Autour d'un thé

16 March, 2017 - 01:06

Moi, je suis complètement épuisé de raconter des histoires sur les Mauritaniens. C’est impossible de les changer. Rien à faire. Chassez le naturel, il revient au galop. Si moi, maintenant, je commence encore à vous parler de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, je vais me retrouver« tatoué », comme il se dit de quelqu’un qui raconte des choses mâchées par les veaux ou que tout le monde connaît. Les élections mauritaniennes sont les élections mauritaniennes. Que les électeurs soient des citoyens lambda ou des êtres extraordinaires, comme les honorables députés, c’est pareil. C’est toujours système télécommande et chaaaaaaaaaaaaaaap : appuie fort, pour réglage conforme aux désidératas du chef, et puis chhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhip, ok,  c’est bon, c’est parti dans la bonne direction. Toujours est-il que le résultat est le même. On en est sonné. Prochaine étape après les honorables : suicide collectif des sénateurs qui vont s’effacer d’eux-mêmes. Heureusement que « le coup de sa tête ne fait pas mal ». Heureusement. Adieu la péremption. Bonjour le recyclage. Un adage populaire de chez Nou’zautres ou de chez certains d’entre nous, pour être prudent, dit que celui qui n’a rien avalé ne craint rien et que celui qui n’a pas volé ne craint pas les pisteurs. Ah oui, maintenant, il faut savoir quoi dire. Les décomptes sont faits avec précision. Les généraux noirs à part, avec une marque déposée. Les généraux beïdanes à part, sans confusion avec les généraux harratines. Bien comptés, bien séparés et tous inégaux. Les députés des uns à part. Les députés des autres à part. Nos ânes ici, vos ânes là-bas. Nos arbres ici, les vôtres là-bas. D’ailleurs, vous, ce sont les palmiers et nous, les cocotiers. Vos chèvres là-bas et nos chèvres ici. Nos vaches, d’ailleurs, vous les connaissez bien, avec leurs longues cornes, ici et les vôtres là-bas. Notre Diembé et notre kora ici,  votre tidinit et votre ardine là-bas. Nos plats de riz au poisson, yassa, dakhine, lakh, tiéré et autre bassi et hako, ici ; vos plats de riz à la viande, tout blanc, sans sel, vos tajines, couscous et autre macaroni et méchoui, là-bas. Plus rien entre nous. Vos boutiques. Nos champs. Vos radios et vos TV. Nos diasporas et nos singularités. Vos élèves de madaris. Nos talibés. Votre Arabe. Notre Poular. Notre Soninké. Notre Wolof. Vos oulémas. Nos almamy. Vos guerriers. Nos diawandos. Vos deux lignes sur votre drapeau. Nos deux cornes sur le nôtre. Comment ça, comme disait un vieillard de chez nous, ancien caporal de l’armée française, pour exprimer son mécontentement : « Touzamerde espèce bande de cocho, imbécile wadégasse! » C’est encore une histoire de militaire. Vous savez, c’est pas facile de s’en défaire. C’est pas comme un boubou qu’on met et qu’on démet quand on le veut. Prenez un mensonge. Racontez-le à des gens. Attendez un moment. Racontez-le à d’autres. Faites en sorte de ne pas changer les versions. Finalement, vous le prendrez pour une vérité. Surtout quand les autres comme vous commencent à le raconter encore à d’autres qui le racontent à d’autres. Ce sont ceux qui sont redevables qui doivent prendre leurs responsabilités. C’est comme l’histoire de ce boucher qui achète les moutons les plus chers qu’aucun autre de ses amis n’a pu prendre le courage d’approcher. Lui vient et achète, à crédit, au double, parfois au triple du prix proposé, puisqu’il ne va jamais payer. C’est tout comme faire descendre quelqu’un au fond d’un puits, à l’aide d’une corde de mauvaise herbe. Quand ça casse, pour lui, c’est le fond du puits ; pour les autres qui le faisaient descendre, c’est le commérage et le commentaire. Assemblée nationale est l’espace le plus démocratique du pays. On rit. On pleure. On s’insulte. On applaudit. On danse. On chante. On ment. On monte. On descend. On vote. On triche. On fraude. On réprime. On gagne. On perd. On s’enrichit. On corrompt. On somnole. On dort. On vend. On achète. On se marie. On divorce. On change. On remplace. On vit et meurt, en assassinant les symboles d’une pauvre république sans volonté ni pouvoir. Salut. Hou que je suis fatigué !

Sneiba El Kory