M. Mohamed M’Bareck, député Tawassoul à l’Assemblée nationale : ‘’Les nouveaux locaux de l’Assemblée nationale montrent un hiatus criant entre les sommes colossales dépensées et le résultat’’

23 February, 2022 - 20:35

Le Calame : L’Assemblée nationale vient de boucler sa session parlementaire en écoutant la déclaration de politique générale du Premier ministre. Quelle en est votre appréciation ?

Mohamed M’Bareck : Permettez-moi de remercier, à l'entame de mon propos, la rédaction du journal « Le Calame » pour l'occasion qu'elle m'offre de me prononcer sur certaines questions qui touchent le pays. Quant à la Déclaration de Politique Générale (DPG) du Premier ministre, nous constatons que les réalisations sont loin des attentes des citoyens et des prévisions budgétaires  de l’année 2021.  L’augmentation de 80 millions MRU (800 millions MRO), qu’avait annoncée le PM n’a pas eu un impact significatif sur la vie des citoyens : salaires des fonctionnaires, secteurs de la santé, eau,  électricité, emploi des jeunes…

En ce qui concerne mon intervention devant le Premier ministre, les membres du gouvernement et mes collègues parlementaires, j’ai affirmé que tous les gouvernements précédents ont réalisé quelque chose mais que les résultats de celui-là sont en total déphasage avec le budget. Les sommes allouées aux différents secteurs sont de loin en deçà des attentes. En écoutant le bilan dressé par le PM, on le sentiment que celui-ci est complètement déconnecté de la réalité que vit l'écrasante majorité du peuple mauritanien.

 

- On vous a vu très remonté contre les conditions de travail qu’offre la nouvelle Assemblée. Vous avez estimé que le coût faramineux  des travaux prouve combien la gabegie continue dans notre pays. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

- Nous avons été surpris de l’étroitesse où se sont retrouvés les parlementaires. La grande salle n’est pas assez vaste pour les accueillir tous avec les membres du gouvernement, les équipements ne sont pas de bonne qualité... Nous avons attiré l’attention du gouvernement sur le criant hiatus entre les sommes colossales dépensées et le résultat. Les  vues de l’extérieur et de l’intérieur contrastent sur tous les plans. L’architecture est loin d’être esthétique. C’est dommage que l’argent public soit dépensé pour une  si piètre réalisation censée accueillir les représentants du peuple.

Je tiens à rappeler ici que nous avions, dans le cadre de la lutte contre la gabegie, réclamé avec les députés de la majorité la mise en place de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) sur la décennie de l’ex-Président. Nous dénoncions le pillage des ressources du peuple mauritanien  sous son règne et continuons à dénoncer aujourd’hui la gabegie sous Ould Ghazwani. Notre position reste constante : la gabegie est une pandémie qu’il faut combattre et éradiquer. 

 

- Depuis quelques mois, on attend le démarrage effectif du dialogue ou les concertations. Vous y croyez à Tawassoul ? Si oui, qu’en attendez-vous ?

- Nous sommes pour  le principe du dialogue. Comme vous le savez, c’est un principe de la démocratie. Pour nous, le  dialogue demeure, dans un pays dirigé par un pouvoir démocratique, la  seule solution pour résoudre toute crise. Et s’il y a  dialogue, nous souhaitons qu’il soit inclusif et utile pour la Mauritanie.

 

- Les prix des  denrées de première nécessité ne cessent de grimper, affectant fortement les démunis. Qu’est-ce qui empêche les mesures annoncées par le gouvernement d’endiguer cette spirale ?

- Les solutions et mesures entreprises par les autorités contre la hausse effrénée des prix n’ont pas répondu aux attentes des citoyens qui en subissent les contrecoups. Pour la juguler, l’État doit supprimer les taxes douanières sur les produits de base : riz, sucre, huile, farine et lait ; procéder à  une augmentation considérable des salaires puis instaurer une dynamique de contrôle sur les hausses des prix dans les marchés et les commerces,  avec la participation des forces vives. C’est ce qui se fait en plusieurs pays voisins.

 

- Face à cette situation, l’opposition ne fait rien ou presque. Elle semble tétanisée par le président Ghazwani. L’opinion ne comprend pas son silence. Que pouvez-vous  dire aux Mauritaniens ?

- Le rôle d’une opposition démocratique n’est pas d’accompagner le pouvoir et ses élus dans sa politique. À Tawassoul, nous nous sommes toujours opposés aux projets et politiques exposés devant le Parlement. Nous dénonçons de surcroît chaque nomination qui se limite à un groupe restreint. Elles ne vont pas dans l’intérêt et la stabilité du pays. Elles doivent être faites sur des critères fiables et dans la plus grande transparence. Je rappelle que, dès les temps d’Ould Abdel Aziz, notre parti a toujours apporté ses  suggestions et remarques lors des présentations des projets et DPG.

À cela s’ajoutent nos luttes permanentes contre la corruption, le gaspillage, les dilapidations des biens publics et pour une meilleure efficacité contre ces fléaux. Nous avons toujours exhorté les autorités à mettre en place un appareil répressif indépendant travaillant sur les rapports de la Cour des comptes pour sanctionner tout responsable reconnu coupable de détournement, gaspillage ou autre fait avéré. Sans cela, ces maux perdureront.

 

Propos recueillis par Dalay Lam