener la direction du parti à initier l’envoi d’une deuxième mission chargée de réviser l’implantation que j’avais effectuée pratiquement seul à Zoueirat. Ils ne m’avaient rien expliqué. Peut-être,
comme j’avais conclu dans une note écrite de protestation contre l’envoi d’une nouvelle mission d’implantation à Zoueirat: « hajetoune vi nefssi yaghouba », comme dit le saint Coran. Littéralement: « pour une raison intime dans le subconscient de Yaaghoub ». La mission du parti était venue dans l’avion qui devait me ramener à Nouakchott.
Elle était composée uniquement de Khadijetou Diallo, cadre dirigeant du MND. Je l’avais croisée dans l’avion qui devrait me ramener à Nouakchott. J’escaladai les escaliers de l’avion au moment où elle en descendait. Elle voulait me retenir pour continuer avec elle sa nouvelle mission. J’avais catégoriquement refusé. Je lui avais expliqué que matériellement il n’y avait plus rien à réviser.
 

Quand la canicule menace la vie des humains
Deuxièmement, pour des raisons de santé je ne pouvais plus passer une seule nuit à Zoueirat. En effet, depuis quelques jours une terrible vague de chaleur s’abattait sur la ville. Au début de notre arrivée, il faisait encore frais. On était complètement dérangé par des vagues interminables de mouches le jour et de moustiques la nuit. Puis brusquement la canicule s’installa. Elle décima entièrement ces petits insectes plutôt « domestiques » quand on considère qu’ils ne cessaient de vivre avec l’homme en même temps que ses troupeaux d’animaux ou son chien ou son chat de compagnie.
Ces derniers jours, tout indiquait que la canicule s’en prenait cette fois-ci aux personnes. Les maisons des cadres possédaient des murs doubles avec climatisation. Celles des ouvriers n’en possédaient point. Les chambrettes de leurs petites maisons au toit en zinc brûlaient à faire cuir toute main nue qui se hasardait à se poser pour une fraction de seconde, même sur leur façade intérieure. Depuis deux jours, uniquement à cause de la chaleur, je souffrais de maux de tête insupportables. Raison pour laquelle je pris la décision d’achever rapidement ma mission pour fuir Zoueirat pendant que j’étais encore en vie.
La nouvelle missionnaire du parti rebroussa chemin aussitôt. Les amis l’avaient convaincue de l’inutilité de procéder à une nouvelle implantation du parti à Zoueirat.
 

(À suivre)