Dossier de la décennie : un tournant ?

2 June, 2022 - 01:09

Il y a quelques jours, le pôle anti-corruption du Parquet général a demandé le renvoi des accusés dans le dossier de corruption N°001/21 devant la juridiction compétente pour être jugés conformément aux lois applicables. Ses enquêtes et vérifications sont donc bouclées. Il appartient désormais à ladite Cour de convoquer les présumés coupables conformément aux dispositions de l’article 175 du Code de procédure pénale. Un moment important et très attendu depuis longtemps par les Mauritaniens dont le scepticisme n’arrêtait de grandir. Depuis que la justice avait annoncé la fin des périodes de contrôle judiciaire des treize accusés, excepté l’ancien président Ould Abdel Aziz, on ne cessait de s’interroger : le dossier n’allait-il pas être enterré, comme tant d’autres ?

La requête du pôle anti-corruption du Parquet général relance donc l’espoir de connaître enfin la vérité sur ce dossier explosif qui pèse tant sur l’ex-Président et certains de ses plus proches. Tous les autres accusés se sont déchargés sur lui. Tours de passe-passe à l’appui, des milliards d’ouguiyas ont atterri dans les poches des responsables mauritaniens chargés de développer leur pays et sortir les nombreux pauvres de la misère. Ceux-là se la sont coulés belle durant les dix ans de décennie du président Ould Abdel Aziz, si vénéré jusqu’au congrès de l’UPR fin Décembre 2019 qui le jeta aux gémonies. Et, tandis qu’il se retrouvait placé en préventive, ses présumés complices restaient impunis, quand ils n’étaient pas tout simplement « recyclés » par le nouveau maître du pays. Persister à faire du neuf avec du vieux, tout en affichant sa détermination à combattre la corruption aura été – demeure ? – un des problèmes majeurs du président Ghazwani. Avec les lenteurs, incompétences, malversations et discriminations criantes de son administration, cela aura beaucoup écorné les trois premières années de son mandat. A sa décharge, on peut évoquer le lourd héritage décennal et la pandémie COVID 19 mais, bon, voyons la suite...

Les questions qu’on se pose est savoir si ce jugement aura lieu et quand ? Comme le disait récemment le vice-président de l’UPR, Mohamed Yahya Horma, répondant sur RFI à une question relative justement à ce dossier, « le temps de la justice est différent du temps ordinaire ». Espérons qu’il ne servira pas de diversion pour masquer la réalité, polluer l’atmosphère politique et, partant, oublier le développement du pays. On rappellera ici le travail de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) mise en place fin Janvier 2020, une première à mettre à l’actif du président Ghazwani. C’est ce labeur qui mit à jour le pot aux roses, avec des listes de personnes (plus de trois cents !) et des montants détournés.

L’ampleur de la corruption n’était un secret pour personne. Le luxe insolent exhibé : immeubles, banques, villas, palais, parcs de voitures de luxe et d’engins de travaux… ; s’étalait en certains quartiers de Nouakchott. Entre Mauritaniens, on se connaît. Avec le travail effectué par la CEP, suivi des saisines de la police des délits économiques et de la Justice, les Mauritaniens ont pensé que plus jamais leurs deniers publics ne seraient dilapidés par leurs dirigeants et autres fonctionnaires véreux. Hélas, la corruption continue sous l’ère Ghazwani. Les limiers de l’Inspection générale de l’État et de la Cour des Comptes ne cessent d’en révéler des cas... et leurs auteurs s’arrangent le plus souvent à échapper à la prison. Ceux qui y entrent sont fêtés à leur sortie avec des chameaux et autres présents. Un peu de temps passe et les voilà recyclés ! C’est la Mauritanie et ses contrastes, me diront certains...

DL