En plein milieu (3) /Par Tawfiq Mansour

19 July, 2016 - 11:10

"Ces articles sont publiés dans le cadre d’un projet financé par le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture pour la promotion de la protection de l’environnement"

Dans le cadre de l’accord signé entre le Gouvernement Mauritanien  et l’Union européenne, le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture (PESCC), a attribué une subvention à notre association  Action Environnement pour réaliser le projet intitulé Projet de sensibilisation nationale au développement durable et à la protection de l’environnement

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En ce troisième article de la série commandée, au journal « Le Calame », par l’association mauritanienne « Action Environnement », intéressons-nous à une dimension essentielle à la gestion durable de l’environnement : la relation local-global.

De nos jours, survie et accession à la consommation se combinent, dans le Trois-Quart-Monde, pour accaparer la majeure partie du quotidien des gens. Il faut faire de l’argent. A moindre frais et le plus vite possible. Dans quelle mesure notre environnement immédiat peut-il en être une source ? Dans quelle autre peut-il en être une perte ? Tout dépend, a priori, de l’environnement où l’on se trouve mais, dans tous les cas, cette gestion profitable repose, optimalement, sur un carré de partenaires, différemment concernés par ces questions, notamment en leur étalement, dans l’espace et le temps : le secteur privé, la Société civile, l’Etat et les PTF.  Plus ce quatuor est actif et cohérent, plus l’action a de chances de durer. Une hypothèse assez souvent vérifiable, également, s’il manque un élément du quartette ; beaucoup plus rarement, s’il en manque deux.  Et, comme toujours, la question de l’information est centrale à l’intéressement des parties.

Un simple constat relève l’intensité du problème. C’est par centaines de milliers, voire millions, que s’accumulent les informations pertinentes, notamment cartographiques, sur l’état environnemental de notre planète. Elles se raréfient, sitôt qu’on se focalise sur un pays et d’autant plus que celui-ci est pauvre. Jusqu’à friser la nullité, lorsque qu’on resserre l’attention sur telle ou telle commune rurale du territoire mauritanien. La conséquence de telles carences, c’est l’usage immodéré des extrapolations et des estimations, parfois camouflées sous de faux airs de précision « scientifique ».  L’information ne monte pas du local et ce qui descend du global n’est que très rarement en phase avec ce que chacun ressent, au quotidien, dans son environnement immédiat.

Cette fracture, entre le global et le local, est connue et constitue un des soucis majeurs de la modernité contemporaine. Le récent Brexit témoigne de sa virulence et la montée du communautarisme identitaire s’en fait, chez nous comme ailleurs, une des plus dangereuses expressions, lorsque la fermeture à l’Autre y devient réflexe. Réduire cette fracture n’est pourtant pas hors de portée. Mais une telle stratégie repose sur la reconnaissance, chez les décideurs, des graves lacunes de leur collecte d’infos – fondement pourtant de toute décision – et des nécessités prioritaires à la réorganiser à la source, c’est-à-dire, au plus local. Ce n’est, évidemment pas, en multipliant les missions spécialisées en brousse, lourdes et très chères, qu’on parviendra à recenser efficacement les réalités environnementales du pays, dans toute leur diversité ; a posteriori, donc, fonder une politique vraiment pertinente de développement durable.

C’est avec les gens du cru qu’il faut travailler, au quotidien. A partir de leurs lieux naturels d’informations : l’école, le collège, le lycée. Si l’on pressent, ici, tout l’intérêt à réorienter l’enseignement des jeunes vers la découverte de leur propre milieu de vie, autour d’une idée simple : concevoir tous les enseignements spécifiques, pour un tiers, à partir et en direction de l’environnement immédiat des élèves ; on doit optimaliser, également, l’usage de ces établissements et de leurs équipements, en les ouvrant, hors temps scolaire, à des sessions de formation et d’informations des adultes, notamment ceux impliqués quotidiennement dans leur environnement : bergers, maraîchers, agriculteurs, etc. En soutenant leur organisation en coopératives, associations et autres groupements de la Société civile impliqués, de plus en plus finement, dans la gestion de leur terroir.

La première tâche, prioritaire, relève de l’organisation efficiente de la collecte des données locales. Connaître avant d’agir. Recenser avant de réglementer. Cela s’apprend. Et cet apprentissage peut être également discuté par les apprenants eux-mêmes. Prenons, pour illustrer le propos, les simples questions suivantes à poser aux habitants d’un lieu quelconque : quel est, exactement, l’état de notre cheptel, en nombre, espèces et besoins ? Qu’en est-il de sa relation avec notre environnement ? Abordées dans une perspective participative sans laquelle rien de durable ne saurait se développer, leurs réponses demandent, en amont, des questions préalables : quel intérêt avons-nous à mieux connaître l’état de notre cheptel et de ses relations avec notre environnement ? Comment organiser une telle collecte d’informations ? La mettre à jour ? Faut-il la faire connaître ? A qui ? Pourquoi ? Comment ? Ces dernières questions imposent une concertation soignée avec des échelons plus globaux de décision. Nous y reviendrons prochainement. (A suivre).

Tawfiq Mansour