L'ancien président Aziz : Leçon d'Histoire ou une histoire de leçons?

7 December, 2023 - 00:24

Je remercie Allah de m'avoir donné encore cet âge qui me permet encore de pouvoir juger, apprécier, constater, au seul but de renseigner la postérité; puisque l'expression latine d'Horace nous dit : "Verba volant, scripta manent", autrement :"les paroles s'envolent, les écrits restent"....Personnellement, je ne suis qu'un individu, prosaïque avec ses défauts et dont le destin s'est télescopé avec de jeunes officiers qui vont jouer plus tard des rôles régaliens dans l'Histoire de leur pays. Au fait j'ai connu l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz en novembre 1980 au SAK (Secteur Autonome de Kaédi), lui venant de la 4éme Région de Tidjikdja (disloquée la même année) et moi venant de Tod, au nord d'Atar où je formais, avec d'autres collègues sous-lieutenants sortants de l'EMIA, le 1er contingent de caporaux de l'Armée Nationale. En étant l'officier le moins ancien du SAK, j'ai été muté comme adjoint du sous-lieutenant feu Sarr Amadou, exécuté en 1987, suite à une tentative de coup d'Etat, paraît-il, car la même année j'étais en stage en France. C'est de sa bouche que j'ai entendu pour la première fois l'expression "système beïdane». Pour la petite histoire, Aziz et Sarr, sortant la même année de Meknès en 1980, ne s'appréciaient guère, ne se saluaient point. Aziz habitait la même concession que moi, Sarr était mon chef direct. Fraichement moulu de l'Ecole militaire et ayant l'esprit d'équipe constamment en tête, j'ai demandé  à Sarr le motif du froid entre lui et Aziz. Et Sarr de répondre: "il est sorti dernier de la promotion, bien après le sous-lieutenant Diako Abdoulkrim et moi, mais le B3 l'a mis devant nous, tu t'imagines"? C'est déjà une frustration engendré par le "système beïdane".
    J'ai connu plus tard l'actuel président Mohamed Ould Ghazwani au milieu des années "80", au 41ème sous-groupement, basé à F'Dérick. Un officier sage, s'occupant du travail de son unité de commandement avec enthousiasme. Côté éducation, moralité, rien à reprocher. Aziz et Ghazwani finiront par être des amis aux destins liés. L'idylle commence en 1978 à Meknès, se poursuivra jusqu'en 2019 à Nouakchott, là où la rupture sera consommée, juste après l'élection présidentielle. A qui la faute ? Devant l'Histoire, la faute n'incombe pas à celui qui 40 années durant s'est éclipsé devant son ancien alter égo, qui a assuré son intérim, après le bruit confus de la "balle amie" et tant d'autres choses. Aziz, quant à lui, est un homme impérieux, égocentrique, dynamique. Tout comme l'inconscient freudien dont on dit qu'il est amoral (ce qui est différent d'immoral : qui connaît la morale mais ne l'applique pas), Aziz est un individu impavide, qui ne connaît pas la peur. Or quelqu'un qui ne connaît pas la peur ne saura jamais apprécier ni le courage, ni la bravoure. Aziz a un comportement nihiliste, suicidaire. Sinon il ne serait pas actuellement devant un tribunal.
   

A / La leçon d'Histoire :
    Après avoir passé plus de 10 ans à la tête de la Mauritanie, Ould Abdel Aziz a tout fait pour passer devant un tribunal. Tezaboutt ..une expression qui stipule, selon les Maures, l'acharnement du destin sur un individu.  La justice pouvait saisir une partie des biens détournés tout en épargnant son intégrité physique. Voilà qu'au moment où son âge sollicite un repos absolu, avoisinant les 70 ans, en profitant de la vie, entouré de ses enfants et ses petits-enfants, qu’Ould Abdel Aziz défraie la chronique. Rien ne pouvait justifier l'attitude d’Aziz à vouloir une confrontation avec Ould Ghazwani, si ce n'est une carence notoire de sagesse. Je connais les deux hommes, jusque dans leur psychologique des profondeurs, leur humanité si différente, leur vision par rapport à l'argent diamétralement opposée. L'argent cet instrument diabolique qui ensorcelle les êtres humains peu éduqués. La chute d’Ould Abdel Aziz est une leçon que chaque responsable doit retenir. Quoi qu'on fasse, quelle que soit votre protection, un jour viendra où les corrompus, ceux qui trompent leur peuple, répondront  de leurs actes, et ce, tôt ou tard.
 

B/ Une cagnotte de 10 millions.
   Devant le tribunal, l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a parlé. Selon ses dires, l'actuel président Mohamed Ould Cheikh Ghazwani lui aurait offert, juste après la présidentielle de 2019 deux sacs, l'un contenant 5 millions d'euros et l'autre 5,5 millions de dollars, avec un bonus de 50 véhicules Hilux.  Personnellement je veux savoir si Aziz était au courant de l'existence de cet argent et comment il est entré en possession de Ghazwani sans qu’Aziz ne l'apprenne? Franchement je ne m'imagine pas un seul instant Aziz au courant de l'existence de cet argent sans qu'il ne le prenne pour lui, pendant qu'il était encore président. Ensuite ce magot d'une valeur d'environ 4 milliards d'ouguiya, ne pouvait exister sans qu’Aziz ne soit au courant, car il avait des antennes partout au sein du parti UPR et du gouvernement. Alors , est-ce un mensonge destiné à déstabiliser la cour, à canaliser le procès, à semer le doute dans l'esprit des Mauritaniens? Une "bonne défense" que les avocats du ministère public sauront démonter pièce par pièce. Dans sa vie de jeune officier, Aziz n'était pas enclin au mensonge, mais les années sont passées et la quête obsédante de l'argent, l'amour du pouvoir, la mauvaise fréquentation de personnes sans scrupules, peuvent  faire basculer un homme peu éduqué à embrasser l'irréparable.
 

C/ A quand le début de la fin?
   Pendant  5 ans, les élucubrations d’Ould Abdel Aziz et son procès ont rendu invisibles, inaudibles toutes les entreprises du président Ghazwani. Que la justice fasse son travail et que ce procès finisse avant la fin de l'année 2023. Il y va de la crédibilité de l'actuel président si vraiment il veut briguer un second mandat en 2024. Les mauritaniens en ont marre de ce jeu du chat et de la souris. Si en 2024, Ould Abdel Aziz avec son cortège d'accusations, de remontrances de part et d'autre etc...devraient s'inviter encore au débat politique, nous en  conclurons que l'image de l'ancien président hantera en juin prochain une campagne présidentielle  qui sera en toute fin utile approximative, voire biaisée. Il faut siffler la fin de la récréation./.
 

Ely Ould Krombele, France