COP 21 : Les attentes financières de l’Afrique

10 December, 2015 - 01:15

La mobilisation des 100 milliards de Dollars à partir de 2020 dans le Fonds vert pour le climat constitue l’une des attentes fortes des délégations africaines participant à la COP 21 qui se tient à Paris jusqu’au 11 décembre.

A l’inverse de Copenhague où les lignes de fissure étaient nettes, le Continent africain, l’exigence d’un «accord contraignant» en bandoulière, affiche à Paris une unité qui, au troisième jour de la COP21, résistait encore à la différence des agendas entre les pays désertiques (Sahel) et le bassin du Congo, entre les exportateurs et les importateurs de pétrole, entre les pays émergents et les PMA. Faut-il ranger l’Afrique du Sud, qui fait partie des 15 plus gros pollueurs de la planète avec 500 millions de tonnes de CO2 par an, dans le groupe africain ou dans le club des émergents (Chine, Inde, Brésil) qui insiste sur la responsabilité historique des pays industrialisés?

Autant d’antagonismes moulés dans une résolution de l’Union Africaine et encadrés par un comité de négociateurs qui a pris tout son temps pour harmoniser les positions. « C’est une position unique et harmonisée qui souhaite avoir un mécanisme avec un fond-énergie géré par les Africains, bien sûr avec la surveillance multilatérale», a rappelé le sénégalais Macky Sall, président de l’agence NEPAD chargée du cadrage technique de la participation africaine aux négociations de la COP21. Le président sénégalais milite pour qu’un tiers des fonds promis soient consacrés à l’électrification de l’Afrique à raison de 5 milliards de dollars par an et ce pendant 10 ans.

Pour l’heure, la concrétisation des promesses se fait à compte-gouttes. Le fonds qui a opéré ses premiers décaissements début novembre ne disposait  que d’un peu moins de 6 milliards, sur 10 milliards de dollars de promesses initiales, pour la période 2015-2018. Ces promesses proviennent de 35 pays.

En plus du Fonds Vert, l’Afrique compte aussi sur le  Fonds d’adaptation, le Fonds mondial pour l’environnement et le Fonds pour les pays les moins avancés.

6 milliards d’euros

Le chef de l’État français François Hollande a promis de verser 6 milliards d’euros à l’Afrique pour développer les énergies renouvelables et l’électricité. Un geste qui tombe à pic alors que plusieurs dirigeants du continent critiquent le texte des négociations.

C’est ce que l’on appelle une décision opportune. Alors que plusieurs chefs d’État africains laissent, depuis plusieurs semaines, planer la menace de ne pas soutenir un accord climatique qui ne leur serait pas assez favorable, François Hollande a frappé fort ce mardi 1er décembre. A l’occasion d’un mini-sommet, qui rassemblait une douzaine de dirigeants du continent noir, le président de la République s’est engagé à verser 6 milliards d’euros à l’Afrique pour développer l’électricité et les énergies renouvelables d’ici à 2020. Un geste qui tombe à pic. L’Afrique, avec ses 54 États, est un des pivots de la conférence pour le climat. Ses dirigeants, à l’instar du sénégalais Macky Sall ou du tchadien Idriss Déby, ont fait part ces dernières semaines de leurs inquiétudes s’agissant du volet financier de l’accord. Ils reprochent aux pays développés de ne pas aller suffisamment loin dans le financement, à destination des pays pauvres, des politiques d’adaptation au changement climatique. Il fallait donc les rassurer.

Et le chef de l’État français y a mis les formes et les mots. « Nous avons une dette écologique à l’égard du continent, cette dette, le monde doit la régler », a-t-il affirmé en préambule. Sauf que – pour l’instant – c’est la France seule qui va « régler » cette « dette ».

« Un signal important lancé aux Africains »

« Quelques pays africains nous ont fait part depuis un certain moment de leurs réticences à signer un accord imparfait sur le volet financier, confie un responsable du Quai d’Orsay. Ces annonces sont un signal important lancé aux Africains pour qu’ils nous soutiennent afin de trouver un accord contraignant, avec un mécanisme de révision. ».

Lundi dernier (1er décembre), quelque 150 chefs d’Etat et de gouvernement s’étaient réunis en sommet à Paris pour donner l’impulsion politique au début des discussions qui avait tant manqué à Copenhague. Les négociations s’annoncent ardues, le projet d’accord d’une cinquantaine de pages contenant encore beaucoup d’options. « Plus de 200 », selon une Organisation non gouvernementale, la Fondation Nicolas Hulot, qui a dénombré aussi « plus de 1.200 expressions ou phrases entre crochets » soumises à discussion. Le texte en débat est divisé en grands chapitres: objectifs de long terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, adaptation au changement climatique, financements des politiques climatiques des pays du Sud, mécanisme pour réviser régulièrement à la hausse les engagements des pays, etc. Les négociateurs ont remis une version élaguée du texte samedi passée aux ministres de l’environnement ou de l’énergie, qui prendront la main au cours de cette deuxième et dernière semaine de la conférence.

Synthèse Thiam

 

Encadré

COP 21 : « Pas d’accord parfait »

L’accord espéré à Paris doit engager l’ensemble de la communauté internationale à réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle. Au-delà de +2°C, les scientifiques redoutent un emballement : cyclones à répétition, chute des rendements agricoles, submersion de territoires de New York à Bombay…

M. Obama a clarifié la position des Etats-Unis sur l’accord : il a exclu que les objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre soient légalement contraignants. Le Congrès américain, à majorité républicaine, a montré mardi sa volonté de lui mettre des bâtons dans les roues en matière d’environnement, en votant l’annulation de la nouvelle réglementation anti-CO2 qui pour la première fois impose des limites sur les émissions de CO2 par les centrales thermiques américaines existantes. Le vote restera néanmoins symbolique, en raison du veto promis par le président.

En marge de la COP21, l’Afrique, qui subit déjà de plein fouet les conséquences du réchauffement, avec notamment une avancée des déserts et un assèchement de ses cours d’eau, s’est vu promettre 2 milliards d’euros d’ici à 2020 par la France pour développer ses énergies renouvelables.

« Nous n’aurons pas un accord parfait », a prévenu lundi Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, six ans après l’échec de la conférence de Copenhague. Il a appelé les négociateurs à « faire preuve de flexibilité et de sens du compromis ».

L’accord espéré le 11 décembre à Paris doit permettre au monde d’amorcer un virage historique pour se détourner des ressources fossiles, qui fournissent aujourd’hui une large part de l’énergie mondiale mais qui sont à l’origine du réchauffement inédit de la planète.

Pour rallier les pays du Sud, des financements devront être garantis pour qu’ils se développent avec des énergies propres et affrontent les conséquences du changement climatique (montée des océans, fonte des glaciers, multiplication des évènements météorologiques extrêmes, baisse de la productivité agricole, etc.).