Le Président est venu, a vu… Et puis quoi ?

9 January, 2024 - 16:20

Le président de la République vient d’effectuer une tournée dans quelques régions du pays. L’objectif était d’inaugurer ou de lancer des projets de son programme électoral (Taahoudaty). Il a mis à profit ces déplacements pour présider des réunions de cadres qui laissent peu de place aux populations locales censées lui exposer leurs doléances. Les « cadres » et autres laudateurs accourus de toutes les régions de la République, en grands cortèges de véhicules de l'État ou loués sur son dos, se substituent au peuple non pas pour le représenter mais seulement pour se montrer. Des habitudes et pratiques acquises depuis Ould Taya…

Le Président a certes inauguré divers projets importants pour les populations locales. Plusieurs se seraient suffis de la présence d’un ministre mais Ould Ghazwani tenait à s’enquérir  en personne, avancent certains observateurs, de la qualité et de l’état des chantiers du quinquennat. Plusieurs de ceux-ci accusaient du retard et/ou coûtaient trop cher. On se rappelle en effet qu'il y a près de deux ans, le Raïs avait marqué son mécontentement envers les lenteurs dans l’exécution de  nombreux ouvrages, signes de l’incapacité de certains départements ministériels-clés et chefs de projets. On avait beaucoup commenté en ce sens les déclarations du ministre de l’économie et des secteurs productifs, monsieur Kane Ousmane, qui déplorait les indolences dans la mise en œuvre des chantiers structurants du pays. 

Malgré la mise en place et les réunions régulières, sous la houlette du Premier ministre, d’un comité de suivi des engagements du président de la République, trop de  projets accusent du retard. Et ne parlons pas de leur viabilité… La pause observée dans la tournée du Président semble liée à cette situation. Certaines sources osent croire que le Palais ne serait pas très enthousiaste après cette phase I des visites présidentielles et plancherait sur une première évaluation. Le Président est venu, a vu… et doit agir : sévir s’il y a des manquements, comme il fut dit lors de l’une de ses sorties : « on ne tolérera plus les retards »… mais on doit aller plus loin. Sanctionner les responsables ; revoir aussi et surtout la manière dont les marchés ont été attribués ; mettre hors de tout appel d'offres les entreprises retardataires ou dont le travail ne correspond pas aux normes. Il faut agir autrement que certains de nos ministres qu’il est rare d’entendre prononcer des sanctions, au retour de leurs visites de chantiers : trop exceptionnels demeurent les cas des DG du CHN et de la SNDE.

 

Carnavals

Les visites des chefs de département ressemblent souvent à des carnavals. Ils se déplacent avec tout leur staff, jusqu’à leur secrétaire général censé assurer le fonctionnement quotidien du ministère. Normal, me direz-vous : ils ne font qu’imiter le président de la République dont les déplacements mettent en branle toute la République. Mais aujourd’hui les mauritaniens lambdas ne cessent de se plaindre : « où passent les milliards prétendument  dépensés pour améliorer nos conditions de vie, alors qu’on trime chaque jour pour survivre ? » Ils ont le sentiment que ces milliards ne profitent qu’à une infime partie de leurs compatriotes rompus aux détournements de deniers publics. La lutte contre la corruption engagée par le président Ghazwani depuis 2019 est loin d’avoir donné tous les résultats escomptés ; pire, cette pandémie paraît galoper. C’est une question de mentalité fortement ancrée chez certains.

On a l’impression d’un combat de Sisyphe mené pour les générations futures, alors que les jeunes d’aujourd’hui censés assurer la relève paraissent plus voraces encore que leurs prédécesseurs. Ceux qui sont nés avec une cuillère en or dans la bouche ne sont pas prêts à lâcher prise, à intégrer l’équité, comprendre que l’État appartient à tous et qu’à force de n’offrir au peuple que frustrations et injustices, ils finiront eux-mêmes par en pâtir un jour. La Mauritanie a la chance d’être dotée d’énormes et diverses ressources qui peuvent, bien gérées, sortir tous ses citoyens de la pauvreté et faire ainsi, de slogans éculés, de vraies réalités, et non plus des trompe-l’œil, style « une administration proche au service des citoyens », affiche on ne peu plus éloignée des faits que constatent chaque jour les citoyens dans le comportement hautain, parfois même « omnipotent », de certains de nos administrateurs, juges, cadis, forces de l’ordre et de la sécurité...

 

Dalay Lam