La Mauritanie au miroir de sa conscience : De la dune morcelée à la cité réconciliée

1 October, 2025 - 13:12

Si une magie pouvait embrasser la Mauritanie, elle ne serait pas une chimère passagère, mais une force régénératrice, capable de ranimer l’esprit civique, d’apaiser les fractures sociales et de faire éclore la conscience collective. Car notre pays, vaste et fragile à l'image des dunes sculptées par le vent, se débat dans un climat hostile, où se conjuguent la sécheresse de la nature et la stérilité de la gouvernance.
Les entreprises publiques, véritables vaisseaux fantômes, s’enlisent dans l’improvisation ; le gouvernement, empêtré dans ses propres lacunes, trébuche à chaque étape ; et l’enseignement – censé être le socle de l’unité – échoue lamentablement à s’ériger en creuset des cultures arabo-berbères, négro-africaines et haratines. Au lieu d’être un phare guidant les générations, il n’est plus qu’une flamme vacillante, incapable d’éclairer la marche vers une citoyenneté inclusive et apaisée.
À ces défaillances structurelles s’ajoute un mal plus insidieux, rongeant les entrailles du corps social : le déficit criant de civisme. La volonté délibérée de transgresser les règles, le tribalisme qui réduit l’individu à son seul lignage, la gabegie érigée en mode de gestion, tout cela a fissuré les fondations de la communauté nationale. La société, happée par la logique de consommation effrénée et la multiplication des besoins artificiels, a fini par sanctifier l’argent-roi : désormais, tout moyen pour l’obtenir est jugé louable, fût-il le plus discutable.
Une fausse élite, mi-bourgeoise mi-influente, entretient activement cette dérive : griots complaisants, pseudo-influenceurs et notables en quête de visibilité dictent les codes d’une vie publique enivrée par l’ostentation. Les cérémonies de mariage et les soirées tapageuses, où des sommes astronomiques sont dilapidées sans vergogne, deviennent les théâtres de ce simulacre social. C’est comme si la nation, dans un vertige collectif, cherchait à s’étourdir par le bruit et la futilité, feignant d’ignorer que ses fondations, silencieusement, se lézardent.
Les Haratines, jadis relégués aux marges de l’histoire, émergent aujourd’hui avec une vitalité démographique qui recompose profondément les équilibres séculaires. Mais, paradoxe amer, cette mue nécessaire nourrit davantage la méfiance et les crispations que l’élan vers une réconciliation nationale authentique. Pourtant, leur essor pourrait incarner le ferment d’un renouveau prometteur, si seulement nous acceptions de voir dans la diversité non pas une menace, mais l’essence même de notre richesse collective.

Plaidoyer pour une régénération civique et sociale face aux dérives de l'ostentation et du tribalisme

La magie dont nous avons besoin n’est pas celle des talismans ni des incantations obscures ; elle est celle de la lucidité, de la probité et du dialogue courageux. Elle réside dans la volonté farouche de renoncer aux masques de la vanité et aux mirages du faste éphémère, pour édifier, pierre après pierre, une société enfin fondée sur la justice, l’égalité des chances et le respect sacré de la règle commune. Alors, et seulement alors, la Mauritanie cessera d’être cette dune mouvante et morcelée, pour devenir un édifice solide, un livre au récit cohérent où chaque citoyen, qu’il soit du désert ou du fleuve, pourra lire, dans ses pages, le récit de sa dignité enfin retrouvée.

Eléya Mohamed
Notes d'un vieux professeur