Autour d’un thé : Faussaires

19 January, 2018 - 00:27

Nul ne meurt, dit-on, sans avoir eu son jour. De gloire s’entend. Et le doigt, aussi, ne fait pas comme ça, mais comme ci. Je commence à commencer à aimer les députés ou, du moins, certains d’entre eux, puisque « d’autres certains » ne traient pas le lait « sur leur tête » et se retrouvent, alors, difficilement « aimables ». Qui veut le respect, ne dit-on pas encore, n’a qu’à monter avec, sur la « tête » d’un arbre… Pour une fois qui n’est pas coutume, les honorables ont discuté d’une bonne affaire. Ah ça, oui, Une vraie de vraie affaire, les faux diplômes ! Et toute la fausseté qui va avec. Faux et usage de faux diplômes, « c’est un secret de Polichinelle », s’est écrié l’un de ces messieurs. Moi, je le savais depuis longtemps : pour rédiger une lettre de motivation en vue d’un poste de directeur central d’un ministère de souveraineté, tel postulant, docteur ès-Lettres, titulaire d’une agrégation en linguistique, agrémentée d’une licence en chimie et d’un master en langues étrangères, recourt aux services d’un nègre. Or c’est bien connu : tout ce qui est fondé sur du faux est faux. Chamboulement total, véritable remise en cause de tout le processus : de 1978 à nos jours, tout l’édifice s’écroule. Car, en toute logique, faux diplôme signifie faux diplômé et faux diplômé, faux fonctionnaire. C’est comme les faux billets de banque. Qui, non seulement, ne servent à rien mais peuvent, aussi, directement conduire en prison. Les faussaires de diplôme et leurs complices sont, à ce titre, plus dangereux que les faussaires d’argent. Ceux-ci n’en usent que pour se payer des voyages, aller danser au Teroubi ou au Café de Rome, changer de mehlefa, séroual ou boubou, au féminin comme au masculin, et flamber au Casino, quelque part à Dakar, Abu Dhabi ou aux confins du Tiris Zemour, histoire de faire diversion et tenter d’effacer leurs traces. Ce qu’on appelle « tirer les branches ». Mais ceux-là falsifient, eux, les diplômes, falsifient les fonctions, falsifient les nominations, falsifient l’administration, falsifient la démocratie, falsifient l’armée, falsifient la justice, falsifient le pays. Mon ami, consultant international en « affaires et climatologie, changements de la stratosphère et marche sur la lune, vision approchée du soleil levant et études sécuritaires », polyglotte fort de huit langues (hassanya ancien et moderne, tamachek, bambara, wolof, pulaar, soninké, haoussa, amazigh). Français, un pé ; arabe, choueiy choueiya ; anglais, small small ; gros mais vrai diplôme, donc ; me dit souvent : « C’est moi qui ‘’a’’ fait ça. C’est moi qui ‘’est’’ parti sur la lune avec Gagarine ». Mais, comme, chez nous, on ne va pas aller de sitôt sur la lune, comme les changements climatiques ne concernent que les autres et qu’il doit, lui, travailler, il a accepté la direction des mahadras, au ministère des Affaires islamiques et de l’enseignement originel. C’est, effectivement, assez original. Pour autant, les députés doivent pousser beaucoup plus loin leur courage car il n’y a pas que les faux diplômes. Il y a, aussi, les faux hommes. Les fausses femmes. Les fausses fortunes. Les fausses annonces. Les faux démocrates. Les faux opposants. Les fausses intentions. Les fausses professions de foi. Le faux est presque partout. Envahissant. Etranglant. Réduisant. Jusqu’à, même, de faux présidents. De ceux qui trompent leur peuple. Volent leur peuple. Méprisent leur peuple. Anecdote. Il y a fort longtemps, je dirai même jadis, au temps où les animaux parlaient encore, bref, il y a au moins quinze ans, avant, donc, l’avènement de la Mauritanie nouvelle ; en réalité, bien avant ; un wali – je dis bien, un wali – reçoit son relevé de compte bancaire, libellé en français. Un vrai casse-tête, du véritable chinois. Après avoir beaucoup réfléchi, il se résout à appeler un de ses subordonnés : « Ya khouye [mon frère], j’ai oublié mes lunettes à la maison », lui dit-il, « ces gens de banque, leur français est mélangé et d’ailleurs, moi, je suis arabisant : regarde-moi combien j’ai sur mon compte ». Un wali bilingue, c'est-à-dire qui ne connaît ni le français ni l’arabe. Assurément, les faux diplômes ne sont pas un faux problème ! Salut.

Sneiba El Kory