Forte persistance des MGF en Mauritanie

21 September, 2017 - 02:03

Le taux de prévalence des Mutilations Génitales Féminines en Mauritanie (MGF) reste élevé, en dépit des efforts entrepris pour éradiquer le phénomène. Sa pratique persiste, surtout, à Kaédi, Boghé, Sélibaby et en diverses autres localités de la vallée du fleuve Sénégal. Vingt ans de lutte, menée par les acteurs de tous bords, avec des moyens conséquents, n’ont pas permis d’arrêter les MGF, tel est l’amer constat amer du rapport d’étude juridique et sociologique sur la lutte contre les MGF, dressé par l’Association Mauritanienne des Droits Humains (AMDH).
Cette étude a été présentée, vendredi dernier 15 Septembre, à Nouakchott, par le professeur Abdoulaye Sow, enseignant chercheur en sciences sociales et coordinateur du Centre interdisciplinaire sur les droits culturels, lors de l’atelier de validation dudit document. Selon le professeur Sow, parmi les principaux obstacles à l’éradication des MGF en Mauritanie, il y a l’absence de textes clairs criminalisant la pratique. « Certains », poursuivit-il, « croient qu’une jeune fille ne pourra pas se marier, si elle n’est pas excisée. D’autres disent, même, qu’elle serait inapte à préparer un repas ». Les études recommandent d’engager des actions de sensibilisation, de formation et de communication sur la contre-argumentation culturelle pour la conscientisation des différents acteurs en vue de freiner cette tendance.
L’autre difficulté, c’est « l’indifférence de certains imams, pour une question de fierté. Ils estiment être mis à l’écart, par les ONG qui n’auraient confiance qu’aux imams venus de Nouakchott ». Aussi préconise-t-on de mener une forte campagne de sensibilisation auprès des imams, notamment ceux réfractaires à l’abandon des MGF.
Néanmoins, l’AMDH se réjouit de contribuer aux efforts menés, par les différents intervenants, notamment dans « l’approche droit », estime El Hadj Amadou M’Bow. Le secrétaire général de l’AMDH reconnaît qu’en dépit des efforts entrepris par les OSC, les PTF et l’Etat, le problème persiste. « Il persiste, surtout, là où le personnel médical est majoritairement issu des populations locales. Il ne veut pas dénoncer ses proches qui pratiquent des MGF. […] Il n’y a pas, au sein des communautés de réel abandon. C’est peut-être lié à des failles législatives », avance M’Bow. C’est pour cette raison, dit-il, que l’AMDH a réalisé deux études, pour bien évaluer et comprendre les pesanteurs.
Et le secrétaire général de souligner que l’AMDH tend la main aux juristes et à toutes les organisations qui militent pour l’abandon définitif des MGF. Il estime que l’Etat a un rôle de tout premier plan à jouer, à travers le ministère des Affaires sociales, de l‘enfance et de la famille. Les études de l’AMDH proposent d’œuvrer pour l’instruction d’un centre d’écoute, libérateur de la parole, face aux cas dramatiques nés de la pratique des MGF.
Il est demandé d’engager des poursuites judiciaires, contre les agents du personnel médical qui gardent le silence à ce sujet. D’autres recommandations visent à déconstruire « les arguments culturels qui justifient et légitiment la pratique des MGF, dans l’imaginaire des populations et des lycéennes, afin de casser la transmission de cette pratique attentatoire à la dignité de la femme ». Il faut élaborer des guides de bonnes pratiques, comportant les éléments de sensibilisation sur l’incrimination de la pratique et les points essentiels permettant de déconstruire les normes socioculturelles et les croyances religieuses sur les MGF. Il est tout aussi nécessaire de « plaider pour le renforcement des stratégies multisectorielles impliquant tous les acteurs gouvernementaux et le grand public, les media, la Société civile, les leaders communautaires et religieux, les médecins et les enseignants.

« Déconstruire les arguments culturels »
Les études insistent encore sur la nécessité d’impliquer les journalistes, dans la promotion de l’abandon, et de les former, en vue d’en faire de véritables agents de changement auprès des populations. Il est préconisé d’intensifier « le plaidoyer auprès des décideurs administratifs et politiques et des partenaires techniques et financiers, pour plus d’engagements en faveur de l’abandon de la pratique » et d’« amener les media à soutenir toutes les actions en faveur de cet abandon».
Sur l’amélioration de la législation et de la réglementation des MGF en Mauritanie, il a été demandé, à l’AMDH, de « mettre en place, au niveau national, un groupe de réflexion constitué d’autres ONG travaillant sur les MGF, avec mission de développer des propositions, pour l’élaboration d’une nouvelle loi. La réflexion doit intégrer plusieurs points, comme la promulgation de « mécanismes permettant d’assurer la protection des plaignants et des témoins et l’assistance aux victimes. Il n’existe toujours pas, dans le Droit mauritanien, de dispositions juridiques spécifiques sur la protection des plaignants, des témoins, des enquêteurs, ainsi que de leurs familles, contre tout acte d’intimidation ou de représailles, en raison des plaintes pour tortures ou mauvais traitements ». Il est également préconisé d’instituer une obligation de suivi médical, psychologique et sexuel des personnes victimes de MGF ; et prônée « l’interdiction de la médiation, dans tous les cas de MGF avant et pendant la procédure ; la garantie de l’imprescriptibilité des crimes des MGF, permettant, aux victimes, de porter plainte à leur majorité, si elles en ont été victimes dans leur enfance ».
Enfin, les participants ont exhorté les chefs traditionnels, les intellectuels et les cadres issus des différentes communautés à déclarer, publiquement, leur renoncement aux MGF » ; les victimes de telles violences, « à les porter auprès des autorités, en s’appropriant les déclarations et les conventions internationales de protection des droits de la femme ».
Synthèse Thiam