Entre espoir et réserve… Une certaine lecture des discours du Président dans le Hodh ech-Chargui

27 November, 2025 - 10:45

J’ai suivi avec intérêt le discours prononcé par Son Excellence le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani lors de sa récente visite au Hodh ech-Chargui. Il conviendrait, dans ce registre, de rappeler que j’avais accueilli, avec un enthousiasme spontané et sincère, son discours fondateur lorsqu’il annonça sa candidature pour la première fois.
 J’avais alors exprimé mon adhésion à la forme et au fond  de son discours inaugural  à travers une série de publications.
Mon engagement, qui fut  motivé par ma conviction politique d’encourager l’alternance pacifique, n'obéissait pas à une  allégeance personnelle ni à une invitation officielle.
D'ailleurs, je n’ai été convié à aucun de ses premiers meetings et personne ne m’a demandé de le soutenir.
Malgré cet appui précoce et spontané, j’ai, assez tôt, ressenti  des réserves générales sur le style  de gouvernance, ainsi que des incompréhensions issues de mon expérience professionnelle auprès de certains membres du gouvernement et hauts  responsables dont l'action a été entachée par l'irrationnel voire la médiocrité.
 il est  même arrivé que mes  relations d’amitié prennent froid en raison d’une divergence de vues sur la manière de gérer les affaires de l'Etat et le respect des règles de déontologie — ainsi que des exigences de l’amitié présumée.
Pourtant, malgré tout cela, je reste convaincu que voter pour le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani lors de son premier mandat fut le choix le plus pertinent, et que lui accorder un second mandat — sans possibilité d’un troisième — demeure, à mes yeux, conforme à l’intérêt supérieur de la Mauritanie.
C’est donc avec ce credo  personnel, riche en nuances, que j’ai suivi son discours au Hodh ech-Chargui, partagé entre espoir et prudence.
 Dans tous ses discours, ce qui m’a le  plus marqué fut la clarté avec laquelle il a évoqué la situation sécuritaire du pays.
Sur ce point, il a été  porteur d'une véritable parole d’apaisement, indispensable dans un contexte régional instable.

Un discours réaliste et approprié

 
En insistant sur la sécurité du pays  en tant que domaine prioritaire et au-dessus de toute autre considération, le président de la République s'est montré rassurant  dans un environnement frontalier sensible, pour les  citoyens qui  attendent de lui de sécuriser notre  pays.
 À ce niveau, le discours fut à la fois réaliste, approprié et exempt de toute surenchère.
Au plan diplomatique, je ne cache pas ma conviction que la Mauritanie traverse une phase relativement favorable. J’ai récemment souligné, dans un article publié par le journal Horizons que notre politique extérieure se distingue aujourd’hui par son calme, son équilibre et son ouverture mesurée — autant de qualités requises dans notre environnement régional. Le discours du Hodh ech-Chargui a conforté cette impression, et monsieur le président s’est montré en parfaite cohérence avec ce que nous observons réellement sur la scène diplomatique.
S’agissant de la situation intérieure, j’ai apprécié la confirmation de l'engagement de monsieur le président en faveur du dialogue politique et son rejet de toute tendance à la rupture.
En effet, le dialogue, en soi, est une option juste — mais il se mesure à ses résultats. D’où la nécessité de s’interroger sur sa finalité.
Le dialogue annoncé permettra-t-il l’émergence d’un consensus sur les intérêts nationaux de la Mauritanie?
Ouvrira-t-il un débat serein sur certains dossiers du passé ?
Et saura-t-il préserver la Constitution et ses clauses verrouillées ?
Autant de questions essentielles auxquelles je me permets d'ajouter  une suggestion que je trouve déterminante : il serait souhaitable de parvenir à un consensus national sur le statut des anciens présidents, garantissant leur sécurité, leur dignité et respectant la symbolique de la fonction présidentielle dans l'intérêt de la Mauritanie en contrepartie d’un engagement clair de leur part à ne plus briguer la magistrature suprême.

 C’est la condition logique du respect du principe d’alternance et de l’impossibilité constitutionnelle — et politique — d’un troisième mandat.
Un tel accord, s’il voit le jour, pourrait fermer la porte aux surenchères et consolider la stabilité politique pour une décennie au moins, facilitant ainsi les choses pour les générations futures.
Sur la question de la lutte contre la gabegie, je ne cesserai jamais de répéter ce que j’ai écrit à plusieurs reprises : cette thématique
ne supporte ni l’excès d’annonces ni la répétition des déclarations.
Le citoyen éprouve une certaine lassitude en écoutant  les mêmes discours, car il ne voit pas, dans les faits, les traductions concrètes de ces promesses.
Or on  ne le dira jamais assez, la lutte contre la gabegie  appelle un travail silencieux, rigoureux, méthodique — non une inflation verbale qui serait de nature à détruire la confiance.

 

Un problème plus profond

En vertu  de l'urgence et de l'impérieuse nécessité, il faudrait passer de la dénonciation générale à la redevabilité effective, en identifiant clairement les responsabilités dans des programmes ou des engagements qui avaient été annoncés et qui  ont, par la suite, disparu du discours public par exemple – le programme du décollage lancé en 2020 puis refermé discrètement ;
– les dossiers de la décennie, réduits dans les faits à une seule affaire ;
– le programme de modernisation de Nouakchott qui ne semble plus à l'affiche.
Le citoyen a le droit de savoir ce que sont devenues ces annonces, et l’État le devoir de rassurer que les promesses actuelles ne connaîtront pas le même sort.
Sur le plan social, le président a mis en garde contre les dérives du discours tribal. C’est un point essentiel. Mais la force du discours doit être suivie de signaux concrets, démontrant que la compétence primera désormais sur les équilibres tribaux dans les nominations, et que l’État doit être au-dessus des appartenances étroites, non façonnées par elles.
Quant au développement local, je demeure convaincu que la plus grande défaillance de l’État national réside dans  son incapacité structurelle à fournir de manière équitable des services et des droits sur  toute l'étendue du territoire.
Malgré la pluralité des projets annoncés au Hodh ech-Chargui, le problème est plus profond qu’un simple programme sectoriel : nous sommes toujours prisonniers d’un héritage lourd, celui d’un centralisme de type jacobin, qui a vidé la décentralisation de sa substance.
Au total, entre ce que les citoyens entendent dans les discours et ce qu’ils vivent dans la réalité, naît — chez moi comme chez tout autre citoyen censé — un sentiment mêlé d’espoir pour ce qui a été accompli ou planifié, et de réserve face à ce qui n’a pas encore vu le jour ou a été abandonné en silence.
Je reste toutefois convaincu que son Excellence Monsieur le Président dispose, dans  son second et dernier mandat,  d’une réelle opportunité pour laisser une empreinte durable : celle d’une bonne gouvernance fondée sur la redevabilité d’un développement équitable reposant sur une distribution juste des richesses, et d’un renforcement de la cohésion nationale face aux défis de la géographie et du contexte mondial.
C’est une opportunité historique. J'ose  espérer qu’elle soit saisie pleinement.

Vive la Mauritanie !

Abdel Kader Ould Mohamed