Les Accords d’Abraham et l’Islam : Une antinomie évidente (suite): Israël : La fuite en avant meurtrière/Par Moussa Hormat-Allah, professeur d'université, lauréat du Prix Chinguitt

17 September, 2025 - 21:56

Il faut se rendre à une évidence. Les accords d’Abraham servent ostensiblement les intérêts de l’État hébreu et certains régimes arabes et enterrent de facto la solution des deux Etats. L’occupation de la Palestine par Israël et les droits des Palestiniens ont été relégués au second, voire au troisième plan.

Soutenir ces accords, c’est abandonner Jérusalem, un lieu sacré pour les musulmans. Par ailleurs, l’utilisation du nom d’Abraham (PSL) est une instrumentalisation politique inacceptable pour qualifier une paix sans justice alors qu’il symbolise la foi, la droiture et le rejet de l’idolâtrie et de l’injustice.

Pour beaucoup de musulmans, ‘’les accords d’Abraham sont perçus comme une trahison religieuse, une alliance impure avec l’oppresseur, une capitulation honteuse maquillée en paix’’.

En attendant l’entrée en vigueur de ses sinistres accords, Israël et les Etats-Unis continuent leurs agressions au Proche et au Moyen-Orient.

Après avoir détruit l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye et la Palestine, les Occidentaux et Israël veulent maintenant s’en prendre avec les accords d’Abraham à ce qu’il y a de plus précieux, de plus sacré chez les musulmans : leur foi.

Pourtant, le bon sens et les facultés de discernement, les plus élémentaires, récusent cette approche ubuesque de Netanyahou sur le projet d’un nouveau Proche-Orient. Au-delà du confort du moment, il faut se rendre à une évidence. Les juifs qui peuplent l’État hébreu sont de l’ordre de sept millions. Pour leur part, les Palestiniens présents sur le sol de la Palestine sont au nombre de huit millions.

Ce nombre se décompose comme suit : Gaza deux millions et demi, la Cisjordanie, trois millions et les arabes ‘’israéliens’’, deux millions et demi. Sans compter les quelque six millions de réfugiés palestiniens, notamment en Jordanie, au Liban et en Syrie.

 

C’est dire qu’en Palestine occupée les Palestiniens sont sur le plan numérique majoritaires. Ajoutez à cela cinq cents millions d’arabes qui prennent en tenaille le minuscule Etat hébreu.

Dans une configuration géographique aussi défavorable, l’État hébreu, quel que soit sa force militaire et ses soutiens extérieurs, pourra-t-il prospérer, dans la durée, dans un environnement aussi hostile ?

 

Le retour à la légalité internationale pour une paix durable

Comme on le voit, Israël avec ses sept millions d’habitants est encerclé par près de cinq cents millions d’arabes et le compte à rebours pour sa neutralisation inéluctable, sur une échelle de temps que seul Dieu sait, a commencé.

La seule solution raisonnable pour l’État hébreu est l’avènement d’une paix durable entre Israéliens et Palestiniens sur la base de la légalité internationale et l’application des multiples résolutions du conseil de sécurité et de l’assemblée générale de l’ONU. C’est-à-dire le retour aux frontières de 1967 et la création de deux Etats, vivant côte à côte. L’Etat palestinien avec sa capitale à Jérusalem Est.

Une fois de plus, la fuite en avant ne mènera nulle part sauf, avec le temps, la destruction de l’État hébreu.

En toute bonne logique, la conjugaison de plusieurs facteurs particulièrement alarmistes pour Israël devrait, en principe, militer en faveur d’une solution pacifique et pérenne entre les deux protagonistes en Palestine occupée.

Les générations palestiniennes montantes ne renonceront jamais à la libération de leur patrie, le flambeau sera toujours repris par des forces combattantes. La plupart des gouvernants arabes actuels seront, immanquablement, remplacés, à un moment ou un autre, par d’autres moins conciliants envers Israël, sans oublier que Trump est simplement de passage à la Maison Blanche, et qu’avec un conflit majeur qui se dessine dans l’Indo-Pacifique, Washington pourra reconsidérer ses priorités stratégiques.

D’autres menaces assombrissent davantage le ciel de l’État hébreu. Qu’on en juge :

 

* Les massacres perpétrés, de sang-froid, par l’armée de l’entité sioniste ont considérablement terni l’image de l’Israël dans le monde.

* L’opinion internationale, notamment en Europe et aux États-Unis –pays traditionnellement alliés d’Israël– dénoncent avec force les exactions et les crimes et rend l’entité sioniste responsable du génocide qui se déroule à Gaza.

* La pression de la justice internationale, notamment la CIJ et la CPJ avec, déjà, un mandat d’arrêt pour crime de guerre et crime contre l’humanité délivré contre Netanyahou.

* L’antisémitisme prend une dimension mondiale, de plus en plus, inquiétante pour les juifs.

* Les Israéliens, qui ont peur de la guerre et de l'instabilité, sont nombreux à quitter Israël. Selon des statistiques officielles, plus du tiers des Israéliens ont quitté leur pays.

* Tsahal manque d’effectifs. Beaucoup de réservistes ne veulent plus servir dans l’armée. Et les traumatismes psychologiques inhérents à la guerre font des ravages parmi les troupes combattantes.    

* L’économie s’est fortement affaissée. La dette extérieure est montée en flèche. Les investisseurs étrangers ont fui le pays. La note d’Israël a été dégradée par les agences internationales de notation. Le trafic dans les ports et aéroports a été fortement perturbés… 

* La cohésion entre les principaux responsables de l’État est mise à rude épreuve. Le gouvernement et l’armée sont, de plus en plus, en désaccord sur la conduite et les objectifs de la guerre.

* Pour rester au pouvoir et échapper à un procès pour corruption qui signerait sa mort politique, Netanyahou a mis le feu dans la sous-région, un engrenage qu’il ne peut plus ou ne veut plus maîtriser, un peu comme au vélo si on arrête de pédaler, on tombe.

 

Qu’importent les destructions, les massacres, la désolation et la mort, tout ce qui compte, croit-t-il, c’est de passer à la postérité comme l’homme providentiel qui aura sauvé l’avenir et le devenir d'Israël.

 

En réalité, il s’est avéré être un piètre stratège. Il a, une fois de plus, dressé le monde entier contre son pays. L’opinion publique israélienne le rend, personnellement, responsable des évènements du 7 octobre de même que de la mort des otages par son entêtement et de la non libération de ceux qui sont encore en vie.

 

Netanyahu a placé ses intérêts personnels au-dessus de ceux de l'entité sioniste

Par ses agissements irresponsables, il a considérablement fragilisé les fondements de l’État hébreu tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

Au-delà du paravent fallacieux de servir l’intérêt supérieur de son pays, il a en réalité mobilisé son armée et les ressources de l’État pour servir, in fine, des intérêts strictement personnels.

 

Le bilan de la guerre à Gaza et en Iran est dérisoire, voire nul malgré les fanfaronnades de Netanyahou. Le Hamas administre toujours, dans l’adversité, l’enclave palestinienne. Les prisonniers israéliens n’ont pas été libérés par la force.

En Iran, malgré de sévères coups portés, notamment, par l’armée américaine, le pays est toujours debout et reconstitue, petit à petit, ses moyens militaires en particulier sa défense sol-air.

- Les pertes humaines et les destructions sont considérables en Israël depuis le 7 octobre et une psychose sans précédent envahit ses habitants.

* Israël doit aussi intégrer une donne fondamentale : Les accords d’Abraham, si d’aventure ils venaient à voir le jour, ne constitueront pas une panacée. Car il s’agira alors pour les musulmans d’une initiative à contre-courant de l’orthodoxie religieuse. Les oulémas sont vent debout contre cette grave déviance par rapport au cap tracé par le Messager d’Allah.

Pour ces oulémas, les accords d’Abraham sont une instrumentalisation politique de la religion. En revanche, l’islam encourage l’entente, les échanges et le dialogue avec toutes les religions mais avec des limites à ne pas franchir.

 

Tout ce qui précède devrait conduire, in fine, l’Etat hébreu à revoir sa stratégie dans la sous-région. La seule issue pour Israël serait un retour à la légalité internationale et l'avènement de deux Etats en Palestine occupée pour une paix durable.

Dans cette optique, les éventuels rounds de négociations qui pourraient couronner ce processus devront intégrer certains points importants, notamment :

* Un échange de territoires qui permettrait une continuité physique du futur Etat palestinien en reliant la Cisjordanie à Gaza;

* La rétrocession par Israël à l’État palestinien des logements et les infrastructures qui abritent les colons juifs en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Tout cela, en guise de dédommagement pour les destructions systématiques des villes et la perte des biens palestiniens.

* Réparations financières, conséquentes à la charge des États-Unis et d’Israël ;

* Une conférence internationale des donateurs, sous l'égide de l’ONU pour la reconstruction de Gaza et de la Cisjordanie…

 

La goutte qui fait déborder le vase

Les suggestions qui précèdent relèvent, probablement, de vœux pieux. Car en dépit de la dangerosité de la situation, les gouvernants israéliens donnent l’impression de vivre dans un monde parallèle. Plus que jamais le mot d’ordre est la fuite en avant.

Pourtant, la politique génocidaire systématique mise en œuvre par Israël à Gaza a fortement terni l’image de ce pays et l’a quasiment mis au ban des nations. Et comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants de l’Etat hébreu, pour faire échec, pensent-ils, à la reconnaissance internationale de l’Etat de Palestine, viennent de prendre une décision qui pourrait s'avérer lourde de conséquences.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit, pour eux, de faire en sorte que le territoire palestinien soit coupé en deux par l’implantation d’une nouvelle colonie de peuplement.

Ce projet connu sous le nom de code E1 couperait le nord du sud de la Cisjordanie. Cela empêchera toute liaison entre Ramallah, Jérusalem-Est et Bethléem au sud. Ainsi, il sera pratiquement impossible de créer un Etat palestinien ayant une continuité territoriale.

Les Palestiniens ne pourront plus se déplacer librement et devront être confinés dans une des deux portions de la Cisjordanie ou se soumettre à des contrôles de sécurité de l'armée israélienne pour passer d’une région à une autre.

La communauté internationale pourra-t-elle rester impuissante face à une situation aussi dramatique, injuste qu’amorale ? A quand la fin de l’arrogance et l'impunité de l’Etat hébreu ? A quand la fin de sa violation flagrante, délibérée et continue du droit international ?

 

 

(À suivre. Genèse et perspectives de l’évolution du conflit Israélo-palestinien)