M. Abdoul Dicko, directeur de l’Institut National des Arts (INA) : ‘’Il est amer de constater qu'il n'y a plus aucune salle de cinéma en Mauritanie’’

13 September, 2023 - 07:56

Dicko Abdoul est titulaire d'un doctorat en Histoire obtenu en 2001 en Tunisie. Rentré au pays, il est nommé, de 2009 à 2014, directeur-adjoint à la direction du Patrimoine culturel, sise au Ministère de la Culture, de la Jeunesse, des Sports et des Relations avec le Parlement. De 2014 à 2020, le voici conseiller technique chargé successivement de l'Habitat, des Bâtiments et Équipements publics au Ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme.  Puis on lui confie la lourde tâche de diriger l’Institut National des Arts nouvellement fondé. Une mission difficile : c’est la première fois que le gouvernement décide de mettre en place une telle institution qui comble un vide. Elle a pour vocation de promouvoir les métiers de l’art en formant les acteurs dont le pays a besoin pour vulgariser ses différentes facettes culturelles. Dans cet entretien avec Le Calame, monsieur Dicko évoque les premières actions de cette institution et ses perspectives d’avenir.

 

Le Calame : Pouvez-vous dire ce qu’est l’INA ? Quand fut-il fondé ? Avec quelles missions ?

Abdoul Dicko : L’Institut National des Arts (INA) est un établissement public à caractère administratif ou EPA ; il fut fondé par le décret 069 du 18 Juin 2020. Sa vocation est de former et d’encadrer les acteurs culturels du pays. Il a pour missions de contribuer à la défense et à l'illustration du patrimoine artistique de la Mauritanie ainsi qu'à son développement ;de former et préparer des cadres nationaux spécialisés dans les métiers des Beaux-Arts, notamment les arts plastiques, la musique, le théâtre, le cinéma et l'art du design ; de produire, réaliser et distribuer les œuvres cinématographiques, théâtrales et audiovisuelles ; de faire émerger des talents singuliers et produire les conditions d'une professionnalisation de haut niveau.

La fondation de cette institution entrait dans le cadre des engagements du président de la République, Son Excellence Mohamed Cheikh Ghazwani. À travers notre tutelle, le ministère de la Culture, de la jeunesse, des sports et des relations avec le Parlement, il veille à la mise en œuvre de cet axe essentiel qu’est notre patrimoine culturel et artistique.

 

- De quels moyens dispose votre établissement pour accomplir ses missions ? Avez-vous d’autres partenaires techniques et financiers que l’État mauritanien?

-  L'INA bénéficie annuellement d'une subvention budgétaire de l'État mauritanien. C'est la seule source de financement dont dispose l'établissement pour le moment. Je rappelle au passage que l'INA a tissé un réseau de partenariat avec un certain nombre d’institutions similaires, des organismes ou des représentations diplomatiques installées en Mauritanie. Nous espérons en tirer profit pour renforcer nos ressources. D’ailleurs, certains ont commencé à nous assister. Je profite de l’occasion pour remercier et saluer ceux qui se sont manifestés, particulièrement ceux qui nous ont rendu visite à l’INA pour s’enquérir de près de ses activités. Je voudrais citer ici les services culturels des ambassades du Maroc, de France, de l’UE, d’Espagne, des USA, l’AFD, l’IFM et le GRDR…Certains nous ont permis d’organiser des masters class et des échanges autour de nos activités et projets. C’est vous dire que nous comptons beaucoup sur ces partenariats pour booster notre travail. Son Excellence le président de la République accorde un intérêt manifeste à la culture mauritanienne, en général, et au patrimoine artistique, en particulier.

 

- L’INA est le premier établissement de ce domaine en Mauritanie. Qu’a-t-il réalisé en matière de formation et de renforcement des capacités des acteurs de la culture ?

-En matière de formation, l'INA organise, dans le cadre de ses plans d'actions annuels, des ateliers ou master class dans les quatre composantes de ses activités – cinéma, théâtre, musique et arts plastiques – à Nouakchott et en marge des festivals des cités du Patrimoine, organisés par notre département de tutelle. Ainsi à Ouadane (2021), Tichit (2022) et Djewol (2023), quatre-vingt jeunes issus des localités abritant l'événement, ont bénéficié des ateliers de formation de trois jours dans les quatre composantes susdites. Ces festivals rendent visible le travail de l’institut et les formations nous permettent de détecter de nombreux jeunes talents dans les villes et villages.

 

 - Depuis le début du mois d’Août dernier, quarante-huit jeunes mauritaniens suivent à l’Institut de la jeunesse et des sports une session de formation dans les métiers du cinéma, de la musique, du théâtre et des arts plastiques. Quels ont été les critères de sélection des participants ? Quelles peuvent être les retombées pour ces jeunes ?

- Ces jeunes ont été sélectionnés sur présentation de dossiers, suite à un appel à candidature étalé sur trois semaines pour en faire bénéficier le maximum de personnes. Les candidats retenus présentent des profils-types ; ils disposent d’une certaine expérience et d’une formation attestée dans les quatre composantes de formation de l’INA. Nous avons veillé à ce que les formateurs retenus justifient d’un background avéré. C’est une première expérience, nous tenons à ce qu’elle soit réussie et nous espérons, qu’elle ouvrira à son terme de belles perspectives, en offrant des opportunités d’emplois à ces jeunes passionnés par les métiers de l’art.

 

- Quel est l’état et l’avenir des métiers de l’art en Mauritanie ? Sont-ils bien perçus par les Mauritaniens ?

- L’art en général et ses métiers en particulier sont un levier de développement économique et social.  Ces métiers commencent à être bien perçus par les Mauritaniens et nous espérons lancer une nouvelle dynamique culturelle promouvant la culture mauritanienne en général et notre patrimoine artistique en particulier. La formation et le renforcement des capacités que l’INA assure vont certainement booster leur rôle.

 

- Au pays de Med Hondo, il n’y a plus de salle de cinéma. Qu’en pensez-vous ?

- Il est effectivement amer de constater qu'il n'y a plus aucune salle de cinéma en Mauritanie.

 

- Nouakchott a été déclarée capitale de la Culture islamique en 2023. Quels fruits les métiers d’arts peuvent-ils en tirer ?

-Cet événement exceptionnel constitue une fierté pour notre pays, il va permettre la diffusion, la vulgarisation, la valorisation et la promotion de la culture mauritanienne en général et de notre patrimoine  artistique en particulier.

 

Propos recueillis par Dalay Lam