Docteur Mohamed ould Maouloud, président de l’Union des Forces du Progrès (UFP) : '"Le discours de Néma n'est clair que sur un point: la voie à toute alternance démocratique est désormais fermée "

12 May, 2016 - 02:09

Le Calame : Que pensez-vous du discours prononcé par le président de la République à Néma ?

Mohamed ould Maouloud : Il me semble que, contrairement à ce qu’on a laissé croire, le véritable objectif de la visite de Néma n’était pas le discours mais, plutôt, la reprise en main des régions de l’Est, considérées, par le Président, comme sa chasse gardée électorale, et qui sont en train de basculer vers l’opposition, comme l’ont révélé les récents meetings, très réussis, du FNDU à Néma, Aïoun et Kiffa. Quant à celui du Président il n’a servi, finalement, qu’à confirmer la tendance. Le désaveu des populations de l’Est s’est exprimé, clairement, à travers la très faible affluence. Et le discours est loin d’avoir arrangé les choses, pour le Président.

Un discours d’autosatisfaction, tissé de redites et invectives, avec, cette fois, une plus forte dose de contrevérités et d’insultes, à l’encontre de l’Opposition, et, même, des propos indignes, à celle des Haratines. Un discours qui a déçu tout le monde, populations locales, opinion publique, partisans, opposants. L’attente des populations locales a été déçue. Pas un mot sur leurs préoccupations immédiates : le problème de manque d’eau, en cette période de grandes canicules, la flambée des prix et, surtout, le prix des carburants. Discours décevant, aussi, pour l’opinion publique qui espérait qu’en raison de la crise multiforme et les menaces auxquelles le pays est confronté, le Président changerait, en bien, débloquerait le dialogue avec l’opposition et préparerait, ainsi, une fin de mandat normale et pacifique. Malheureusement, l’attente a été déçue par l’ivresse de l’autoglorification qui se dégageait du discours et qui n’est pas d’un bon présage. Pour ses opposants, enfin, qualifiés « d’ennemis de la Nation », son appel au dialogue, sur un ton de menace, d’ultimatum, sonnait faux.

Ses partisans, accourus malgré eux de tous les coins du pays, sont restés sur leur faim, quant à ses intentions réelles. Pariant sur une stratégie à la Poutine, les plus zélés ont été pris en faute de faire campagne chacun pour son « Medvedev » et rappelés en conséquence à l’ordre, par la mise au point de Nbeïket Lehwach. Le Président a dressé le constat, très grave, de ce que notre pays est envahi par le fléau de la drogue mais sans annoncer de mesure pour y faire face. Reste l’annonce de la suppression du Sénat. Elle ne répond à aucune attente. Un contrefeu pour détourner l’attention des problèmes de l’heure et des déboires du Gouvernement, en cette période difficile, susciter ambitions et fausses illusions électorales ?

 

- Il était attendu, par l’Opposition, sur  ses intentions de  déverrouiller ou non la Constitution pour briguer un troisième mandat. Comme il n’a ni recadré  ni « démissionné » ses trois ministres qui ont prôné celui-ci,  avez-vous ou non, aujourd’hui,  l’intime conviction qu’il ne ménagera aucun effort pour rester au pouvoir ?

- Que le Président se plaise à jouer au plus fin, avec l’opinion publique, à laisser planer le doute sur ses intentions, quant au respect de la Constitution, est simplement scandaleux ; c’est, en soi, une violation flagrante de celle-ci. De surcroit, prendre la défense de ses ministres à ce sujet est, également, une violation manifeste de son serment d’investiture qui lui impose de défendre la Constitution contre toutes les atteintes. Ce sont là autant de signes révélateurs d’un projet de putsch antidémocratique. D’ailleurs, son ministre porte-parole du Gouvernement vient, à l’issue du dernier conseil des ministres, de confirmer, le plus ingénument du monde, nos craintes. Ne tenant aucun compte du verrouillage de notre loi fondamentale, il a affirmé que le dernier mot, sur la question de la limitation des mandats, appartient au Président qui ne révélera ses intentions qu’en 2019, « conformément à sa précédente déclaration de Nouadhibou » !

Il devient donc plus que probable que Mohamed ould Abdel Aziz fera tout pour rester au pouvoir, autant qu’il pourra. Quitte à entraîner le pays dans l’instabilité et la violence. A l’instar des présidents burkinabé, burundais et congolais.

 

- De quel  stratégie pourrait-il  user, lui qui n’a rien dit sur le nombre de mandats ni sur l’âge des candidats ?

- Le discours de Néma n’est clair que sur un point : la voie à toute alternance démocratique est désormais fermée. Le Président l’a martelé, « l’accès au pouvoir est fermé devant l’Opposition ». Il tient donc à le conserver à tout prix. Comment ? En commettant un coup d’Etat contre la limitation des mandats, en procédant à la ruse des amendements constitutionnels, pour la contourner, ou en imposant un successeur fidèle, via des élections taillées sur mesure ? A mon avis, il est tenté par l’aventure, risquée, de renoncer à chercher une sortie de crise, concertée avec l’Opposition, et de mettre en œuvre la formule que lui permettra le rapport de force. Mais il ne se rend pas compte que son pouvoir est devenu très fragile, que la rupture est désormais consommée, entre lui et tout le peuple mauritanien, qu’en voulant tout garder, il risque de tout perdre. Si les forces démocratiques et populaires se dressent, unies, pour lui faire barrage, rien de tout cela n’arrivera et, à moins qu’il ne se ravise, il est même possible qu’il ne termine pas son mandat et soit poursuivi pour violation de ses obligations constitutionnelles.

 

- Toujours dans son discours, il a attaqué fortement l’opposition, l’accusant d’avoir ruiné le pays pendant plusieurs années, d’être antidémocratique. Que pouvez-vous lui répondre sur ces deux points?

- A mon avis, cela ne mérite pas de réponse. Mais il est sidérant qu’un chef d’Etat prenne autant de libertés avec les faits et les évidences, pourtant connues de tous. Comment peut-il prétendre que les opposants d’hier et d’avant-hier c’étaient lui et les siens, ban et arrière-ban des partisans de tous les régimes antérieurs ? Vous connaissez les principaux partis d’opposition et leurs leaders qui mènent leur combat, depuis trois ou quatre décennies, pour certains. Un minimum de scrupules et de respect de l’opinion publique auraient dû l’empêcher de proférer de telles ridicules accusations. Apparemment, ses conseillers en communication lui ont suggéré d’adopter la tactique, puérile, du voleur qui crie « au voleur ! ». Mais c’est, souvent, le signe d’une faillite politique et morale.

 

- Le Président s’est longuement  appesanti sur la lutte contre la gabegie, accusant, au passage, les responsables de l’opposition d’avoir été les fossoyeurs du pays et vantant les succès de cette croisade. Ce combat a-t-été salvateur pour l’économie du pays  ou n'est-il qu'un slogan ?

- La spécialité du pouvoir actuel est sa promptitude à s’emparer des slogans de ses adversaires (lutte contre la pauvreté, lutte contre la gabegie, etc.) et à les vider de tout contenu. C’est, comme il est dit plus haut, la tactique du voleur qui crie « au voleur ! ». Ce faisant, il a cru pouvoir tromper l’opinion et couvrir, ainsi, sa gestion catastrophique et véritablement gabegique. Aujourd’hui, le roi est nu ! La SNIM est à genoux, le système bancaire également. L’agriculture irriguée et la pêche sont sinistrées, le commerce, les services aussi. Nombre de projets coûteux, engagés, dans la plus grande improvisation, à des fins de propagande, ont fini mort-nés. Et il est à craindre que l’usine de lait de Néma dont la réalisation ne s’appuie sur aucune étude ne rejoigne la longue et triste liste. Et que dire d’un gouvernement qui se transforme en spéculateur foncier vorace, prêt à s’emparer de tout espace public, y compris les propriétés foncières de l’Etat (école de police, stade de la Capitale, trois écoles publiques) pour le vendre, complaisamment, à des proches ? Un gouvernement qui ne se gêne pas de compenser le manque à gagner de la rente minière, par un impôt indirect sur les carburants, entièrement supporté par les populations dont le pouvoir d’achat est déjà au plus bas. Un gouvernement qui encourage une ruée vers l’orpaillage à Tasiast, qu’il sait infructueuse, simplement pour soutirer, sans contreparties, un maximum de taxes aux pauvres citoyens. En fait, toute la politique économique se réduit au prélèvement de taxes et impôts sur tout ce qui bouge. Et à la manipulation des chiffres, dans les discours officiels. Mais cela ne trompe plus personne. Le peuple n’en peut plus d’un pouvoir d’achat qui n’arrête pas de dégringoler, le chômage a atteint des records inégalés dans le monde (31%), l’enseignement et la santé sont en lambeaux et notre jeunesse en désarroi est exposée à tous les dangers et toutes les tentations.

Aujourd’hui, tout le monde sait que l’équipe à la tête du pays fait semblant de gouverner mais ne gouverne pas et se préoccupe, simplement, de profiter du pouvoir. C’est pourquoi elle est incapable de résoudre un seul problème, grand ou petit, et ses interventions, improvisées et de pure forme, ne font, souvent, que compliquer les choses.

 

- Face à ce qu’il a qualifié de refus de l’Opposition d’aller au dialogue, le président  donne  trois à quatre semaines  pour  en engager un, avec tous ceux qui voudront y aller. Le FNDU pourrait-il  y prendre part ?

- Absolument pas et pour cause. Le discours de Néma a pris les accents d’une déclaration de guerre, plutôt qu’une recherche de dialogue. L’objectif de tout dialogue sérieux est de résoudre un contentieux entre deux parties. En l’occurrence, il s’agit de parvenir, volontairement, à un compromis qui normalise les relations et ouvre la voie à l’alternance démocratique pacifique. Qui bloque les discussions préparatoires du dialogue depuis plusieurs mois ? C’est bien le pouvoir qui refuse de réagir, par écrit, aux propositions écrites du FNDU, sur les modalités d’organisation dudit dialogue. Or qu’a-t-on entendu à Néma ? Un président qui s’arroge le droit d’insulter l’opposition démocratique, qualifiée de rassemblement d’« ennemis de la Nation » ; qui déclare, solennellement, fermer la voie à l’alternance démocratique et qui somme de se soumettre à son agenda, sous peine d’être exclu du « dialogue national ». C’est donc à la cravache qu’il veut nous conduire à un dialogue dont il a fixé, seul, le délai, le format et même le résultat (suppression du Sénat). En vérité, il veut faire passer, pour dialogue, son monologue où l’opposition ne serait utile que pour la pause-photo destinée à être vendue à l’opinion publique. Une nouvelle version du faux-semblant de dialogue qu’il avait organisé, en Août dernier, et qui vient s’ajouter à une série d’autres faux-semblants : faux-semblant de lutte contre la gabegie, faux-semblant de lutte contre la pauvreté, faux-semblant de transparence électorale en 2013, etc. Le régime actuel est, véritablement, celui des faux-semblants destinés à tromper tout le monde, adversaires et alliés, amis et ennemis. Ce qu’il laisse voir, entendre ou comprendre n’est bien souvent pas conforme à sa réalité.

Au mois d’Août passé, il a tenté d’entraîner l’Opposition dans un faux dialogue national. Et, malgré les mises en scène et la propagande officielle, il a lamentablement échoué. Je m’attends à ce que la nouvelle tentative connaisse le même sort.

 

-  A quoi pourrait servir  un tel dialogue sans  les partis du FNDU ? Ne craignez-vous  que certains d’entre eux fassent défection, dans la mesure où certains, au sein du forum, seraient pressés d’y aller ?

- Le FNDU est uni sur une position arrêtée d’un commun accord. Il souhaite, vivement, une sortie de crise négociée. Mais nous voulons que l’autre partie se plie aux exigences de tout dialogue sérieux. Quelle concession pourrions-nous espérer de sa part, si elle n’est même pas prête à nous traiter avec égard et à répondre, par écrit, à nos propositions sur la préparation de la rencontre. Qu’attendre de ce dialogue, si le Président nous prévient, d’avance, qu’il n’y aura ni alternance ni respect de la Constitution ? Qui acceptera de s’accrocher, de façon si humiliante, au train d’un faux dialogue qui ne conduit nulle part, sauf à légitimer le passage en force d’un complot contre la démocratie ?

 

- Ne pensez-vous pas que le FNDU, cramponné à une réponse écrite à son mémorandum, porte, comme le pouvoir, la responsabilité de l’échec des différentes tentatives de nouer le dialogue, surtout que le Président réitère, à chaque occasion, comme récemment  à Néma, sa détermination à parvenir à un dialogue avec l’opposition, qu’il est prêt à discuter de tous les  points que vous proposeriez ?

- La discussion n’est pas, en elle-même, un objectif. ll faut, au départ, le désir de s’entendre, une volonté de se faire des concessions mutuelles. Nous sommes déjà en discussion, et depuis des mois, sur un seul point : la préparation du dialogue. Mais nous n’arrivons pas à déterminer une approche commune, parce que l’autre partie ne daigne pas nous préciser son opinion par écrit et veut, simplement, nous entraîner dans un dialogue flou, sans contenu précis et sans frontière.

 

- Qu’est-ce qui, à votre avis, pourrait expliquer le  mutisme  ou silence de nos principaux bailleurs de fonds, à savoir, la France, l’Espagne et l’UE dont elles sont membres mais, aussi, les Etats Unis  et même l’UA, sur la crise politique que vit le pays ? Pourquoi s’abstiennent-ils de jouer les facilitateurs ?

 

- La Communauté internationale, surtout l’Union Africaine, l’Union Européenne et l’ONU, portent une responsabilité indéniable, dans la persistance de la crise politique, depuis que le Groupe de contact a abandonné la Mauritanie au milieu du gué, en 2009, malgré les dispositions de l’Accord de Dakar. Ceci dit, nous préférons compter sur notre peuple, sa mobilisation et sa lutte, pour en finir avec le régime de pouvoir personnel, instaurer un Etat de droit et un ordre démocratique et préserver la stabilité.

 

- Parmi les réformes annoncées par le Président, on peut retenir la fondation de Conseils régionaux et la suppression du Sénat, au terme du dialogue et d’un référendum. Quels commentaires vous inspirent ces propositions ?

- Un accord, entre les protagonistes de la crise politique, et des élections consensuelles sont des conditions préalables à toute autre réforme acceptable. En effet, pour une majorité de partis d’opposition, le Parlement actuel souffre d’un manque de légitimité qui le disqualifie pour opérer de telles modifications. Dans son discours de Néma, le Président a estimé que le Sénat est inutile et doit, en conséquence, être supprimé. Mais on peut lui rétorquer, avec raison, que, sous un pouvoir personnel, toutes les institutions constitutionnelles, Assemblée nationale, Conseil constitutionnel, justice, Gouvernement, etc., sont également inutiles. Et le Sénat n’est ni le problème le plus grave ni le plus urgent. Cette « proposition » ou « décision », selon les passages du discours, de suppression du Sénat est, peut-être, destinée, dans un premier temps, à détourner l’attention des nombreux déboires et échecs actuels du pouvoir. Mais il est à craindre, aussi, qu’elle ne serve de prétexte à l’introduction d’autres réformes constitutionnelles moins avouables.

 

- Parlant de démocratie, le Président a fait savoir, avec force, qu’elle se fera sans l’Opposition. Qu’allez-vous  faire  pour vous opposer à ce qu’on peut  qualifier de « mise à mort d’une  grande partie de  l’opposition mauritanienne » ?

- N’exagérons rien. Il est ridicule de parler de dialogue et de démocratie sans opposition crédible. Et je ne crois pas que le Président optera pour la confrontation. Parce qu’il est certainement informé sur la situation générale. Il sait que le vent est en train de tourner, que son isolement politique a atteint des niveaux sans précédent, que la colère populaire monte et qu’il risque, dans une confrontation, de compromettre ses propres chances de quitter pacifiquement le pouvoir. La manifestation du FNDU du 7 Mai dernier, comme les meetings qui l’ont précédée, sont révélateurs d’un nouvel état d’esprit de nos populations, d’un ras-le-bol général, d’une lame de fond qui risque, à terme, de balayer le pouvoir de l’incurie et de la gabegie, s’il continue de bloquer le changement, de tenter de se perpétuer. Dans tous les cas, nous en appelons à l’union et à la résistance de toutes les forces démocratiques et populaires, pour faire échec à tout putsch contre la Constitution et pour ouvrir la voie au changement salutaire souhaité par notre peuple.

 

- Le Président s’est beaucoup appesanti sur la question de l’unité nationale (esclavage, passif humanitaire). Pensez-vous qu’un véritable diagnostic des problèmes a été posé et que les remèdes mis en œuvre, par le Gouvernement, sont de nature à consolider et renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale du pays ?

- J’ai dit, plus haut, que ce pouvoir a le don de compliquer, au lieu de résoudre, tout problème qu’il traite. En 2008, il a trouvé une feuille de route sur toutes ces questions, adoptée, au cours de journées nationales de concertation, par tous les acteurs de la scène politique, du mouvement associatif et des droits humains. Mais, au lieu de la mettre en œuvre, il n’a cessé, par manque de volonté politique, de manœuvrer et de tergiverser, laisser pourrir certains problèmes, comme ceux du passif humanitaire, des rapatriés ex-réfugiés ou de la persistance de pratique esclavagistes. De sorte que toutes ces questions risquent de prendre de nouvelles dimensions et, même, de dangereuses tournures, pour l’unité nationale et la stabilité du pays. La seule solution est la reprise de la feuille de route convenue en 2007, sa réactualisation, au cours d’un dialogue national véritable, et sa prise en charge, par un gouvernement soucieux de sa mise en œuvre.

 

 

- A défaut de pouvoir  trouver, par elle-même, une entente interne, la Mauritanie n’aurait-elle pas besoin, comme la RDC d’un facilitateur extérieur, comme  en 2009, afin de parvenir à un compromis et sortir de ce climat de méfiance ?

- C’est peut-être une solution, pour surmonter la crise de confiance entre les protagonistes de la crise politique et débloquer la voie à un dialogue constructif.

 

- Parlant de justice, le président  Aziz a dit qu’elle est indépendante en Mauritanie, qu’il n’y a aucun prisonnier politique chez nous. Partagez-vous son avis ? Les responsables d’IRA, en prison depuis  bientôt deux ans, ne seraient-ils pas des prisonniers d’opinion ?

- Le Président se complaît à nier l’évidence. Le président d’IRA, Biram ould Abeïd, et son adjoint, Brahim ould Bilal, sont victimes d’un véritable règlement de compte politique et d’une persécution inqualifiable. Pour le simple fait d’avoir participé à une manifestation pacifique, pour une cause juste, ces militants anti-esclavagistes sont traités avec une sévérité dont sont épargnés même les barons de la drogue arrêtés qui passent peu de temps derrière les barreaux. L’indépendance de la justice est toujours une fiction, sous un pouvoir de dictature personnelle.

 

- Toujours par rapport à la justice et aux libertés, que pensez-vous du refus du pouvoir de reconnaître le FPC qui attend, depuis des mois, que le Ministère de l’Intérieur donne suite à l’ « interpellation » de la Cour Suprême sur son recours ?

- Malheureusement, le régime actuel ne tient aucun compte des lois et de la séparation des pouvoirs. L’instauration d’un Etat de droit reste un combat à livrer à chaque instant. Pour notre part et par ma voix, nous avons réclamé la reconnaissance du FPC et des autres partis qui remplissent les conditions légales et dénoncé le pouvoir discrétionnaire que s’arroge le Ministère de l’Intérieur à reconnaître ou interdire qui il veut, indépendamment des dispositions des textes en vigueur.

 

- Vous avez pris part à la manifestation des Haratines, le 29 Avril. Quelle appréciation faites-vous de la revendication de cette composante nationale ?

- Nous la soutenons avec force. La persistance des pratiques esclavagistes résulte, pour l’essentiel, du manque de volonté politique du Gouvernement. Une fois éradiquées, restera alors le problème des séquelles et de la condition des Haratines, écrasante majorité des forces laborieuses des villes et des campagnes, producteurs de la richesse qui continuent, pour la plupart, à vivre sous le seuil de pauvreté et à souffrir de la marginalisation. C’est la question majeure du devenir de la société mauritanienne. C’est cette couche qui a le plus intérêt dans à la démocratie, l’unité nationale, la justice sociale et la préservation de la stabilité, donc au changement que souhaite tout le peuple.

 

Propos recueillis par Dalay Lam