Le bonheur d’être mauritanien…malgré tout ! Par Mohamed Ali Ould Lemrabott*

29 February, 2016 - 10:43

Quitte à aller à contre-courant d’une certaine morosité ambiante, voire d‘un certain mauritano-pessimisme galvaudé à l’heure actuelle, qu’il me soit permis d’affirmer ceci: Quel bonheur d’être mauritanien !

Quiconque, tel Ernest Psichari, a dormi sous sa voûte céleste et entendu crier les voix dans son désert, quiconque, à l’instar de Mokhtar Ould Daddah, en a ressenti le crissement du sable sous ses pieds comme il le décrit dans son livre-mémoires, quiconque, à l’image du Général de Gaulle, s’est émerveillé de ses paysages grandioses du haut des cimes de la Kédia d’Idjil, sait à quel point la Mauritanie n’est rien d’autre qu’un don de Dieu (! ) pour la beauté de ses paysages, la diversité de son patrimoine culturel, la science de ses théologiens, le raffinement de ses poètes, la virtuosité de ses artistes, la bonté d’âme de ses (vrais) gens !

C’est un véritable bonheur, donc et malgré tout, que d’être mauritanien, sans forfanterie, ni particularisme ni «cocardisme.»

Ce bonheur, d’ailleurs, n’est pas « qu’à fleur de peau » ou « à fleur de terre », dirions-nous, il est bien enraciné…et pas que dans les tréfonds des âmes mais dans les abysses du temps, aussi !

C’est que du point de vue de l’Histoire, la Mauritanie – certains l’oublient parfois - est une nation millénaire qui a tant contribué à la culture universelle, notamment arabo-islamique et africaine, à travers ses érudits, ses jurisconsultes, ses poètes, etc. Ne dit-on pas en Orient que la Mauritanie est le pays au million de poètes ? N’a-t-elle pas enfanté ces « moines-soldats », les Amoravides, bâtisseurs de l’Empire éponyme, dont l’épopée glorieuse partie d’un Ribat situé à quelques encablures de Nouakchott, permit il y’a mille ans, d’unifier sous la même autorité centrale une partie de l’Europe occidentale (une bonne portion de l’Andalousie), le Maroc et la Mauritanie actuels, ainsi que d’autres provinces maghrébines et sub-sahariennes ?

Au plan de la « civilisation matérielle », comme dirait Fernand Braudel, la Mauritanie a presque de tout temps contribué «aux économies-mondes » qui se sont succédé à travers l’Histoire au moins depuis l’Antiquité lorsque huit cents ans avant J.C;, le Guelb Moghrein d’Akjoujt alimentait le « commerce muet » méditerranéen, via Carthage, d’un cuivre bien apprécié à l’époque.

Que l'on me comprenne bien, cette « mauritanité » ou « mauritanitude » heureuse ne se définit pas à nos yeux par opposition à autrui mais bien au contraire par symbiose et complémentarité avec l’altérité.

En effet, si nous sommes fondés à reconnaître ce bonheur à la lumière des atouts que renferment nos frontières, il s’impose également, par exemple, de tirer fierté aussi de notre entourage immédiat, des nations qui nous entourent !

Le Maroc, terre chérifienne bénie, au peuple si travailleur et si bienveillant; l'Algérie pays au million et demi de martyrs, fierté à ce titre, de tout le Monde arabe; le Sénégal, nation démocratique et terre, elle aussi, de grands religieux comme la nôtre (chose dont ne sont nullement dénués les autres pays voisins que je cite ici.)

Le Mali, empire millénaire dont l’un des temps forts de l'Histoire fut le règne de Kanko Moussa, l’homme le plus riche de l’Histoire avec ses milliers de tonnes d’or, qui faisant son pèlerinage à la Mecque fit chuter le cours du métal précieux dans toutes les contrées où il passa ! (la richesse est loin d’être une fin en soi mais aucune grande civilisation ne la dédaigne vraiment…)

Au plan stratégique, la Mauritanie dispose d’un autre atout: elle se trouve sur les « marches de l’Empire» de l’Europe, comme naguère Pierre le Grand le disait des pays de l’Asie mineure limitrophes de la Russie. C’est pourquoi l’Europe ne peut, ne doit, se désintéresser de notre sort ! Là réside une autre source d'optimisme pour nous qui incite, voire incline au bonheur!

Quand vint le colonialisme qui redoubla d’intensité après la Révolution industrielle en Europe et qu’il fallut bien être colonisé par quelque nation européenne à l’époque, Dieu a voulu que nous le fussions par une aussi grande nation que la France, qui quoique puissance colonisatrice ne nous en pas moins respectés pour autant ! C'est ainsi que, quoique désireuse de promouvoir la sienne, elle a dans une certaine mesure respecté notre culture et mis le doigt sur ce que nous avions de meilleur ! Elle a aidé à faire ressortir le meilleur de nous-mêmes, notre quintessence ! Mieux que les ressources de notre sous-sol, les gisements humains que recèle notre peuple! Qui peut contester le choix opéré par la France d’un homme aussi valeureux que Mokhtar Ould Daddah pour présider aux destinées de notre pays ? Qui peut en vouloir au Général de Gaulle d’être venu spécialement à Boutilimit en 1953 pour rendre visite à Abdallah Ould Cheikh Sidiya ? Qui en vaudrait à l’Administration coloniale d’avoir désigné Mohamed Ali Ould Addoud pour diriger la délégation des pèlerins de l’Afrique de l’Ouest en 1955 ? Qui a imposé notre accession à la souveraineté internationale à la face du monde ? Qui nous a défendus militairement avec ses Jaguars et sauvegardé ainsi notre existence comme Etat souverain? Qui en 1977 a versé les ressources du Stabex dans les caisses de la Snim exsangue ? Qui nous a permis d’apprendre une aussi belle langue que le français ?

Dès lors et ayant reçu cette belle et grande nation en héritage de nos ancêtres et un peu de nos partenaires, il est de notre devoir de la préserver, de l’aimer et de la chérir !

Nous devons protéger ce beau pays de tous les dangers intérieurs et extérieurs contemporains qui le menacent, qu’ils soient épiques ou même entomologiques !

Il nous appartient donc de perpétuer ce bonheur, de le renouveler par l’action préventive, la gestion visionnaire des risques, la cohésion, l’unité mais aussi la justice et l’équité !

 

 

 

 * Intellectuel, consultant international,
Ancien haut cadre des Nations Unies, Ancien cadre du groupe Snim,
Ancien leader estudiantin