
Il est pour le moins inconcevable, monsieur le président de la Cour des comptes, que vous tentiez, par un euphémisme d’une douceur écœurante, de justifier le pillage organisé des biens publics sous le fallacieux prétexte qu’il ne s’agirait pas de gabegie, mais simplement de mauvaise gestion.
Quelle délicate pirouette lexicale pour habiller le vol d’un voile de respectabilité !
Le paradoxe des milliards envolés
Permettez-moi de vous dire, avec tout le respect dû à votre haute fonction, que vous avez tort. Oui, tort de vouloir maquiller plus de quatre cents milliards disparus comme par enchantement, subtilisés par de grands fonctionnaires dont la dextérité n’a d’égale que l’appétit vorace.
Pendant ce temps, les enseignants, ces héros silencieux de la craie et du tableau, continuent de se battre chaque matin contre la fatigue, la maladie et la menace constante de sanctions, simplement parce qu’ils n’ont pas le luxe de s’absenter, fût-ce pour un simple malaise.
Les artisans de l’esprit
Et pourtant, malgré un salaire famélique, ces artisans de l’esprit persistent avec dignité, sculptant l’avenir à la craie blanche, au milieu d’un nuage de poussière et d’indifférence. Leur métier, certes ingrat, demeure l’un des plus nobles : enseigner sans jamais détourner, transmettre sans jamais prendre.
Fort heureusement, les enseignants n’ont pas de budget à dévorer ; sinon, qui sait ? Peut-être que les fonctionnaires du ministère de l’Éducation auraient commandé des craies et des tableaux de mauvaise qualité à des prix exorbitants… ou bien aurions-nous vu des craies en or et des tableaux sertis de diamants !
Peut-être dans les rêves… car, en réalité, ce sont les classes pléthoriques, la poussière du sable et la radiation de la craie qui rendent la respiration difficile.
Quand l’injustice devient une habitude
Mais si les grands fonctionnaires continuent à festoyer impunément sur les deniers de l’État, sans jamais être jugés ni même interpellés, tandis que les petits fonctionnaires peinent à mener une vie décente, alors quelque chose se fissure dans la conscience nationale.
Car aimer son pays, c’est aussi pouvoir y vivre dignement, jouir de ses droits tout en assumant ses devoirs, et surtout percevoir que règnent l’égalité et la justice.
Faute de quoi, la gabegie finit par s’installer comme une seconde nature, et la corruption devient un art de vivre sous le vernis du patriotisme.
Eléya Mohamed
Notes d'un vieux professeur


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