Boydiel Ould Houmeid, président du parti El Wiam, dans une interview exclusive : ‘’Personne ne veut, ni ne peut écarter la CUPAD du dialogue, puisque nous sommes incontournables sur l’échiquier national’’

25 June, 2015 - 01:55

Le Calame : Venez d’accueillir le président de la République dans votre commune N’Djago. Que peut attendre, un maire d’opposition, d’une commune rurale frontalière avec le Sénégal en cette année particulièrement difficile, de ce genre de rendez-vous ?

 

Boydiel Ould  Houmeid : J’ai accueilli le Président de la République en ma qualité de maire de la commune de N’Diago, le maire étant un auxiliaire de l’Etat.  Ensuite, je reconnais le Président de la République. De plus, le maire est le responsable de sa commune dans sa globalité. Même s’il est élu sous les couleurs d’un parti, il devient le maire de toute la population de la commune dans sa diversité politique. Si je suis opposé à l’UPR et à son programme, je ne suis pas opposé aux intérêts des populations que je représente.

Ce que nous pouvons attendre de la visite du Président de la République pour notre commune, c’est la réalisation de projets économiques et d’infrastructures  à caractère social, telles que les écoles, les structures sanitaires ; c’est aussi le désenclavement de la commune. Déjà, des projets ont été lancés, comme l’eau qui est aujourd’hui disponible dans 70 à 80% de la commune, l’électricité qui est également en bonne voie avec l’inauguration de la centrale de la localité de Birette et la pose de la première pierre de la centrale de N’Diago/Bden. Ces deux centrales ouvrent la possibilité de couvrir les besoins de tous les villages environnants et de faciliter les échanges entre nous et nos voisins de la région de St-Louis.

Comme vous dites, l’année est difficile, surtout pour une commune rurale agro-sylvo-pastorale. L’Etat a fait un effort, certes insuffisant, mais qui a permis de soulager les éleveurs en particulier. En somme, la visite était utile, parce qu’elle a permis au Chef de l’Etat de s’enquérir directement de la situation des populations, parfois sans intermédiaire.      

 

-Cette visite intervient dans une période marquée par des tentatives du pouvoir et de l’opposition de nouer un dialogue politique « inclusif », « franc et sincère ».  Quel est votre sentiment sur cette mayonnaise qui peine à prendre ? A qui la faute ?

 -vous savez, pour que la mayonnaise puisse prendre, il faut que les œufs soient de bonne qualité, surtout pas pourris, que l’huile et les oignons soient également de bonne qualité et enfin que le batteur ou le mélangeur soit adroit, rapide et rompu au métier. L’image peut s’appliquer au dialogue : les acteurs doivent être d’un haut niveau politique et de véritables patriotes qui mettent l’intérêt national au dessus de tout intérêt égoïste ; l’État qui joue le rôle de batteur doit être en mesure de faire les concessions utiles et doit être habile pour trouver des compromis entre les différentes parties au dialogue.

 

La virulente  sortie du président Aziz, en tournée au Guidimakha sur l’opposition ne risque-t-elle pas remettre en cause le maigre espoir de nouer un dialogue entre  les  protagonistes que vous êtes ? 

Je n’ai pas suivi ces propos, mais je sais tout simplement que le président de la République et l’opposition se connaissent déjà très bien et ce ne sont pas des déclarations occasionnelles de la part des uns ou des autres qui  mettront le dialogue en péril.

 

- Le pôle politique auquel vous appartenez et que vous présidez depuis quelque temps (CUPAD) dénonce des manœuvres visant à l’écarter du dialogue en gestation. Pouvez-vous nous dire qui veut vous écarter et pour quelle fin ?

 -Personne ne veut, ni ne peut nous écarter du dialogue, puisque nous sommes incontournables sur l’échiquier national, où nous sommes représentés à l’Assemblée nationale par 17 députés et nous disposons de plus de 600 conseillers municipaux à travers le pays. La décision de participer ou non ne peut donc provenir que de nous et comme nous avons toujours cherché et souhaité une entente entre les Mauritaniens, toutes tendances confondues, nous allons participer au dialogue.

 

-Lors du passage de témoin entre le président sortant, Messaoud Ould Boulkheir et vous-même, la CUPAD a publié un communiqué dans lequel elle évoque son opposition à tout amendement constitutionnel sauf si un consensus se dégage entre tous  les acteurs politiques sur cette question. Ne pensez-vous pas, alors même que le dialogue n’a pas commencé  avoir ouvert une « brèche », que le président actuel  ou ses amis pourrait exploiter et qui également risque, hélas de  gêner le  FNDU ?

-Pas du tout. Nous avons dit que nous sommes contre un amendement constitutionnel dont l’objet serait de modifier les dispositions relatives au nombre de mandats présidentiels ou à l’âge des candidats à la magistrature suprême. Cependant, si la volonté de toutes les parties au dialogue est de modifier la constitution, nous n’allons pas nous y opposer (Elli khzatou jemaatou Nkhze). Nous n’ouvrons aucune brèche, mais si les autres tiennent unanimement à l’ouvrir, nous participerons à cette ouverture. Le FNDU ne doit pas se sentir gêné par cette position, car s’il ne veut pas que cette brèche soit ouverte, il n’y aura jamais de consensus et s’il n’y a pas de consensus il n’y aura donc pas d’amendement à la Constitution.

 

-Que répondez-vous à certains observateurs qui  croient que  ce paragraphe du communiqué portant sur   des « amendements constitutionnels consensuels »  serait une « concession » faite au président Boydiel parce que  Messaoud Ould Boulheir a maintes fois réitéré  son opposition à toute modification de la constitution, ceci  lors des meetings de son parti APP dans les Moughataa de la capitale, et  Dr Abdessalam Ould Horma, président de Sawab  défendait une position similaire  dans une récente  interview accordée à notre journal, le Calame, quelques semaines avant ?  

 -Pourquoi une concession au président Boydiel ? M’avez-vous  déjà entendu dire, en public ou en privé, que j’étais favorable à un amendement de la Constitution ?

 

 -Suspectez-vous, comme certains du côté de l’opposition, le président de la République qui coule son dernier mandat, selon l’article 26 de la Constitution mauritanienne de nourrir l’intention de faire modifier  cette loi fondamentale? 

Moi, je ne suspecte personne, je prends les choses telles qu’elles sont. Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a prêté serment en disant qu’il ne modifierait pas cet article de la Constitution, ni directement ni indirectement. Pourquoi voulez-vous qu’il en soit autrement ?

 

-Que se passerait-il si les acteurs politiques que vous êtes n’arrivent  pas à accorder  leurs  violons pour dialoguer?

-Ce serait vraiment regrettable, mais cela n’empêcherait pas ceux qui voudraient dialoguer de le faire et la Mauritanie continuerait de fonctionner. Il est certain que le dialogue serait diminué, dans la mesure où il n’y aurait pas d’unanimité.

 

-Que pensez-vous du sort du président de Kawtal Ngam Yellitaaré, Djiby Sow, condamné avec le président de l’IRA- Mauritanie, Biram Ould Abeid et Brahim Ould Bilal dont l’état de santé se dégrade de jour en jour et que les autorités semblent refuser, à en croire son organisation et celles de défense des droits de l’homme son évacuation à l’étranger

 

 

C’est dommage qu’il ne puisse pas se soigner. L’Etat doit lui offrir les soins nécessaires. Quant à leur combat, je le respecte mais je ne partage ni la manière d’agir ni l’idéologie.

 

Propos recueillis par Dalay Lam