A propos de notre classement sur Doing Business

16 November, 2017 - 08:59

Le rapport sur le climat des affaires dans le monde, et le classement ‘Doing Business’ qui en est tiré, publié annuellement par la Banque mondiale est un document de référence que l’homme d’affaires consulte avant d’investir dans un pays donné.

Ce rapport est une sorte de compilation des mesures prises par les gouvernements en matière d’amélioration du climat des affaires. Et même si les hommes d’affaires nationaux sont, en principe, les premiers bénéficiaires de ces améliorations, l’attraction de l’investissement direct étranger en est le principal objectif.

Selon le rapport publié cette année, notre pays a gagné 10 points par rapport à son rang de l’année dernière. Ce progrès a été présenté par le Gouvernement comme un succès éclatant dans une conférence de presse organisé pour célébrer l’événement. Mais l’on ne peut que s’étonner de ce triomphalisme, alors que la Mauritanie reste classée au 150ème rang sur 190, parmi une catégorie de pays minés par les guerres comprenant, entre autres, la Somalie, le Yémen, la Lybie, la Syrie, la République Centrafricaine, le Sud Soudan, l’Afghanistan, la République Démocratique du Congo... Le Gouvernement aurait dû pourtant faire montre de plus de modestie : ‘les pays de voisins’, avec lesquels le Gouvernement nous compare souvent, ont tous, y compris la Gambie, été classés à des rangs supérieurs au nôtre.

Lors de la conférence en question, le ministre de l’Economie a expliqué le ‘bond’ réalisé par notre pays par les réformes mises en œuvre pour l’amélioration du climat des affaires. Effectivement, le Gouvernement a promulgué des textes et pris des mesures pour remédier aux nombreux défauts identifiés dans les exercices précédents. Mais les ‘papiers’ et les mesures superficielles ne sont pas suffisants pour améliorer le climat des affaires. L’amélioration réelle du climat des affaires passe par l’instauration d’un esprit et de comportements idoines et nécessite la mobilisation de tous les services publics à cet effet : nos ambassades doivent être en mesure de fournir aux investisseurs potentiels les informations concernant les potentialités de notre pays et les informations économiques et juridiques relatives à l’investissement, faciliter la délivrance des visas et les formalités d’entrée aux hommes d’affaires ; la Police des frontières et la Douane doivent aussi traiter les étrangers, en général, et les hommes d’affaires, en particulier, avec tact et respect ; last but not least, les magistrats doivent trancher les litiges et contentieux économiques et financiers avec diligence, probité et équité, loin des considérations politiques et des desiderata du pouvoir exécutif, et des soucis de carrière (promotion, affectation…), et à l’abri de toute corruption.

 

 

Plus fondamentalement, nous devons tous, citoyens, administration, magistrats, cesser de considérer l’étranger comme une proie facile, sur laquelle nous nous jetons avec voracité pour la dépouiller de tout ce qu’elle possède, et il ne s’agit pas ici du simple émigré subsaharien, venu dans notre pays pour chercher du travail, qui sera quand même dépouillé malgré le peu qu’il possède, mais de l’investisseur étranger qui est venu avec capitaux et équipements pour réaliser des bénéfices – certes -, mais qui contribue à l’accroissement de la richesse nationale et à la création d’emplois, et qui est contraint à fuir après une courte période avec ce qu’il aura pu sauver. Et les victimes de cette honteuse mentalité sont malheureusement trop nombreuses pour être citées.

Ces victimes vont par la suite, par le truchement du bouche-à-oreille et lors de rencontres et de conférences, dégrader davantage l’image que les investisseurs ont du pays.

Notre Gouvernement se doit par ailleurs d’être conscient que nous sommes en concurrence pour l’attraction des investisseurs avec les pays voisins, le Maroc et le Sénégal, deux pays touristiques qui reçoivent des centaines de milliers, voire des millions, de visiteurs par an, et qui ont une longue expérience en matière d’accueil des étrangers. Et ce n’est pas par hasard si les investisseurs les préfèrent à notre pays, en raison précisément de cette expérience, en plus de leurs autres atouts : qualité des infrastructures, compétence de l’administration, indépendance de la justice, tout au moins si on les compare à la Mauritanie.

Mais au-delà du classement dans Doing Business, le meilleur des indicateurs en matière de qualité du climat des affaires reste l’installation continue de nouveaux investisseurs. Le Gouvernement devrait à cet égard présenter annuellement une liste nominative des nouveaux investisseurs, avec les montants des investissements et les secteurs concernés, à l’appui de ce qu’il peut prétendre comme amélioration. Et on pourrait même accepter que le Gouvernement inclut  dans sa liste les sociétés de farines de poisson polluantes qui se sont multipliées ces dernières années à Nouadhibou, célèbres pour leurs mauvaises odeurs, même si le ‘mérite’ pour ces investissements revient exclusivement aux influents intermédiaires qui leur ont ouvert les portes et qui en sont les principaux bénéficiaires.

L’on devrait par ailleurs conseiller au Gouvernement de s’atteler à retenir les hommes d’affaires nationaux avant de se préoccuper de l’attraction des investisseurs étrangers. L’on a en effet constaté ces dernières années  le phénomène de migration de plus en plus fréquente des hommes d’affaires mauritaniens vers des climats (des affaires) plus cléments, sous la pression insupportable des impôts, la cherté des coûts de l’énergie, le racket de l’administration (douane, police, impôts…), l’incurie de la justice et, surtout, la limitation des opportunités (permis, licences, marchés…) à un cercle étroit de privilégiés.

Si le climat des affaires n’est pas propice pour les nationaux, comment pourrait-il l’être pour les étrangers ?

 

                                                                                  Nouakchott, le 13 novembre 2017

                                                                       Mohamed Lemine OULD DEIDAH