Le Projet DHAR épinglé par la Cour des comptes : Beaucoup d’argent a coulé….

9 January, 2024 - 16:22

Le Rapport général de la Cour des Comptes a décelé de nombreuses irrégularités au sein du Projet DHAR : utilisation irrégulière des véhicules du projet, absence d’un inventaire physique exhaustif des matériels de transport, prêts et avances non-remboursés octroyés à certains employés, protection insuffisante de la majorité des ouvrages du projet, absence d’analyse périodique de la nappe… Rappelons que le projet DHAR est financé par le Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social (FADES) et la Banque Islamique de Développement (BID), avec contribution de l’État mauritanien. Le projet était mis en œuvre sur deux phases ; la première de 2012 à 2017 et la deuxième de 2017 à 2023. Fixée à 56.000 m3 par jour, sa capacité de production visait à assurer l’approvisionnement des populations en eau potable ; contribuer au développement durable de façon efficace et améliorer les conditions de vie des populations. La wilaya du Hodh Charghi et celle du Hodh Ghrabi sont les deux wilayas qui en bénéficiaient.

 

Avis sur les comptes

Suite à l’examen des états financiers, la mission de la Cour relève la non-comptabilisation de l’amortissement de certaines immobilisations. « Cela constitue une violation du Plan comptable mauritanien », de l’avis de la Cour.

 

Absence d’un inventaire physique exhaustif des matériels de transport

Les missionnaires ont constaté que les opérations d’inventaire physique réalisées par l’unité de gestion du projet n’étaient pas exhaustives, notamment quand il s’agit des matériels de transport. Cela remet en cause la sincérité des états financiers.

 

Utilisation irrégulière des véhicules du projet

Le projet dispose de 48 véhicules, néanmoins, il n’en utilise que 11 ; le reste étant réparti entre le personnel de la SNDE et le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement. Les missionnaires soulignent que l’ensemble de ces affections ont été faites sans aucun fondement légal (conventions, notes de service ou correspondances administratives…). « Malgré sa possession de 48 véhicules dont la majorité sont des 4 x 4 neufs, les documents comptables montrent que le projet a recouru à la location des véhicules pour la réalisation de missions liées à ses activités courantes », indique le rapport.

 

Des prêts et avances non-remboursés

L’examen des états financiers du projet a révélé le non-remboursement de prêts et avances d’un montant total de 5 336 605 MRO datant de la fin de l’année 2017 et octroyés à certains employés. Aucun texte autorisant l’octroi de prêts aux employés n’a été porté à la connaissance de la Cour.

 

Paiement des dépenses non liées au projet

Il a été constaté que le projet a payé des dépenses non-liées à ses activités pour un total de 1 450 834 MRO.

 

 Protection insuffisante de la majorité des ouvrages

La visite de lieux, effectuée le 28 mai 2021 aux sites du projet, a montré que la plupart des ouvrages ne bénéficient pas de protection suffisante. Ce qui les expose aux risques de vol, destruction, etc. Les missionnaires citent la station de pompage SP 2Bakla à 4 km des frontières avec le Mali. La gestion de la station est assurée par un chef de station, assisté par un adjoint et un gardien. Ce qui expose la station aux risques de vol, destruction, etc. Il est à souligner que la station dispose, entre autres, de 6 tonnes de carburant comme réserve de sécurité ; 3 pompes SIEMENS de haute qualité ; une voiture tout-terrain ; un groupe électrogène de haute qualité ; 2 réservoirs d’eau RMC et RMC Sud Bakla. La visite du lieu a révélé « l’absence de la moindre forme de sécurisation (absence de personnel pour surveiller l’ouvrage) ». Il est à souligner la capacité de RMC Sud est de 1500 m3 et celle de RMC est de 500 m3.

Les regards pour maintenance de la ligne Néma-Timbedra ont fait l’objet de destruction par les populations à plusieurs reprises. Ce qui a induit la rupture d’approvisionnement en eaux de Timbedra et ses alentours. La station de distribution d’eau Point Z PK 20 Néma a été conçue sans prévoir une loge-gardien, bien qu’elle soit située dans une zone montagneuse inhabitée, sans le moindre moyen de survie. « La visite de lieu a révélé que la source unique d’énergie (solaire) a été volée et que l’abri des canaux de pompage vers les axes de Timbedra et Amourj ne sont pas fermés. En outre, aucun gardien ou superviseur n’est présent sur le site ».

 

Absence de construction d’un atelier de maintenance des équipements du projet

Selon les missionnaires de la Cour, la construction de cet atelier n’a pas été réalisée, contrairement aux dispositions de l’alinéa 2 de l’annexe N° 3 de la Convention de Prêt signée entre la République Islamique de Mauritanie et le Fonds Arabe pour la Développement Économique et Social (FADES). Cet alinéa stipule que les composantes du projet comprennent un appui institutionnel qui couvre l’acquisition de certains équipements, matériels et moyens de transport nécessaires à la gestion de la mise en œuvre et l’exploitation du projet, ainsi que la construction d’un bâtiment pour la gestion de l’exploitation du projet et un atelier de maintenance de ses équipements.

 

Absence d’une analyse périodique de la nappe

Les analyses périodiques, prévues par l’article 4 de la convention de financement signée entre la Mauritanie et le FADES n’ont pas été réalisées. Cet article stipule que « les mesures nécessaires seront prises pour la surveillance de la pollution de la nappe du Dhar et la protection de l’environnement de tout impact négatif pouvant être entrainé par l’exécution du projet, ainsi que le respect des procédures de protection de la santé publique ». En réponse à cette observation, le Coordinateur a indiqué que les analyses de la nappe ne relèvent pas de la responsabilité du projet. Il a ajouté que celles-ci sont du ressort des missions du Centre National des Ressources en Eaux relevant du Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement.

 

Non-application des pénalités de retard

Il a été constaté que les pénalités de retard n’ont pas été appliquées dans certains marchés liés au projet relatif à la Partie Nord du projet d'approvisionnement de Néma, Timbedra et Chemim à partir du Dhar. Le montant du marché avenant inclus est de 80 048 297 MRU. Le montant des pénalités de retard en MRU 80 048 297 x 7% = 5 603 380.

 

Réseaux hydrauliques non réalisés

Aux termes des conditions du marché, 305 abonnements sociaux devraient être réalisés au profit des populations les localités bénéficiaires. Sur la base de la liste de prix annexée au contrat, le coût total s’élève à 2 130 000 MRU. Il a été constaté lors de la visite des lieux qu’après la réception provisoire qui a eu lieu le 25 Septembre 2020, ces réseaux n’ont pas été réalisés et ne sont pas inscrits parmi les réserves devant être levées avant la réception définitive.

 

Ajout d’une localité bénéficiaire à l’insu du maître d’ouvrage

Contrairement aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 3 de la convention de maîtrise d’ouvrage signée par le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement et la SNDE, le Directeur Général de cette dernière a émis une note service par laquelle il ajoutait un montant de 6 048 440 MRU au montant initial sans informer le maître d’ouvrage. Cette note de service visait la réalisation de travaux supplémentaires relatifs à l’insertion d’un réseau au profit de la localité de Maqam à 20 Km de Néma, malgré le fait que cette localité ne fait pas partie des bénéficiaires du marché.

Il est à souligner qu’en soi, la signature de cette note de service est en conformité avec les dispositions de l’article 65 du décret n° 180-2011 portant application de la loi 044-2010 portant Code des Marchés Publics, mais le Directeur Général de la SNDE n’est pas légalement habilité à l’établissement de cet acte pour les raisons suivantes : le Directeur Général est un maître d’ouvrage délégué et n’est par conséquent pas habilité à augmenter le volume des travaux sans avis du maître d’ouvrage (le Ministère). En vertu de l’article 3 de la convention de délégation de maîtrise d’ouvrage, le Directeur délègue ces prérogatives au Coordinateur du Projet Dhar.

 

                                                                                                                               Synthèse THIAM Mamadou