Après un arrêt de sept ans : Vers la réouverture des kiosques de l’IPN

15 January, 2015 - 01:42

Après un arrêt de plus sept ans, « l’Institut Pédagogique National (IPN) va reprendre la production puis la distribution des manuels scolaires, à travers ses kiosques », affirme le nouveau directeur, Sidi Mohamed Kébir Sidi, nommé il y a peu. L’IPN avait pour mission de produire et de distribuer les manuels scolaires aux établissements publics du pays ; mais, pour des « raisons techniques », il a été contraint de cesser cette opération, depuis plusieurs années. Le matériel de reprographie étaient devenu vétuste et les structures régionales tombées en déliquescence. Pendant ce temps, les manuels de l’institut n’ont pourtant jamais cessé d’inonder le marché de la capitale, ce qui laisse supposer l’existence de stocks de ces manuels vendus jusqu’au triple du prix social décrété par les pouvoirs publics.

 

Etat des lieux catastrophique

Le directeur général de l’IPN a entrepris, depuis quelques semaines, des tournées à l’intérieur du pays, afin de dresser l’état des lieux des structures décentralisées de son institution. Il ressort, des premières appréciations, que les Instituts Pédagogiques Régionaux (IPR) n’existent que nom, ce ne sont plus que des coquilles vides, sans moyens humains ni matériels, pour accomplir leur mission. Les IPR, qui assuraient la distribution de manuels scolaires et disposaient de bibliothèques, tournent aujourd’hui à vide. Nombre de leurs conseillers ont d’ailleurs été reversés à l’Inspection générale de l’éducation.

La déliquescence n’a pas touché que les directions régionales. La direction nationale, située en face de la Faculté des sciences économiques et juridiques de l’université de Nouakchott, est dans un état de délabrement très avancé, les murs décrépis, les couloirs dépeints et sales. On se croirait dans une bâtisse longtemps abandonnée par ses occupants. Même le bureau du  directeur est dans un état lamentable. Les murs sont défraîchis ; c’est à se demander où sont passés les budgets de fonctionnement de cette institution.

 

Plusieurs chantiers majeurs

L’une des premières conséquences de ce délabrement ou, plus généralement, de la déliquescence de l’IPN, aura été la fermeture des kiosques de distribution des manuels scolaires. Leur gestion était dévolue aux Directions Régionales de l’Education Nationale (DREN) que l’IPN approvisionnait, rappelle le nouveau DG qui vient d’hériter de cette situation chaotique. Pour la redresser, il s’agira, tout d’abord, se remettre en marche l’imprimerie de l’institution, dont la principale machine ne répond plus aux normes requises et qui manque, également, de ressources humaines qualifiées. Sinon, acquérir une nouvelle reprographie, pour dupliquer, en quantité suffisante, les manuels scolaires. D’ici là, affirme le DG, « un travail intense est mené, au niveau de l’imprimerie, pour parer aux urgences ».

« Nous comptons », ajoute-t-il, « sur la volonté politique, affichée par les pouvoirs publics qui ont déclaré, par la voix du président de la République, « 2015, année de l’éducation », et la détermination du ministre, monsieur Bâ Ousmane, à rénover l’ensemble du système éducatif. Parmi les chantiers prioritaires du DG figure la redynamisation des IPR, laissées en rade depuis treize ans. « Elles doivent être réhabilitées et rééquipées, en moyens humains et matériels, pour jouer pleinement leur rôle », déclare Kaber Sidi, « et assurer, à terme, leur mission de distribution, donc de transport des manuels, jusqu’aux coins les plus reculés du pays ».

En attendant, l’IPN promet de commencer à mettre, sous peu, des manuels à la disposition des écoles, via la réouverture de ses kiosques. Pour cela, il puisera sur le maigre stock dont il dispose. Un stock bientôt renforcé par une commande à l’étranger. « L’appel d’offres est déjà lancé », précise le directeur.

 

Mettre fin au trafic de manuels

La réouverture des kiosques  annoncée par l’IPN pose le problème des prix. Naguère, ceux-là étaient censés tenus, par décision gouvernementale, dans des limites « sociales ». Avec cent ou deux cents UM, on pouvait acquérir des manuels du fondamental et, même, du secondaire. A la question de savoir si ces prix sociaux seront reconduits, le directeur de l’IPN répond que sa première tâche consiste à remettre, à la disposition des apprenants et parents, les manuels scolaires de bonne qualité, à des prix « accessibles » qui resteront « sociaux », puisqu’aucune nouvelle mesure n’est prise en ce domaine.

Face au trafic, à grande échelle, des manuels de l’institut, sur le marché national – ils sont exposés au vu et au su de tous ; au marché de la capitale, particulièrement – le directeur général de l’IPN rappelle que cette situation est antérieure à sa prise de fonction et que, si ce trafic s’est développé, c’est justement parce que l’institut a renoncé à sa mission. Aussi entend-il mener, au cours de son magistère, un combat permanent contre ces pratiques déloyales.

 

Evaluer les programmes et  les adapter au niveau des apprenants

Autre problème lié aux manuels : le rapport entre leur contenu et  le niveau des élèves. Il n’est un secret pour personne que celui-là est en déphasage avec celui-ci voire, en certains cas, avec le niveau de certains enseignants qui peinent à maîtriser l’Approche dite Par les Compétences (APC). En effet, en dépit des séminaires et autres ateliers, nombre d’enseignants du primaire et du secondaire s’y cassent encore la tête. Et pas qu’eux : certains de nos inspecteurs n’y ont vu que du vent. Sur ce point, l’IPN fait observer que l’écriture des programmes  relève de l’Inspection générale du ministère, mais suggère une évaluation des programmes  et curricula, afin de les adapter au niveau des élèves. L’institut s’engage à apporter sa contribution, par l’organisation, en concert avec l’Inspection générale, de séminaires et ateliers, pour la bonne utilisation des manuels produits.

Bref, cette « année de l’éducation » sera-t-elle l’occasion de doter l’IPN de ressources humaines, matérielles et financières adéquates, afin de lui permettre de remplir pleinement sa mission : produire des manuels  de qualité, en quantités suffisantes et à des prix accessibles pour les parents d’élèves ? Il ne reste plus qu’à l’espérer.

Ben Abdalla