De la difficulté du redressement de l’école publique. par Souleymane El Benan

28 April, 2022 - 03:05

Difficile de redresser un système éducatif depuis longtemps souffrant, quand on s’appuie sur des personnes qui ont fait de ce système un commerce juteux. Lorsqu'on parle de la crise de l’enseignement,  les gens ont tendance à indexer les enseignants, leur absentéisme ou le manque de qualification de certains. Or les maux dont souffre le secteur  sont de grande ampleur, complexes et compliqués et ne sont pas tous évidents à cerner, surtout pour ceux qui ne possèdent pas une connaissance approfondie du terrain, de ce qui se passe au ministère, à la Direction régionale de l'éducation nationale(DREN), à l’Inspection départementale(IDEN), à l’école de village, à l’école de « Debaye ».

De deux écoles voisines, l'une peut être remplie d’instituteurs pendant que l'autre reste fermée. Je ne vous apprends rien : clientélisme, favoritisme et passe-droits sont monnaie courante. Mutations de complaisance, attribution de primes et indemnités imméritées, nomination sur recommandation, chacun a son truc, son business. L'école facteur d'ascension sociale, l'école facteur d'unité nationale et concorde demeure un rêve lointain.

La pléthore d’élèves, le manque de manuels et moyens, ce sont aussi des questions qui se posent avec acuité et entravent l'action de l'enseignant. Devant des classes dépassant quatre-vingt élèves, la qualité ne sera jamais au rendez-vous, même avec l'éducateur le plus formé du monde. Des tentatives ont été produites. Certaines louables, d'autres pas assez réfléchies, voire accomplies à l’aveuglette. Les états généraux, le mouvement des inspecteurs régionaux, le SIG… sont à saluer. Mais il faudrait particulièrement  prendre au sérieux le bien-être de l’enseignant.

Le faible niveau des salaires fait  que les enseignants sont trop occupés à chercher comment obtenir suffisamment d'argent pour subvenir à leurs besoins essentiels. N’est-ce pas tout-à-fait légitime de vouloir vivre décemment de son métier ? La refondation d’une école publique dégradée qui ne s'adresse qu'à la population la plus pauvre passe par une concertation avec les vrais acteurs du terrain, les connaisseurs avisés du dysfonctionnement. Nous ne sommes pas condamnés à l’échec. Avec des moyens adaptés, une organisation responsable, un suivi et la formation continue des enseignants, nous trouverons la bonne combinaison, la clé vers la réussite.

 

Souleymane El Benan

Instituteur