
Chaque année, des milliers de jeunes migrants subsahariens bravent les étendues brûlantes du désert mauritanien, poussés par l’espoir d’une vie meilleure. Attirés par les promesses d’emplois dans un pays en plein boom énergétique, dopé par le gaz mais souffrant d’un manque chronique de main-d’œuvre, ils se heurtent pourtant à la dure réalité d’un parcours semé d’embûches.
Entre 2021 et 2024, plus de 1000 migrants ont trouvé la mort dans le désert mauritanien, selon un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les conditions extrêmes, la chaleur, la faim, les violences policières et les expulsions arbitraires vers le désert font de ce passage un véritable calvaire.
Au Maghreb, les migrants subsahariens subissent des traitements inhumains. Selon plusieurs témoignages recueillis par Le Monde, les forces de sécurité marocaines ont recours à des méthodes brutales : utilisation de chiens, passages à tabac, expulsions vers des zones désertiques sans ressources. Ces pratiques sont parfois financées par des fonds européens destinés à la gestion des frontières, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros depuis 2015.
Pour ceux qui arrivent à rejoindre la Méditerranée, le danger ne disparaît pas. En 2024, plus de 10 400 personnes sont mortes ou ont disparu en tentant de traverser vers l’Europe, soit environ 30 décès par jour, d’après le collectif Caminando Fronteras. Ces migrants deviennent souvent des victimes invisibles, leurs corps engloutis par la mer.
Les survivants de ce périple, lorsqu’ils parviennent enfin en Espagne, sont confrontés à un climat hostile. La montée du parti d’extrême droite VOX, qui a enregistré près de 19 % d’intentions de vote en juillet 2025, alimente un discours de haine contre les migrants, particulièrement les Subsahariens. Des agressions, des contrôles policiers ciblés, et des suppressions d’aides sociales sont devenus fréquents dans plusieurs régions.
En Murcie ou à Barcelone, des affrontements violents entre groupes racistes et migrants ont récemment conduit à des arrestations pour crimes haineux. Dans une société divisée, 57 % des Espagnols estiment qu’il y a “trop d’immigrés”, bien que la population étrangère ne représente qu’environ 18,5 % de la population totale.
Face à cette violence, la communauté marocaine en Espagne est souvent la seule à réagir en organisant des manifestations et en protégeant les plus vulnérables. Le gouvernement central, lui, reste majoritairement silencieux, tandis qu’une partie de la population espagnole se replie sur une identité nationale de plus en plus excluante.
Le parcours des migrants subsahariens, de la traversée du désert à la Méditerranée, jusqu’à la chasse dont ils sont victimes en Espagne, témoigne d’une tragédie humaine contemporaine. Entre politiques européennes de contrôle strict des frontières et montée des populismes, leur avenir reste incertain.
L’Espagne n’a peut-être jamais colonisé l’Afrique, mais elle porte aujourd’hui une responsabilité morale face à ces vies brisées, souvent réduites au silence.
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