Mauritanie-Arabie Saoudite : Spoliations des terres et pièges de l’Investissement

14 April, 2015 - 12:36

L’axe Nouakchott-Riyadh revigoré. Le président Ould Abdel Aziz  vient d’achever une visite de trois jours à Riyadh, du 7 au 9 avril, sur invitation du roi Selmane ben Abdel Aziz Al Saoud dont le royaume dirige la coalition arabe qui pilonne les sites d’El Houthiyine, au Yémen, et s’apprête à une intervention des troupes au sol, rapporte une source émiratie, si Abid Rabou Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite, en fait la demande. Trois jours durant, l’hôte du gardien des Lieux Saints s’est entretenu avec les ministres saoudiens de la Défense, des Mines et de l’Agriculture… en l’absence de leurs homologues mauritaniens ! Est-ce en sa qualité de Chef suprême…. des armées qu’il a paraphé un protocole  d’accord militaire avec le royaume wahhabite en quête d’une légitimité internationale, dans sa guerre au Yémen ? En tant que membre de la Ligue Arabe qui a donné, pour la première fois de son histoire, le feu vert à une intervention militaire dans un pays-membre, pour en « restaurer la légalité », la Mauritanie va-t-elle contribuer au besoin, de plus en plus pressant, d’une force multinationale dans cette péninsule ? Pourtant, plusieurs régimes arabes élus démocratiquement ont été déposés et leurs institutions bafouées, sans que cette même Ligue Arabe ne pipe mot ! Dans cet ordre de bataille, le pays du million de poètes a envoyé des contingents, sous l’égide des Nations Unies, non pas au Mali voisin mais en Côte d’Ivoire et en République Centrafricaine. Allez savoir pourquoi…

Pendant qu’Ould Abdel Aziz est à Riyadh, le docteur Khalid Souleymane El Mellah, directeur du Bureau exécutif du Groupe Errajihi, est à Nouakchott… pour relancer le très controversé projet d’investissement saoudien en Mauritanie ; particulièrement dans l’agro-alimentaire. Un projet qui a soulevé des vagues, après que les populations de la vallée se sont révoltées contre une nouvelle forme de  spoliation de leurs terres, au profit, non plus de nationaux, mais de ce conglomérat de pétrodollars saoudiens. Une affaire que le pouvoir de Nouakchott a tenté, en vain, de régler à l’amiable, en envoyant, à l’époque, des émissaires – Dia Adama, ex-chef d’état-major particulier du Président ; Thiom Diombar, ancien ministre des Finances et plusieurs autres cadres négro-mauritaniens – pour convaincre les populations de « l’opportunité » d’abandonner leurs terres agro-pastorales au profit du Groupe Errajihi.

Durant la même première dizaine de ce mois d’Avril, le conseil des gouverneurs des banques centrales et autres institutions financières arabes a nommé, au cours de sa 40° session tenue au Koweït, le ministre mauritanien des Affaires économiques et du développement,  Sidi ould Tah, au poste de DG de la Banque Arabe pour le Développement Economique en Afrique (BADEA), détenue, à majorité, par les Saoudiens qui possèdent, donc, les clés de ce poste.

Ce partenariat gagnant-gagnant – ou gagnant-perdant, c’est selon – remet, au goût amer du jour, la problématique du foncier et la volonté du pouvoir de Nouakchott d’exproprier des nationaux de leurs terres agricoles et pastorales, pour les rétrocéder ou vendre à des Saoudiens, sous prétexte d’exploitation « plus rationnelle ». Piège de l’investissement dont on n’est loin, d’ailleurs, d’avoir perçu tous les tenants et aboutissants. N’entend-on pas murmurer, en effet, que, sous les Saoudiens, se cacheraient un projet d’envergure planétaire, visant à imposer, au Monde, la culture des transgéniques, si controversée en des régions où la démocratie n’est pas totalement un vain mot ?

 

Moustapha ould Béchir