Monsieur Abdessalam Horma, président de SAWAB et député à l’Assemblée nationale : ‘’Le niveau de coordination et de solidarité au sein du pôle d'opposition n'est pas bon’’

30 June, 2022 - 01:59

Le Calame : Votre parti vient d’organiser une cérémonie en la mémoire de Hamada Ould Soueina. Pouvez-vous nous dire ce que représente cet homme pour votre parti et la Mauritanie ?

Abdessalam Horma : Merci. Le défunt Hamada ould Soueïna, un des fondateurs du parti Sawab, fut également un des pionniers de la lutte nationale. Il consentit de nombreux sacrifices pour le développement de la société mauritanienne et l’éradication de l'injustice, comme il accompagna ses camarades dans la plupart des réformes structurelles opérées dans la société et au niveau de l'État.

 

- Le processus des concertations politiques a été interrompu au moment où son lancement était qualifié d’imminent. Quelle a été la réaction de SAWAB à cette décision ? Les raisons invoquées vous ont-elles convaincu ?

- Des signes provenant du pouvoir après sa prise de fonction, implicitaient, comme le revendiquait tout le spectre de l'opposition, l'acceptation d'un dialogue national et de négociations sur les détails de ses clauses. Il était de même supposé que des pourparlers soient lancés au plus tôt, après les promesses répétées du président de la République à ce propos.

Malgré le retard des concertations, l'espoir d’un coup d’envoi des négociations, afin de surmonter les erreurs de notre passé, dépasser leurs impacts qui ont ébranlé la façade, l’image et la responsabilité de l’État, afin de trouver une saine gouvernance garantissant la justice sociale, stoppant la corruption, la marginalisation et l'injustice et renforçant l'unité nationale et la coexistence, est resté inchangé.

Au sein du parti Sawab, nous voyons qu’en dépit des nombreuses réserves vis-à-vis de l’actuelle autorité et de sa conduite, la conjoncture ne nécessite pas une polarisation aigue avec le pouvoir, même après qu’il a unilatéralement annulé le cours d'un dialogue dont nous avions défini par consensus les conditions les plus importantes pour son organisation.

La situation générale du pays, la faiblesse des structures qui le constituent et qui le contrôlent, ainsi que les événements qui se sont déroulés tout autour de lui, confirment la responsabilité commune, tant de l’opposition que du pouvoir, de l'idée de protéger l’État.

 

- Cette suspension est intervenue à l’heure où votre parti avait choisi de ne plus prendre part au comité préparatoire. Pouvez-vous nous expliquer votre retrait ?

- La suspension de notre participation aux séances préparatoires du dialogue était due, en fait, aux tracasseries exercées contre nos partenaires du pôle de l’Alternance, au cours de l'incident bien connu d’Atar, mais notre conviction de l’importance du dialogue est restée intacte. Elle l’est toujours.

 

- Pour certains observateurs et acteurs politiques, ce retrait est un acte de solidarité avec le parti RAG qui a lui aussi suspendu sa participation suite à un incident intervenu lors de son colloque à Atar. Qu’en est-il au juste ?

- Au-delà de ma réponse précédente qui documente largement celle-ci, j’ajouterai, de manière plus générale, que le niveau de coordination et de solidarité au sein du pôle d'opposition n'est, à mon avis, pas bon. Je crois qu'il est nécessaire pour tous ses segments de s’accorder sur un principe général, à savoir la nécessité d'exiger fermement que l'État lève sa main de la vie partisane et délivre les récépissés aux partis. Quant aux forces de l'opposition, elles doivent convenir ensemble que leur premier combat se situe contre le pouvoir et son autorité ; leurs nombreuses divergences devraient être mises en standby par rapport à leur désaccord fondamental avec le pouvoir.

 

- Pensez-vous que le refus de certains acteurs politiques comme Messaoud Boulkheïr et Biram Dah Abeïd suffit à justifier la suspension du processus préparatoire du dialogue ? Y aurait-il des raisons politiques sous-jacentes ?

- Il ne fait l’objet d’aucun doute que les deux sont des acteurs essentiels de notre scène politique nationale. Leur absence en tout dialogue fait que celui-ci perd sa signification et sa portée. Mais il fallait toutefois rechercher les mobiles de cette abstention et œuvrer à son traitement, au lieu d'annuler le dialogue lui-même.

- Il y a quelques jours, le président du RFD, monsieur Ahmed ould Daddah a lancé un appel à un front solide et à une reprise rapide du processus. Votre réaction ? Souhaitez-vous comme lui la poursuite des concertations entre les acteurs politiques ?

- L'appel au dialogue du président Ahmed ould Daddah traduit la revendication urgente de toutes les forces nationales sincères de l'opposition et même de la majorité présidentielle. Nous n’avons pas parachevé l'édification de nos institutions politiques ; nous ne sommes pas arrivés à un niveau minimal d’accord sur les mécanismes d’organisation d'élections transparentes et n'avons pas traité les effets des pratiques négatives de l’Autorité sur notre unité nationale et notre concorde civile : en somme, des questions qui ne peuvent être abordées qu'à la lumière d'un consensus national dont la concrétisation est impossible en dehors d'un dialogue inclusif.

 

- L’ex-président de la République et onze de ses proches et anciens collaborateurs seront traduits devant un tribunal pour répondre, entre autres, d’actes de corruption...Votre réaction à cette décision de la justice ? Pensez-vous que le procès pourrait avoir lieu avant les prochaines élections locales ?

- Notre conviction est toujours là : la source de ce dossier est le rapport de l'Assemblée nationale, c’est un dossier judiciaire et notre confiance en notre justice nationale existe. Mais l'intervention de l'Exécutif en certaines de ses étapes est sur le point de le transformer en un dossier personnel dirigé contre l'ancien président. En conséquence, l’unique moyen de le ramener à sa nature judiciaire est de lever la main sur cette affaire et de ne pas l’instrumentaliser.

 

- Le pays a été agité, il y a quelque temps, par des propos tenus à l’endroit de la communauté peule, mais également par des menaces exercées contre certaines personnalités politiques. Qu’est-ce qui explique ce regain de haine dans le pays ? Que faire pour y mettre fin?

- Il n'y a pas d’État au monde sans mauvais passé. Mais les sociétés qui ont réussi à panser leurs blessures à l'horizon de l'avenir et de la concorde nationale ont pu réaliser deux principes : l’équité et la réparation, d’une part, et, d’autre part, la fin des plaies et de leur purulence, parvenant ainsi à satisfaire les consciences et à sécuriser le présent et l'avenir. Si le pouvoir et les principaux acteurs politiques sont tous animés par une volonté nationale à ce sujet, je crois en conséquence que le dialogue est une opportunité pour concrétiser cet objectif.

 

Propos recueillis par Dalay Lam