Après une année à la Primature : Quel bilan pour Ould Diay ?

9 October, 2025 - 21:28

Quel est le regard des Mauritaniens, classe politique et autres sphères de la société, sur les performances du gouvernement de Moctar Ould Diay, locataire de la Primature depuis un peu plus d’une année ? La question suscite des réponses contrastées. Pour aborder le sujet, voici une première référence, officielle : la première Déclaration de Politique Générale (DPG), présentée devant l’Assemblée nationale au mois de Septembre 2024, par le Premier ministre en personne.

Ce premier repère temporel fut suivi par la publication, fin Juillet 2025, du bilan de l’action du gouvernement, dans le cadre de la mise en œuvre du programme du président de la République, Mohamed Cheikh El Ghazouani « Mon ambition pour la Patrie ». Un volumineux document, dévoilant « des résultats concrets, fruit d’un suivi rapproché, motivé par un engagement sans faille et une planification rigoureuse ».

                  

Pluie de projets

Cette démarche médiatique mettait en avant « les projets structurants réalisés, les projets structurants dont l’exécution a été sensiblement accélérée, ceux lancés depuis le 1er Août 2024, ceux dont le lancement était imminent, les réformes structurelles pour la gouvernance, les actions à fort impact social et les succès diplomatiques […] ». Ces différentes réalisations portent sur de nombreux secteurs : santé, accès à l’eau potable, électrification, infrastructures routières urbaines, désenclavement, aménagements hydro-agricoles, accès essentiel au service du développement local, élevage (à travers un programme prioritaire), emploi jeunes, inclusion... Mais, au-delà de cet exercice d’autosatisfaction, quelle est la perception de   l’opinion, le regard des Mauritaniens, des acteurs politiques issus de la majorité et de l’opposition, de la Société civile et autres leaders d’opinion ?

 

Achever des réformes cruciales

Interrogé sur le bilan de Moctar Ould Diay aux commandes de la Primature, Housseïn Dieng, administrateur du Cadre d’échange de la République Islamique de Mauritanie, un forum regroupant plusieurs centaines de  citoyens de toutes les sensibilités politiques, sociales et affectives, perçoit  le renouvellement de la confiance au PM par le président de la République, à travers « la volonté de le voir achever des réformes cruciales, après le temps mis à élaborer des stratégies pour répondre aux enjeux et préoccupations des citoyens ».

Natif de Moudjéria, Moctar Ould Diay est une figure bien connue du paysage politique mauritanien. Au cours de la première partie de sa mission, il a été confronté à des défis cruciaux, tels que la relance de l’économie nationale, le renforcement de la stabilité sociale, de la sécurité, la lutte contre la mauvaise gouvernance et contre le chômage, l’amélioration des conditions de vie des populations, la question migratoire et ses répercussions significatives, l’insécurité persistante au Sahel, le tout combiné à des niveaux alarmants de pauvreté. Des défis en dépit desquels le gouvernement a accompli des actions positives et obtenu des résultats.

C’est dans cet esprit qu’il faut placer les nombreuses réalisations du programme Taazour qui ont permis des actions de lutte contre la vulnérabilité, et celui de la modernisation de Nouakchott et des cités de l’intérieur du pays, avec la mise en œuvre de nouvelles infrastructures routières, de centres de santé et autres acquis au profit des populations. Il y a également les facilités relatives aux conditions d’accès à l’état-civil, la prise en compte des problèmes liés à l’énergie, l’accès à l’eau potable dans la capitale, dont l’offre s’est considérablement élargie : autant d’avancées majeures. Sur le plan diplomatique, on peut noter l’élection de la Mauritanie au Comité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) contre la torture, comme un signe fort de la volonté de défendre et promouvoir les droits humains.

 

Pas de rupture avec les pratiques du passé

Interpellé sur le bilan du Premier ministre, Khalilou Ould Dedde, enseignant à l’université de Nouakchott, haut responsable de l’Union des Forces de Progrès (UFP) et ex-député, note une persistance des pratiques du passé, comme disait un célèbre rappeur dans une formule-choc : « mêmes chiens, mêmes chats ». Jetant un coup d’œil sur le rétroviseur, Khalilou rappelle qu’« à son arrivée au poste de Premier ministre, Moctar Ould Diay a suscité deux types de réactions. Certains pensaient qu’il appartenait au passé de la gestion du pays par Mohamed Abdel Aziz et n’en attendaient donc pas de bonnes choses. D’autres voyaient en lui un cadre compétent, dynamique et volontaire. Mais la réalité est que le nouveau Premier ministre reste conditionné par un système plus fort que lui, contrôlé par des lobbys qui gèrent le pays en fonction de logiques clientélistes et népotistes, hypothéquant toute idée de progrès.

Quel bilan de Moctar Ould Diay après une année aux commandes du gouvernement ? Force est de constater que la rupture avec les pratiques du passé n’a pas eu lieu : la cherté de la vie est toujours une triste réalité, les services publics demeurent faibles (éducation, santé, eau, électricité), l’insécurité sévit toujours, la mauvaise gouvernance et les malversations règnent encore. Certes, la politique fiscale est très active et la communication, toujours présente, se fait entendre mais, pour les actions concrètes au profit des couches les plus vulnérables, le bilan est très mitigé », estime l’ancien député.

 

Perspectives 2026 : achèvement de grands projets et lancement de nouveaux chantiers ? Les défis pour l’édification de l’État de droit restent énormes, dans un contexte marqué par l’exclusion et des crispations identitaires de plus en plus prononcées. Le débat sur la véritable identité des Haratines, avec un torrent de commentaires sur les Réseaux Sociaux (RS), depuis quelques semaines, n’est pas un signe anodin. Il renvoie à des urgences gouvernementales.  Et que dire du sentiment de laissés-pour-compte de larges franges des communautés négro-africaines ? Dans le même temps, l’agonie continue de l’école publique, depuis plusieurs dizaines d’années, les questions liées au développement économique, la promotion du capital humain… restent autant d’enjeux dont l’affrontement passe par une gouvernance réellement rénovée. 

      Amadou Seck