Autour d'un thé

11 May, 2017 - 02:13

Les gens racontent que désormais –c'est-à-dire, à partir de la rentrée prochaine – les autorités vont décider de séparer, plus complètement encore, les deux écoles, publique et privée. Divorce total, sans possibilité de rétractation, désistement, ni marche arrière. A partir de là, tous les enfants nationaux vont aller vers la même direction, fréquentant les mêmes établissements. Comme ça, plus d’école pour celui-là ni d’école pour celui-ci. C’est le mélange… de genre. C’est comme ça, chez les nomades. Pas de programmation. Pas de prospective. Pas de projection : je pense faire ça, je le fais, les conséquences, on verra plus tard. Catastrophiques ou non, ce n’est pas grave, on fera autre chose. Et c’est comme ça jusqu’à pas possible. Notre culture nous rattrape à tout bout de champ. Ce n’est qu’au matin de leur déguerpissement d’une « tente » à une autre que les hommes du campement commencent à plier bagages, défaire les tentes et embarquer les bagages vers on ne sait quelle nouvelle contrée à découvrir, en marchant « à tort et à travers ». C’est comme ça que tous les Mauritaniens font. Tous. De haut en bas. De long en large. Pour l’école, c’est pareil. Voilà pourquoi ça ne marche pas. Ou, plutôt, ça ne marche plus. Un ministre vient et s’assoit, les deux jambes sur son bureau, avec ses conseillers et ses amis. Puis décide, en pleine séance de thé, de lancer une réforme de l’enseignement. En trois verres, tout est fini : on va désormais enseigner ça comme ça. On ne va plus, dorénavant, enseigner comme ça. Vous, là-bas, à partir de maintenant, vous allez faire comme ça et comme ci. Le thé finit, le ministre reste, les conseillers partent, la réforme attend. Sa pertinence. Ses contenus. Ses justifications. Les modalités de sa mise en œuvre. Ses curricula. Sa finalité. Tout ça : improvisation, quand tu nous tiens ! C’est partout que ça improvise. Même la ménagère improvise. Vers midi, elle commence à penser à quoi faire manger à sa famille. Poisson ou viande ? Riz ou couscous ? Où qu’elle va-t-elle se procurer les condiments ? Marché du charbon : c’est loin. Marché mosquée marocaine ? Les ânes. Marché du poisson ? C’est cher. Alors, c’est dans la cuisine, après avoir mis la marmite sur le feu, qu’elle décide, enfin, de faire une bouillie. C’est comme ça que ça se passe partout. Généralement. Lycée de Néma 2013 : visite du Président. Pas grand-chose, en termes d’équipements scolaires. Classe de terminale C avec juste dix élèves. Président pas content, puisque il faut changer les têtes des élèves au pied levé. Les désemplir de la littérature, pour les remplir de mathématiques, physiques et autres sciences naturelles. Mais l’improvisation sert, parfois, à quelque chose. Hôpital national sans appareils de dernière génération, études ou expression de besoins ? Non merci. Achetez tout ça et maintenant. Vous avez dit budget et prévisions ? Vous savez, les études, les prospections, les approfondissements, ça sert juste à bloquer les processus. Il faut faire, d’abord, et voir, ensuite. Ça marche ? C’est bon : on a gagné à moindre coût. Ça ne marche pas ? Ce n’est pas bon, on a perdu mais ce n’est pas grave : on prend les mêmes, on fait la même chose et l’on continue. C’est un peu comme ce qu’on est entrain de chercher, avec la probable nouvelle réforme de l’enseignement. Arabisation improvisée. Bilinguisme improvisé. Privatisation improvisée. Saccade de réformes improvisées. Ministres improvisés. Personnel improvisé. On va. On vient. On regarde à gauche. On regarde à droite. On n’a rien à faire. On improvise. Bob et les enfants ne vont pas dans les mêmes écoles. On va les faire aller, comme ça, vers les mêmes. Pourquoi ? Il faut faire, d’abord ; après, on réfléchira à pourquoi et comment. Maintenant, il faut réformer. C’est tout. Autant que possible. N’importe comment. L’essentiel est de faire boucler, pour de bon, la bouche du privé au Fondamental. Après, on verra bien. Advienne que pourra ! Vive l’improvisation ! Allons, fonçons, le mur est encore loin devant ! Quand on y sera, on virera. Improvisation. Toujours et vivement. Salut.    

Sneiba El Kory