OMVS : Quand une organisation collectionne les distinctions/par Kaaw Thierno

21 April, 2022 - 01:28

Cinquante ans de gestion exemplaire du Fleuve ! Telle est la performance réalisée dans des circonstances parfois difficiles par l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Depuis 1972, la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal conduisent ensemble un programme de développement multisectoriel basé sur la maîtrise et l’exploitation rationnelle des ressources en eau dudit bassin. L’OMVS s’est ainsi dotée d’un parc d’ouvrages qui lui permet de sécuriser l’eau à différents usages : les barrages de Diama, Manantali, Félou et Gouina forment un dispositif qui contribue à la sécurité alimentaire par le développement de l’agriculture irriguée et des activités connexes de production d’une énergie propre et bon marché pour les sociétés nationales d’électricité ; de favoriser l’accès à l’eau potable pour les populations, et de restaurer bientôt une navigation fluviale pérenne sur une distance de neuf cents kilomètres. L’Organisation mène également des actions hardies en faveur de la préservation de la ressource en eau et de l’environnement, dans un contexte sensible de changement climatique qui affecte particulièrement l’espace sahélien, ainsi que des projets de développement à la base ciblant prioritairement les populations les plus vulnérables. Reconnue au niveau mondial pour son « modèle de gestion exemplaire, reposant sur un cadre juridique et règlementaire solide et innovant », l’OMVS en tire un leadership qui lui vaut la confiance des partenaires techniques et financiers.

 

Nouvelle distinction à son arc

Au moment de célébrer le cinquantenaire de sa fondation le 11 Mars 1972, l’OMVS s’est vue attribuer, le 21 Mars, le Grand Prix Mondial (GPM) Hassan II de l’Eau (septième édition), lauréat pour son engagement sur le thème « La sécurité de l’eau dans les territoires pour le développement durable et la sécurité alimentaire », celles des autres organismes africains de bassin qui lui ont confié le secrétariat technique permanent de leur réseau, le RAOB.

La remise du prix s’est déroulée lors d’une cérémonie organisée lors de la septième édition du Forum mondial de l’Eau. S’exprimant à cette occasion, le ministre marocain Baraka a indiqué que le GPM Hassan II de l’Eau institué en reconnaissance de la perspicacité, la vision avant-gardiste et la clairvoyance de feu Sa Majesté Hassan II, est une des plus prestigieuses distinctions mondialement reconnues dans le domaine, ajoutant qu’elle a pour vocation « d’encourager l’excellence et l’innovation ».

« C’est aujourd’hui un honneur pour moi de déclarer que les membres du Comité Permanent et ceux du Jury du Grand Prix ont décidé, à l’unanimité, d’attribuer le titre de lauréat de la septième édition du Grand Prix Mondial Hassan II de l’Eau à l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal que je tiens à féliciter avec ardeur et ferveur », a-t-il salué. Et d’expliquer que le choix a été motivé par le fait que cette institution agit non seulement en faveur de la concrétisation de la sécurité hydrique et alimentaire du grand bassin transfrontalier, le Sénégal, mais promeut également la paix, la prospérité et le développement territorial de ses pays-membres. Pour sa part, le récipiendaire du Prix, Hamed Diané Séméga, Haut-commissaire de l’OMVS, s’est dit « honoré de remporter cette récompense qui porte le nom de feu Sa Majesté Hassan II, un visionnaire qui a marqué son temps ». Et de remercier le jury ainsi que le Conseil des ministres pour son « travail colossal », ainsi que toute la famille de l’OMVS.

Institué en 2002 et attribué pour la première fois lors du 3ème Forum Mondial de l’Eau de Kyoto au Japon en 2003, le Grand Prix Mondial Hassan II de l’Eau est une initiative menée conjointement par le Royaume du Maroc et le Conseil Mondial de l’Eau, en mémoire à feu Sa Majesté le roi Hassan II pour ses actions en faveur de la coopération internationale et de la préservation des ressources en eau. Sous le thème général de « Coopération et solidarité dans les domaines de la gestion et du développement des ressources en eau », le Grand Prix ciblait, pour cette septième édition, « les candidats qui s’inscrivent dans le thème spécifique de « la sécurité de l’eau dans les territoires pour le développement durable et la sécurité alimentaire ». Et « à la vision stratégique qu’il apportait à son pays en matière de gestion intégrée et durable des ressources en eau pour assurer sa sécurité hydrique ».

Le GPM Hassan II figure « parmi les prix les plus prestigieux et mondialement reconnus, […] contribue à une prise de conscience globale et encourage à agir concrètement en faveur de la cause de l’eau ». La cérémonie de remise du Prix a été marquée par la projection d’un film institutionnel sur la politique du Royaume du Maroc en matière de gestion des ressources hydriques. Lauréat de la sixième édition de ce Prix, décerné en 2018 à Brasília Angel Gurria, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a mis un accent particulier sur les efforts réalisés par le Royaume du Maroc dans le domaine de maîtrise des ressources hydriques.

 

 

L’OMVS en pôle des structures de gestion intégrée

En moins d’un demi-siècle, l’OMS s’est hissée à la première place des structures de gestion intégrée des ressources en eaux partagées en Afrique et dans le Monde, devançant des organisations bien plus anciennes. Cela grâce à l’expérience de gestion concertée et pacifique que l’organisation a réussi à mener  sur la base de textes solides et consensuels. Car le véritable ciment de cette organisation – une bonne part de son originalité – c’est un socle juridique unique. Par exemple et cela est peu connu, les ouvrages réalisés à ce jour sur le fleuve Sénégal ont le statut d’ouvrages communs ; ce qui signifie qu’ils sont la propriété commune et indivisible des États-membres. Une particularité qui n’existe nulle part ailleurs. Ce sont justement ces outils institutionnels et juridiques qu’elle a mis en place au fil des ans et les projets de grande envergure que les États ont réalisés ensemble qui ont contribué à forger la réputation de l’OMVS et sa stature d’organisme de bassin de référence mondiale. « Une belle réussite d'intégration africaine », selon son haut-commissaire Hamed Séméga, « dans une Afrique où il n’y a pas beaucoup de succès » en la matière. « L'OMVS », déclarait en son temps l’ex-chef de l'État sénégalais, Abdoulaye Wade, « constitue aujourd'hui l'unique organisation de bassin d'Afrique qui, par la grâce de Dieu et la volonté de nos trois États, dispose d'un capital d'expériences inégalé dans le domaine des aménagements fluviaux à objets multiples ».

Durant les deux dernières années, l’Organisation a accéléré les projets d’intégration sous-régionale dans les domaines de l’énergie et des réseaux de transport électrique. Voilà bouclées ses cinquante premières années d’existence ! Durant cette séquence temporelle, elle s’est hissée à la première place des structures de gestion intégrée de ressources en eaux partagées en Afrique et dans le Monde. Grâce à l'OMVS, le fleuve Sénégal est devenu un fleuve de paix et un bien commun aux trois pays riverains, alors qu'ailleurs en Afrique, les fleuves frontaliers sont trop souvent sources de tensions et de conflits.

 

 

Nominée au Nobel de la Paix 2022

Pour rappel, l’OMVS est également nominée cette année pour le prix Nobel de la Paix 2022.De prestigieuses institutions et une éminente personnalité ont décidé de proposer sa candidature. Elles estiment que l'organisation a « démontré depuis cinquante ans, qu’un cours d’eau peut être à la fois vecteur de paix régionale, levier de progrès économique et ferment d’une culture commune, mettant en œuvre des principes de gouvernance et des programmes d’action garantissant une utilisation durable et partagée de l’eau entre ses quatre pays riverains ». On espère le meilleur pour cette juste et opportune nomination. Mais il est déjà bien établi dans les annales qu’après Kyoto en 2003, Mexico en 2006, Istanbul en 2009, Marseille en 2012, Daegu-Gyeongbuk en 2015 et Brasilia en 2018, le Grand Prix Hassan II a été remis pour sa septième édition à l'OMVS, lors du 9èmeForum mondial de l’eau de Dakar. C’est un acquis de très grande valeur.