L’inauguration du projet agricole Sekam: Le couronnement d’une longue marche pour notre communauté

29 October, 2025 - 14:25

Quelques repères:
- Au milieu du 18ème siècle, nos aïeux creusèrent un puits du nom de Badhi et y organisèrent leur  communauté, jouissant ainsi d’une autonomie progressive autour. Le lieu est situé à une vingtaine de kilomètres à l’Est de la ville de Mederdra, à quelques kilomètres au sud de Taguilalett.
Vivant de l’élevage (bovins, ovins et caprins), ils finiront par s’éloigner du lieu. Ils seront captés par l’agréable climat et les bons pâturages tout autour du lac R’Kiz, encore célèbre par son rayonnement naturel.
Là, nos parents vont entamer une longue période de développement à la fois économique et culturel. Ils se distingueront dans l’apprentissage du coran et des fondements des sciences religieuses. Le grand père Elbou Ould Ahmed Salem dit Bou va symboliser cette évolution culturelle inédite dans une communauté haratine.
- Au début du XXème siècle, un fâcheux incident opposant le grand père Elbou (Bou) au chef de la tribu à laquelle nos parents étaient affiliés va provoquer un long processus de rupture politique et organique entre notre communauté et la tribu en question.
- Au début des années 1920, l’un des nôtres, l’oncle paternel, Ahbeyib Ould Ahmed Salem, frère aîné du grand père Bou, alluma volontairement un incendie dans un espace du lac R’Kiz après le retrait des eaux. Il se mit à le cultiver, inaugurant ainsi le début de plusieurs décennies de mise en culture de cet espace. Juste après, le cadi de Mederdra, Mohemmedhen Ould Mohamed Vall, envoyé par l’administration française, se rendra à R’Kiz. Il était chargé de régler les frictions entre agriculteurs par la délimitation des frontières entre eux. C’est ainsi qu’au nom de sa communauté et de sa tribu, l’oncle Ahbeyib Ould Ahmed Salem va bénéficier de son espace agricole.
- Probablement à la même période, une sœur à Ahbeyib, du nom de Sellemha Mint Ahmed Salem va, à son tour, initier l’activité artisanale qui va distinguer les femmes de notre communauté jusqu’ au-delà de la fin du XXème siècle.
- Aussi nos hommes vont-ils profiter de l’émergence du commerce moderne. Au Sénégal à côté, ils vont pratiquer et réussir dans diverses activités commerciales modernes dont notamment le commerce du bétail et celui du commerce des marchandises.

 

Tous aux champs !

- En 1961, l’oncle maternel, Babakar  dit Bakar, m’apprit à moi et mon intime ami Mohamed Ould Sambeyni dit Mohamed Keine, notre première leçon d’agriculture. À dos d’âne et à quelque dix ans d’âge, il nous conduisait chaque matin sur les traces de Ahbeyib Ould Ahmed Salem. Après hésitation, toute notre communauté finit par le suivre. C’était, à cette date 1961, au bord de leurs champs de sorgho, qu’ils avaient accueilli la délégation présidentielle ayant à sa tête le président Mokhtar Ould Daddah. Depuis, les campagnes agricoles se succèdent jusqu’à encore bien après la fin du dernier siècle. Un bâtiment en forme d’une gigantesque banque de céréales demeure en très bon état au village de Teichtayatt, témoignant ainsi de l’importance qu’occupait cette zone en matière agricole à l’époque de l’agriculture traditionnelle.
- En 1967, notre petite communauté est ébranlée par un heureux événement sans précédent. Il s’agit du retour d’exil du parent et marabout Elemine Ould Bahinnina après près de deux décennies d’exil dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest dont le Ghana et la Haute Volta (Burkina Faso aujourd’hui). C’était une bénédiction divine.
- En octobre 1968, Elemine va réussir à obtenir l’ouverture d’une école primaire pour notre communauté. Moi j’étais déjà scolarisé ailleurs depuis 1960. J’étais en ce moment en 5e, 2e année collège au Lycée de Rosso. Je vais regagner tardivement mon école. Il fallait aider le bienfaiteur marabout dans le succès de l’ouverture de l’école.
- Elemine sera rappelé à son bon Dieu en 1972. Après lui, des forces du mal s’acharneront contre notre paisible communauté. Elles cherchaient à saboter à la fois et notre école et notre activité agricole. Il a fallu plus de deux décennies de lutte acharnée, dans des conditions particulièrement difficiles, pour juguler leurs malsaines entreprises.
- En 1993, j’ai assisté à R’Kiz-ville à une réunion à laquelle je n’étais nullement conviée. Elle était organisée par la société gouvernementale la SONADER. Des notabilités non agricoles s’y mêlèrent. L’ordre du jour tournait autour de la mise en valeur du lac R’Kiz. Pour des raisons non avouées, presque tous les participants à cette réunion refusaient cette mise en valeur sollicitée par la délégation de la société. À la veille de la réunion, j’ai préparé Alioune Ould Awbek, le maire de Tékane (encore commune unique) afin de joindre ses efforts aux miens pour casser ce refus borné pour la mise en valeur d’un espace agricole célèbre pour sa fertilité. Avec l’aide de la délégation de la SONADER, on a fini par avoir gain de cause. Tous les participants finirent par accepter la mise en valeur. J’étais chargé de la rédaction de la lettre de demande de mise en valeur du lac R’Kiz.

 

Un projet d’intérêt national

- L’année suivante en 1994, à Rosso, un cahier de charges sera âprement discuté et signé par une centaine de participants, donnant ainsi le coup d’envoi à la mise en valeur du lac R’Kiz. Je l’ai signé à mon tour en dépit d’une tenace opposition à caractère personnelle à ma personne. Je garde ma copie avec moi.
- Un peu plus d’une décennie après, la cuvette orientale du lac R’Kiz sera mise en valeur en deux temps. La cuvette occidentale fut abandonnée pour des raisons encore inavouées. Elle se transformera en forêt dense, donnant l’impression de n’avoir jamais connu la moindre activité agricole.
- Une succession d’événements détermineront la suite de l’évolution des choses.
Une fois, du temps du PRDS de Maouiya Ould Sid’Ahmed Taya, j’ai inspiré une lettre demandant à celui-ci d’accorder un député sur deux parmi les deux députés réservés à R’Kiz à la partie sud de la Moughataa de la Moughataa. Les deux étaient accaparés par des notabilités tribales de la zone nord. Les 40 chefs de comités de base de la section PRDS de Tékane avaient signé cette requête. Les autorités centrales n’avaient  plus de choix. Lors les législatives qui vont suivre, le sud de la Moughataa de R’Kiz va décrocher pour la première fois son propre représentant au parlement national.
- Ce qui va faciliter la tâche aux nouvelles autorités du pays ayant accompagné le président Ghazouani dans son premier mandat. La commune de Tékane, la plus populeuse commune rurale de notre pays, comme d’autres semblables, sera érigée en Moughataa aux pleins pouvoirs. C’était donc l’œuvre du Président Ghazouani. Dans une autre nouvelle réforme administrative, la commune sera découpée en quatre communes dont la nôtre, celle de Teichtayatt.
- Au milieu de l’année dernière 2024, sur recommandation du président Ghazouani des délégations gouvernementales sillonnèrent tout le pays. Elles étaient chargées de recueillir les avis et doléances des populations. J’ai assisté à celle envoyée à la wilaya du Trarza. Les participants se relayaient pour poser les problèmes des leurs et leur demander solutions. Comme d’habitude, j’ai préféré mettre l’accent sur des questions que je jugeais d’intérêt national. C’est ainsi que j’ai rappelé l’intérêt vital pour tout le pays d’entreprendre la mise en valeur de la cuvette occidentale du lac R’Kiz avec son prolongement le long et large affluent de Nassra. J’ai beaucoup insisté pour qu’il soit considéré d’intérêt d’abord national. Après, les populations concernées ou celles vivant sur le lieu pourront tous profiter de sa mise en valeur intégrale.
- Deux semaines après, le premier Ministre actuel Mokhtar Ould Diay, sur instruction du président de la République, va présider une réunion interministérielle consacrée à cette question. La décision de la mise en valeur de l’espace en question a été arrêtée dans cette réunion. Ce sera une révolution verte en faveur des plus démunis.
Depuis lors, la dynamique visant à accélérer l’exécution de ce, désormais Grand Projet Agricole National, ne cesse de progresser. Aujourd’hui la pose de sa première pierre par le président de la République en personne constitue une consécration de ce rêve pour des milliers de pauvres gens et nécessiteux.
Pour nous autres, de Teichtayatt, ce n’est rien d’autre que le couronnement d’une longue marche pour une prise en main définitive de notre propre destin.

A S Elmoctar