Prête-moi ta plume pour te rendre l’hommage que tu mérites! Par Abdel Kader Ould Mohamed

16 June, 2022 - 01:31

Il y a  quelques  jours, un  groupe  de   mes  connaissances proches  voire  familières  et  familiales m’a demandé de  rédiger,  en  guise  d’hommage,  une  préface pour  un florilège   d’articles   de  presse  qui  renseignent  sur  la  brillante 

carrière   journalistique  ainsi  que   sur  l’immensité  de  l’œuvre  de  notre frère et ami commun le regretté journaliste–écrivain  et  intellectuel distingué Abdoulaye Ciré Ba.   
 A  vrai  dire,  au  risque  de  surprendre,   je  n’ai,  réellement, connu  l’illustre  disparu qu’à  travers  sa  belle   plume mais  je  savais bien  ce  que  je  disais  quant   au  lendemain  de   sa  disparition,  j’aiécrit, quelque part, que l’élite progressiste de la  Mauritanie  avait  toutes  les  raisons  de  pleurer  un intellectuel engagé qui avait, politiquement parlant,  le   don  de  fasciner  ses   adversaires    avant   d’épater   ses  alliés. De  ce  point  de vue, je garde de lui,   sur  la  foi  de  ses  écrits,  l’idée  du   modèle   assez  rare (mais  qui  existe, quoi qu’on  en  dise)   du  politicien  sincère.   A  ce  sujet ,  je  conserve    en tête le souvenir d’une piquante formule par laquelle  il  qualifia les comportements versatiles des politiciens  de  chez  nous. en  écrivant, à l’occasion d’un énième changement  de  régime , que  ‘’  les  Mauritaniens   sont  sincères  mais changent de sincérité.’’   
Ainsi, en s’inscrivant, ironiquement,  en   faux  contre   cette   conception  de  la  politique 

politicienne  qui  consiste   à   justifier   les  changements   de  vestes les   plus  spectaculaires,  ACB  était  égal  à lui-même  car  il  ne  faisait  que  confirmer  sa constante  manière   d’exprimer  son  opinion   avec  une  sincérité   

qui  saute   aux  yeux  et  qui  conquiert  les  cœurs.
    C’est,  précisément, cette  impression  que  j’ai   eue  en  lisant ou, plutôt en relisant avec délectation   ce  fabuleux    recueil   d’articles  qui  m’a redonné  le  goût   de   ses  belles  lectures,   pour  la  plupart,  à  tort,  oubliées. 

 

Un intellectuel engagé

 En effet, les articles que j'ai eu le plaisir de lire reflètent au total, le parcours  d'un brillant intellectuel qui incarne, par sa belle  plume alerte, outre le   profil du vrai journaliste-écrivain, un cours magistral d'histoire des idées politiques.
 Dans ce recueil captivant, le lecteur est invité avec l'élégance des formules  qui forcent le respect  à voyager dans une riche  expérience racontée, au gré des sujets traités.
Le narrateur qui avait  vu, au lendemain de l’indépendance, la partie dans sa prime nudité, livre, à travers ses écrits un " arrache- cœurs " dans lequel se mêlent l'histoire, la culture, la politique etc.
Lu  et perçu comme un ensemble structuré, ce florilège d’articles signés par le regretté ACB est un album multicolore dans lequel la Mauritanie apparaît à travers toutes ses  contradictions, ses espoirs, ses déceptions, les combats de sa jeunesse et les désillusions de ses vétérans, les aspirations unitaires de son élite et les déchirements de celle-ci.
Venu de Dakar  à l'âge de 11  ans pour s'installer dans la capitale en construction du " pays rêvé’’, l'enfant originaire de Bababė  (au  sud de la Mauritanie) a grandi avec  la République qui a surgi des sables.
Il fut le témoin de ses premiers pas  et  après avoir  été la voix qui enthousiasma, à travers Radio Mauritanie, une certaine jeunesse, il se distingua, surtout par  son envoûtante plume.
Pour  moi, il était  et il est à travers le  florilège d’articles  exposé dans cet ouvrage, celui qui pouvait  en  une  chronique exciter ma passion de lire et, d'ailleurs, je me suis habitué à lire tout ce qu'il écrit d'un trait.
Aussi, je parie que le lecteur  ne sera jamais au rendez-vous avec la déception en parcourant ces pages qui racontent, talentueusement, une belle histoire des idées et qui se lisent comme  un récit des événements du passé. 
Bien au contraire, il aura l'occasion de savourer le goût d'une lecture variée par laquelle l'auteur  exprime ses idées, parfois, avec une  fougue émotionnelle mais souvent, sinon toujours, avec une conviction raisonnée.
Il aura, surtout,  l’occasion, de découvrir  un vocabulaire aussi riche qu'original par lequel le brillant écrivain fait  passer ses opinions  sur les sujets qui fâchent.
En tout cas, tout  au long de cette  lecture qui  m'a capté du début jusqu'à à la fin, j'ai eu, malgré mon désaccord avec certaines positions de l’auteur, le sentiment d'être en symbiose avec lui.
Dans ce sens, je  peux même affirmer que le côté esthétique de ses écrits,  que  je considère comme un chef-d'œuvre littéraire,exerce, outre la séduction inhérente à la beauté de l'écriture, une  influence certaine sur le contradicteur des opinions exprimées par le brillant écrivain.
Enfin, je crois  que  pour bien écrire en français, ACB avait appliqué à la lettre la fameuse citation prêtée à Nicolas Boileau selon laquelle "ce que l'on conçoit bien s'annonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ". Cela dit j'éprouve l'envie de lui  demander  de me prêter sa belle  plume pour écrire l'hommage qu'il mérite.

Abdel Kader Ould  Mohamed