Un fantomatique Front veut restaurer la démocratie en Mauritanie : Vaste programme !

7 December, 2023 - 00:38

Il y a quelques jours, une vidéo virale a circulé sur les réseaux sociaux, présentant des militaires occupés à la fondation d’un Front National de Changement. L’image fait penser aux maîtres des juntes malienne et burkinabé. La comparaison osée s’arrête là, même si le Sahel est perturbé par des coups de force.  L’objectif de ce FNC est de « renverser le pouvoir » en place à Nouakchott, restaurer la démocratie et lutter contre la gabegie. Vaste programme... Monopolisant les débats dans les salons et les transports, la vidéo s’est vite propagée grâce aux groupes WhatsApp laissant croire à certains naïfs qu’il s’agissait d’un coup d’État contre le président Ghazwani. Qui sont ces militaires ? », s’interroge-t-on, « qui en tire les ficelles ? ». La formation de ce front intervient dans un contexte particulier et la référence à l’ex-président Ould Abdel Aziz en attente du verdict de son procès est sur toutes les lèvres.

Le procureur du tribunal de la lutte contre la corruption a requis vingt ans de prison pour le tombeur de feu Sidi ould Cheikh Abdallahi et il semble très improbable qu’il échappe à une lourde condamnation. Les faits qui lui sont reprochés sont gravissimes et ce n’est certainement pas sa dernière tentative d’enfoncer son successeur qui pourrait le sauver. MOAA a déclaré que son ex-alter-ego lui avait remis deux valises bourrées de devises et des dizaines de véhicules Hilux. Une assertion d’autant plus difficile à étayer qu’il n’y aurait eu aucun témoin de ce « don » et que, s’il y en avait eu un, il n’a en tout cas pas témoigné devant le tribunal. « Tardive sortie », commentent nombre d’observateurs qui y voient surtout une sorte de diversion ou encore de baroud d‘honneur. Les membres du FNC surfent, d’une certaine manière, sur les manifestations des veuves, orphelins et rescapés militaires des années de braises auxquelles Ould Abdel Aziz fit allusion devant le tribunal…

La vidéo coïncide également avec le démarrage des grandes manœuvres pour la présidentielle de Mai prochain. Les partis de la majorité présidentielle s’agitent et ont demandé au président Ghazwani de briguer un second mandat. Une invite qui interroge un peu, dans la mesure où la Constitution le lui permet et qu’il n’y aurait a priori aucun empêchement ni crainte d’être battu, l’opposition ne disposant d’aucun atout en ce sens. Comme l’a souligné le président Boydiel, il n’est pas nécessaire de demander au président Ghazwani de briguer un nouveau mandat : cela va de soi. Mais on n’en oublie pas pour autant que MOAA s’est déclaré résolu, lors de l’une de ses conférences de presse mouvementées, à poursuivre en politique… Se présenter à la présidentielle de 2024 ? Basé à l’étranger, le FNC entendrait-il jouer sur ce registre, en avançant que les nombreuses réalisations de l’ex-Président plaideraient pour sa « compétence unique »pour développer le pays ? Mais le moins qu’on puisse dire est que son retour aux affaires est fort compromis. Sortir libre de son procès paraît plus qu’hypothétique : carrément impensable. Et même en admettant qu’il puisse en finir heureusement avec la justice, il lui resterait encore à préparer sa candidature : long, très long chemin, hérissé d’embûches…

L’autre facteur à prendre en considération est la multiplication des coups d’État au Sahel. Le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la Guinée sont gouvernés par des militaires depuis plusieurs mois, voire années, et, plus récemment, la Guinée Bissau et le Sierra Léone ont été secoués par des bruits de bottes et de canons. Avec leur sortie en fanfare, les membres du FNC espèreraient-ils susciter des émules au sein d’une armée mauritanienne assez bien traitée, semble-t-il, par son chef suprême ? On peut certes se poser la question mais les contextes  et les corps sont bel et bien différents...

 

Dalay Lam