Port de Tanit : Les investisseurs se bousculent. Et après ? (Suite et fin)

11 October, 2023 - 16:58

Autre forme classique utilisée par certaines femmes dites « d’affaires » : pour rouler les investisseurs des pays du Golfe ou de la péninsule  arabique, ces très jolies mauritaniennes – toujours des blanches –  tellement belles qu’on ne peut rien leur refuser et qui ne refusent, pour leur part, rien aux investisseurs, invitent des milliardaires arabes ou turcs dans le pays, leur font passer des « nuits de miel » dans des villas meublées de haut standing où « tout se sabre » pour leur soutirer une partie ou la totalité de leur argent destiné  à l’investissement.

Ce n’est un secret pour personne : certaines affaires qui avaient très bien commencé dans une chambre à coucher se sont terminées devant des tribunaux parfois conditionnés par des pressions, hiérarchiques, tribales ou régionales très fortes mais invariablement incapables de restituer aux investisseurs même une infime partie de leur argent volé dans un pays musulman par des musulmans plus souvent affichés que réels.

 

L’APIM piégée par des dossiers solides soumis par des voleurs en col blanc

Et, pour couronner le tout, une vraie catastrophe :le guichet unique. Une véritable fabrique administrative de sociétés-pacotilles légalisées en toute conformité pour permettre à leur personnalité, morale ou physique, de jouer aux grands bandits du crime transcontinental. À l’instar de celle qui obtint le marché de la construction du pont de Haye Sakine et qui fondit comme du beurre dès l’encaissement d’une avance et le retrait de la caution « irrévocable » qu’elle avait déposée à la Banque…

En 2021, l’Agence de Promotion de l’Investissement en Mauritanie (APIM)a enregistré 4788 nouvelles sociétés, toutes catégories confondues. En 2022, 4521 de plus ! Les agréments au Code des investissements délivrés entre Janvier 2021 et Octobre 2022 ont profité aux secteurs de l’élevage, de l’agriculture, de la pêche, notamment dans leurs variantes industrielles, et de l’hôtellerie. Parfois fictives, parfois prête-nom, parfois écran de fumée, des sociétés ont déclaré, par des documents parfois légalisés, avoir injecté dans l’économie la faramineuse somme de 16 487 421 741 MRU, et prétendu pouvoir générer des opportunités d’emplois pour 12.750 mauritaniens dont 4291 directement et 8458 indirectement.

Si l’on regarde de plus près ces chiffres – évidemment faux pour la plupart, puisque sans autre réalité que leur écriture sur le papier des dossiers fournis – on remarque que dans la fourchette de 2021-2022, sous le régime donc de l’actuel Président, 9.309 sociétés ont été fondées ; 5208 sous l’appellation Établissements (ETS), 3967 Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) et 134 sous d’autres formes juridiques ; en tout cas toutes après le départ de l’ex-président Ould Abdel Aziz. Quant au volume de l’investissement déclaré, on peut s’interroger sur la provenance de cette masse énorme de capitaux susceptible d’expliquer l’apparition soudaine de tant de nouvelles sociétés.

Ma question est moins bête qu’il y paraît de prime abord. Elle est peut-être même très pertinente. Il y a dans notre pays, beaucoup d’argent dont la provenance est douteuse : blanchi à travers des capitaux de sociétés nouvellement fondées ou prétendu fruit d’activités-« couvertures » pour dissimuler des fonds acquis illégalement. Dans l’un ou l’autre cas, les statistiques de la jolie Aïssata Lam sont truffées de « faux en déclarations » d’hommes d’affaires, peut-être juste pour donner à leurs sociétés ou établissements une crédibilité financière qu’elles n’ont pas.

 

Les hommes d’affaires, malheurs de tous les présidents

Quoiqu’il en soit, le mal fait et il ne faut pas le chercher à l’APIM. Celle-ci ne délivre des agréments qu’au vu des documents légalisés juridiquement ou administrativement par les institutions qui les délivrent. Le préjudice, il faut le chercher ailleurs. Et pas loin : dans un milieu gravitant à l‘intérieur du patronat mauritanien où sont affiliées des sociétés nageant dans le flou total, le manque de sérieux et parfois la malhonnêteté. Sous le couvert de telles sociétés à visages parfois multiples, des affairistes adhèrent au patronat pour pouvoir arnaquer les gens sous l’étiquette d’un cadre institutionnel.

Prouvée par des documents quelques fois faux, avec la complicité de banques nées par prolifération de nécessités spécifiques, la solvabilité de certaines de ces entreprises se révèle aussi éphémère que la vie d’un papillon qui naît, s’accouple et meurt en à peine 168 heures. Mais on ne peut pas construire un pays en investissant dans le mensonge et l’arnaque sous toutes ses formes. Comment voulez-vous que le climat de l’investissement en Mauritanie provoque une ruée de partenaires si toute l’économie de notre pays est soumise aux mensonges et aux abus de confiance de courtiers et de démarcheurs sans autre référence académique que le nom de leur tribu ou de leur famille ?

Concluons sur notre sujet initial. Le port de Tanit est une des très nombreuses opportunités ouvertes à des investisseurs étrangers à des avantages qui sont pratiquement les plus attrayants du continent. Mettons-y de l’ordre. Si j’étais Ould Ghazwani, je rendrais, avant la fin de mon premier mandat, un grand service à mon pays, en demandant au guichet unique de l’APIM de me remettre tous les agréments de ces 9.309 sociétés fondées dans une folle course-poursuite à voler l’argent du contribuable mauritanien. Puis j’en transmettrais tous les dossiers au ministère du Commerce pour les incinérer avec les saisies de produits impropres à la consommation… avant de demander à la séduisante et compétente Aïssata Lam de passer désormais tout nouveau dossier d’agrément aux rayons d’un scanner allergique au faux et à l’usage du faux !

 

Mohamed Chighali

Journaliste indépendant