L’émergence de la presse écrite, gage du développement/Cheikh Ahmed ould Mohamed, Ingénieur - Chef du service Études et Développement-Établissement portuaire de la Baie du Repos (Nouadhibou)

12 July, 2023 - 10:41

La presse écrite est un acteur central de l’environnement médiatique qui devrait aller au-delà des simples informations : amener le gouvernement et les organisations publiques à devenir, dans le plus grand respect de la liberté d’expression et du droit à l’information, comme un gage à la crédibilité de notre démocratie. La presse est née d’un besoin d’informations découlant du fondamental besoin de liberté. Ce n’est pas une coïncidence si sa naissance remonte, en Mauritanie, au début des années 90. Les journaux étaient alors qualifiés de journaux « d’émergence », parce qu’ils étaient fondés pour défendre une cause nationale, sociale ou politique.

Tout en défendant fréquemment un point de vue, un parti ou un système politique, la presse écrite se présente aujourd’hui plus souvent « neutre », l’objectivité étant perçue comme un gage de crédibilité. Au début des années 90, elle s’affichait à l’avant-garde de la plupart des progrès sociaux, pédagogiques et démocratiques. Comme ailleurs, chaque fois que la presse écrite est plus libre, les lumières se répandent et l’on assiste à un accroissement de justice. Associée à la démocratie, elle contribue à préserver les libertés des citoyens et leurs droits fondamentaux inscrits dans notre Constitution.

Elle n’en a pas moins des devoirs envers le public, une manière de se comporter selon des principes éthiques, précisément pour jouer correctement son rôle, conformément à notre Constitution. Ciment de la communication sociale et gardienne du caractère public de l’information, c’est au premier chef vis-à-vis de la République, du grand public, de la Communauté internationale et des investisseurs que la presse écrite est imputable de son travail. Distinguons ici la presse écrite d’information de son homologue d’opinion. La première se contente de rapporter les faits, sans les lier entre eux ; c’est le cas d’une agence nationale ou internationale de presse, alors que la seconde défend une cause, nationale ou autre.

Je citerai ici à titre d’exemple le journal « Le Calame »qui présente des informations dans un manifeste souci d’objectivité, des reportages et des interviews. Ce journal que j’aime et auquel je m’intéresse beaucoup demeure fidèle à sa quête de pertinence, tout en consacrant une page éditoriale à des points de vue analysés par son directeur, monsieur Ahmed ould Cheikh, un brillant journaliste qui n’hésite pas à prendre parti sur des questions d’intérêt public, tente d’éclairer les citoyens et les responsables, suggère des solutions à certains problèmes. Il se permet donc d’être critique, déborde le simple reportage du fait brut et émet une opinion sur le cours général que devraient prendre les choses, selon lui.

 

Le Calame, un pionnier

L’explosion de l’offre de presse « papier » puis électronique est sans précédent. Elle répond aux exigences nationale et internationale en matière de droit de l’Homme et, surtout, libéralisation de l’économie. En Mauritanie, il s’est d’abord agi de contribuer à convaincre les cadres du pouvoir de la nécessité de développer une image de notre nation en route vers la modernité libérale. La « transition » démocratique de 1991 visant à instaurer un État de Droit nécessitait une nouvelle génération de titres de la presse écrite non partisane. Mais la structuration du champ journalistique et de ses relations avec les partis politiques et le gouvernement a surtout révélé la grande précarité de la grande majorité des structures médiatiques et l’affaiblissement de leur autonomie.

Les détenteurs des pouvoirs politique et économique sont donc puissants dans un espace social où le public potentiel de la presse écrite demeure encore relativement restreint et où les structures de médiation ont très peu de points d’appréciation auprès du grand public. Il n’en demeure pas moins que la presse écrite joue un rôle important dans le fonctionnement d’une démocratie saine et d’une société dynamique. Elle permet l’accès à une information détaillée et diversifiée sur la situation sociale, économique, culturelle et politique du pays. À cet égard, la Mauritanie doit pouvoir compter sur une base d’informations riche et articulée, alimentant des réflexions de fond sur la politique, l’économie, la société et l’actualité en général, afin que chacun puisse jouer son rôle de citoyen et d’électeur de manière éclairée.

Malheureusement, le système de subvention à l’égard de la presse écrite n’a pas atteint l’objectif tant souhaité. Le secteur regroupe plusieurs sociétés de production journalistique qui emploient plusieurs journalistes et éditent plus de cent titres. L’État doit prendre des mesures d’exonérations à l’égard de ces journaux. Je suggère, enfin, l’intégration de la presse écrite dans les Touhadati du président de la République afin de moderniser le secteur. Car plusieurs de ses entreprises manquent cruellement de moyens pour répondre aux besoins de la population.

L’État doit proposer des crédits d’impôts liés à la production d’informations, des programmes pour augmenter la capacité de mise en marché afin de mieux répondre aux exigences du développement et d’assurer le rayonnement de la presse libre en vue de crédibiliser notre système démocratique auprès des investisseurs et de la Communauté internationale. Ma proposition vise également à inclure un volet « presse quotidienne » au secteur media pour soutenir l’innovation des sites de presse en ligne offrant des informations pertinentes. Car au-delà de son rôle d’information, la presse écrite est un bien culturel qui participe au développement et au rayonnement de l’identité et des valeurs mauritaniennes.