
Poussées par leur forte ambition et leur désir inébranlable d’indépendance, les femmes mauritaniennes luttent pour une plus grande liberté qui renforcera leur position dans le monde des affaires. Cerné de barrières structurelles et socioculturelles, l’entrepreneuriat féminin reste une bataille à long terme mais porteuse d’espoir et d’opportunités. Les chiffres vont en ce sens : la volonté des femmes mauritaniennes à fonder des entreprises est puissante et entretenue.
Reconnaissant le rôle-clé que joue l’entrepreneuriat féminin dans la croissance inclusive, notre gouvernement a intensifié ses efforts pour encourager et soutenir les entrepreneures, en lançant de nombreux programmes visant à améliorer leur accès au financement, à la formation et au réseautage. Le cadre législatif a évolué en ce sens pour assurer une plus grande intégration économique des femmes, reflétant l’engagement institutionnel à réaliser le principe de l’égalité des chances. Les femmes mauritaniennes sont aujourd’hui plus instruites que jamais, représentant plus de la moitié des inscriptions universitaires mais leur participation au système entrepreneurial reste insuffisante. Pourquoi leur potentiel n’est-il pas pleinement exploité ?
Un potentiel inexploité dans un environnement en mutation
L’accès au marché et le manque de financement demeurent les principaux obstacles auxquels sont confrontées les entrepreneures mauritaniennes. Il existe cependant de nombreux secteurs prometteurs qui leur sont ouverts, notamment l’économie circulaire, l’industrie créative, l’industrie alimentaire durable et les services à la personne. Reste le nerf de la guerre. La plupart des entreprises dirigées par des femmes sont financées par leurs fonds propres ou familiaux, peu d'entre elles obtiennent des prêts bancaires.
Les critères d’évaluation appliqués par les banques ne prennent pas toujours en compte les spécificités des projets des femmes qui se concentrent souvent sur l’impact social et environnemental. Il est nécessaire de revoir ces critères, en y incluant la durabilité à long terme et l’impact sociétal, plutôt que de s’appuyer uniquement sur des garanties financières. Certaines initiatives commencent cependant à émerger, l’émission d’obligations de type par l’autorité nationale du marché des capitaux marquant une avancée significative en ce sens. Ces fonds visent à financer des projets portés exclusivement par des femmes et à faciliter leur accès aux ressources financières.
Briser l'isolement par la formation
Au-delà du financement, c’est tout un système de soutien et d’accompagnement qu’il faut renforcer. La peur de l’échec et le manque de formation freinent encore de nombreuses femmes. Pour répondre à cette problématique, l’État a développé des programmes de mentorat et de formation visant à enseigner aux entrepreneures des compétences en gestion, leadership et numérique. Les réseaux apparaissent en outre comme un outil puissant pour briser l’isolement et accélérer la croissance des entreprises dirigées par des femmes.
Soulignons ici que participer à des clubs d’affaires, des forums et des incubateurs permet aux femmes de nouer des relations stratégiques, de trouver des mentors et d’accéder à de nouveaux marchés. Et l’on remarquera également toute l’importance de la numérisation. Elle offre une opportunité sans précédent aux femmes entrepreneures qui peuvent bénéficier de programmes spécifiques en ligne pour y développer leurs activités, leur ouvrant de nouveaux horizons sur le marché international.
Cela dit, l’entrepreneuriat féminin ne peut se développer pleinement sans un système global et une convergence entre les différents acteurs économiques, financiers et institutionnels. Il est essentiel d’aller au-delà des mesures traditionnelles de soutien et de repenser l’approche de celui-ci. En développant notamment des politiques ciblées favorisant l’accès initial aux marchés publics et privés, l’attribution de marques spécifiques aux entreprises dirigées par des femmes et une meilleure sensibilisation des investisseurs aux opportunités offertes par l’entrepreneuriat féminin.
Si notre pays a posé les bases de l’intégration économique des femmes, les chiffres révèlent qu’un véritable changement d’approche est nécessaire. J’appelle donc à une réforme profonde du cadre réglementaire et financier, ainsi qu’à un changement des mentalités, afin que les femmes soient considérées comme des actrices indépendantes de l’économie nationale. J’estime qu'il est nécessaire d’intégrer des unités d'entrepreneuriat dans l'enseignement universitaire et d'intensifier les actions de sensibilisation pour normaliser l'image des femmes entrepreneures. L’entrepreneuriat féminin est une réalité en pleine mutation. Avec quelques ajustements politiques, financiers et culturels, ce secteur pourrait devenir l’un des principaux moteurs de la croissance globale du pays.
Cheikh Ahmed ould Mohamed
Ingénieur
Chef du service « Études et développement »
Établissement portuaire de la Baie du Repos (Nouadhibou)