Visite des deux Hodhs : Du pareil au même

9 April, 2015 - 01:36

Le président Mohamed ould Abdel Aziz a passé une dizaine de jours dans les deux Hodhs. Officiellement, il voulait voir, de près, les conditions de (sur)vie de ses chers citoyens de l’Est. Le président voulait aussi, dit-on, s’assurer de la bonne mise en œuvre des projets de développement. Essentiellement, le projet Dhar qui devait alimenter en eau les hauteurs du Hodh Chargui jusqu’aux confins de l’Assaba ; et, de tout aussi, les prestations des secteurs sociaux de l’éducation et de la santé. Pendant dix jours, le président a survolé (au propre comme au figuré) les deux Hodhs. C’était une visite. Ce n’était pas une visitation. Selon les amis du pouvoir, jamais un président avant lui n’a accompli une visite de travail aussi réussie, ni aussi fructueuse, ni aussi productive. En rupture totale avec le passé des visites folkloriques, poétiques et carnavalesques. Selon ces mêmes amis, cette visite était totalement différente de ce qui se faisait au temps du président renversé Maouiya ould Sid ‘Ahmed Taya. Or, à faire un peu attention, la différence n’est pas aussi « grande » que ces gens-là le disent ; le pensent même, peut-être. Dès l’annonce officielle du périple présidentiel à l’Est, les mêmes réunions tribales et de cadres qui s’y tenaient naguère, se sont tenues à Nouakchott. Les notables, les cadres et les autorités administratives des régions visitées ont tenu les mêmes concertations qui se tenaient, habituellement, du temps d’Ould Taya. Les mêmes collectes d’un argent à la provenance douteuse ont été organisées. Les jeunes, les femmes, les fonctionnaires, les griots, les amis et les troubadours des deux Hodhs ont effectué le même déplacement pour accueillir le Président à toutes les stations de la visite. Tous les programmes des organes officiels de presse ont été remplacés par une couverture, à cent pour cent, des moindres détails de la visite. Parfois, deux à trois heures de salutations, sur fonds de youyous, courses folles, télescopages et autres défilés de chameaux et chevaux. Des oulémas, des notables et des vieillards enturbannés attendant, de longues heures sous un soleil de plomb de mettre la main dans la main du Président et, parfois, de lui chuchoter quelque chose à l’oreille. C’est toujours des cortèges éblouissants de 4x4, vrombissant à toutes les étapes. C’est toujours toute la Mauritanie, ou presque, qui va où va son président. C’est toujours le département « compté » sur tel responsable de telle tribu. Le Président emporte, avec lui, une poignée de ministres, sans que personne ne sache pourquoi. Pour les visitations de Taya, c’était un bon paquet de gasoil ; pour les celles d’Aziz, quelques tonnes de kérosène. Ce sont les mêmes mises en scène. Des écoles, des dispensaires, des élèves et des patients fabriqués de toutes pièces, pour séduire le Président. Les équipements sanitaires du camp de M’Berra, pour masquer les lacunes du dispensaire public de Bassiknou, ou les professeurs et instituteurs vite mobilisés pour combler les déficits des établissements d’Aoueïnat Zbil ou Legneïba. C’est toujours la même technique de formatage des populations, afin qu’elles paraissent toutes contentes des Superbes Réalisations du Grand Président aux Prestations Jamais Egalées dans tous les domaines de la vie. Ce sont toujours les mêmes discours, réchauffés et resservis. Les mêmes revendications des mêmes chefs de tribu. Qui réclamant un puits, qui une école, qui la promotion d’un fils ou d’un proche. Des manœuvres qui commencent à donner des résultats (voir ceux du dernier Conseil des ministres). C’est toujours la même mobilisation sécuritaire pendant toute la visite. Consigne militaire généralisée. Des postes de contrôle de la sortie de Nouakchott à la rentrée de Néma. Même dans les détails, la visite d’Ould Abdel Aziz ne tranche pas vraiment avec la visitation de Taya. Les mêmes petits à-côtés, liés aux fameux peshmergas, aux troubadours, aux officiels et autres apartés à faire mourir de rire, parfois. Les aubergines et carottes du jardin maraîcher de Nbeïket Lahwach sont comme les pommes de terres et fruits de ce village reclus du Guidimakha. Autrefois, la TVM passait des mois et des mois à passer et repasser la visitation. Aujourd’hui, la Mauritanienne (la TV nationale) continue encore à tympaniser ses téléspectateurs avec les images de la visite assorties de ridicules analyses et commentaires de cadres de la majorité,  sur les prétendues leçons à tirer de celle-ci. Contrairement à ce que pensent ceux des anciens ministres d’Ould Taya redevenus des « suppos » – supporters, pas suppositoires, allons ! – inconditionnels d’Ould Abdel Aziz, la visitation est comme la visite ! C’est kif-kif ! Bonnet blanc, blanc bonnet ! Tout simplement pareil. Ni plus. Ni moins.

 

Sneïba El Kory