Cérémonie solennelle de rentrée des Cours et tribunaux 2015 : Me Bouhoubeyni jette la robe

14 April, 2015 - 12:14

La cérémonie de rentrée solennelle des Cours et tribunaux, organisée, le mardi 7 Avril dernier, au Centre International des Conférences de Nouakchott (CICN-Palais des Congrès), avait, pour thème, le renforcement des mécanismes de lutte contre la torture, sous la présidence du chef de l’Etat, Mohamed Ould Abdel Aziz. Elle été marquée par une image inédite.

 Un imprévu, volant la vedette aux discours officiels taillés, comme il se doit, dans la langue de bois et les formules convenues, a, en effet, fait le buzz sur la Toile et les  réseaux sociaux, pendant plusieurs jours. Explication : après le  discours, plutôt  flatteur, de maître Cheikh ould Hindi, bâtonnier de l’Ordre National des Avocats (ONA), qui, tout en réclamant  la libération de Birame ould Dah Abeïd et ses compagnons, caressait le pouvoir dans le sens du poil, évoquant « une réelle volonté d’éradication des séquelles de l’esclavage », la salle assiste à un véritable  coup de tonnerre. Non-inscrit dans l’ordre des orateurs, maître Ahmed Salem ould Bouhoubeïny, ex-bâtonnier, s’avance vers la tribune.

Surpris, interloqués  et confus devant cette initiative, les personnalités présentes : ministre de la Justice, président de la Cour suprême, Procureur général près la Cour suprême, ne réagissent pas. Arrivé devant le président Mohamed ould Abdel Aziz, l’avocat jette sa robe à terre, pour illustrer, symboliquement, l’état actuel de la justice, et dépose un rapport sur la  table. Interpelant, alors, le président du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), garant du fonctionnement régulier des institutions de la République, l’ancien bâtonnier lui jette à la figure « voilà ce qu’on aurait dû vous dire, aujourd’hui, en place de discours totalement aux antipodes de la réalité ».

 

Geste significatif

Plusieurs grilles de lecture peuvent analyser l’acte de résistance posé par cet avocat dont le nom restera associé, dans l’histoire de notre Barreau national, au combat pour l’indépendance de la justice. Après une éclipse  de quelques années, correspondant, curieusement, à la présence de maître Ahmed Salem ould Bouhoubeiny à la tête de l’ONA, la cérémonie solennelle de rentrée des Cours et tribunaux, un rituel républicain annuel à travers tous les pays du Monde, reprenait, ce mardi-là, sa place dans l’agenda mauritanien.

« L’intrus » du Palais des Congrès,  a saisi l’opportunité de la journée pour montrer, aux décideurs et éternels applaudisseurs,  que la circonstance qui les réunissait devait  offrir l’occasion d’une profonde réflexion sur les problèmes de la justice et non donner lieu à une foire et discours laudateurs. Son geste, symbolique, civilisé, fort et hautement significatif,  traduit la situation d’un appareil judiciaire « à l’agonie » depuis plusieurs années. Un mal bien identifié, pendant les années de la Transition 2005/2007, avec un diagnostic sérieux, suivi d’une série de réformes pertinentes.

Mais l’avènement de la Rectification a tout carabiné, en « domestiquant » une institution dont l’indépendance est, quotidiennement, foulée au pied du mur, selon les explications du document « en rébellion ». Dans la vision  de l’ancien Bâtonnier,  les discours flatteurs et dithyrambiques  de la cérémonie solennelle de rentrée des Cours et tribunaux 2015 vont, inéluctablement, contribuer à enfoncer les  derniers clous au cercueil d’un appareil judiciaire  en mort clinique depuis plusieurs années.

Ben Abdallah