Calam(ités)

24 January, 2018 - 00:17

La Mauritanie traverse  une période particulièrement difficile de son histoire. Mon propos ici n’est pas de parler ni de politique ni d’économie. Non pas que ces questions ne soient pas d’une très grande importance mais c’est qu’il y a plus urgent : les fondements essentiels de l’Etat sont entrain de s’effondrer, à cause des exacerbations sociales qui se manifestent de plus en plus dangereusement. L’heure est suffisamment grave pour oser dire la vérité, sans détours ni ambages. Les démons qui ont supervisé toutes les manœuvres sataniques, sur fond d’idéologies racistes et chauvinistes, se sont confortablement infiltrés à tous les niveaux de l’administration. Les satans de la discorde et de la malveillance de tous bords affûtent leurs armes, pour une réédition de leurs ignobles desseins.  L’exemple de la dernière vidéo, largement partagée par les réseaux sociaux, où l’on voit un groupe de jeunes maures maltraiter, sans aucune humanité, un harratine accusé de vol, prouve cette déliquescence sociale. En une telle cette affaire, l’Etat n’a qu’une alternative : faiblesse ou complicité. Seule une des deux hypothèses peut justifier que des jeunes aient pu traverser toute la ville, en voiture, pour perpétrer de telles sauvageries sans être repérés par la moindre patrouille d’un quelconque corps constitué de la pompeuse Direction générale de la Sûreté nationale. Pire : dix jours après les faits, aucune réaction officielle ne s’est fait entendre. L’arrestation des auteurs de ce crime et leur déferrement sont restées des rumeurs qu’aucune autorité autorisée n’a ni confirmée ni infirmée. Pire encore : les réactions, par communauté interposée, à cet acte barbare, ne semblent émouvoir ni gouvernement ni services de sécurité. Or, normalement dans un pays où cohabitent plusieurs communautés, les autorités doivent rester extrêmement vigilantes sur tout ce qui peut, de loin ou de près, porter préjudice à la cohésion et à la concorde intercommunautaire. Cela va de l’intérêt de tout le monde : si guerre civile, dont tous les ingrédients sont nettement visibles, s’installe – qu’à Allah ne plaise ! – les services de renseignements et les forces du mal ne maîtriseront ni les conséquences ni les aboutissements du drame. Il ya quelques jours, les députés ont adopté une loi contre le racisme. En réaction, un soi-disant président de parti qui se présente comme le « défenseur de la culture beïdane » a déclaré, au vu et au su de tous, que « les Maures  ne se laisseront pas intimider par ce texte ». Si cela n’est pas du racisme, ça y ressemble bigrement ! Pourquoi alors les autorités, qui viennent de faire passer cette loi, n’ont même pas trouvé le courage de demander, au moins, à cet énergumène, de s’expliquer. Peut-être, comme le prédisent déjà certains, que cette nouvelle loi servira juste d’épée de Damoclès, suspendue au-dessus de la tête de certaines personnes de certaines communautés, afin de les persuader de taire des revendications sociales de plus en plus assourdissantes. La lutte contre le racisme et la prévention des  tensions intercommunautaires passe par la promotion d’une meilleure justice sociale, en concevant et mettant en œuvre de nouvelles politiques de redistribution des richesses nationales, tout en rééquilibrant la représentation des communautés dans les administrations civile et militaire. Il ne s’agit pas, comme ont tendance à le réclamer certains, de distribuer proportionnellement ou même équitablement les fonctions étatiques entre les communautés nationales. Mais il ne s’agit pas, non plus, qu’une seule d’entre elles s’accapare, à elle seule, la quasi-totalité des faveurs de tous ordres,  au détriment des autres. Les exemples de ces dysfonctionnements ne manquent en aucun domaine. Dans le monde des affaires, toutes les fédérations sont présidées par des personnes issues d’une même communauté à laquelle appartiennent toutes les banques primaires nationales et auxquelles reviennent les adjudications de toutes les radios et télévisions privées. « Heureuse » coïncidence ou dangereuse manipulation ? J’entends déjà les clameurs malveillantes : «  ça, ça ne se dit pas ». Moi, j’ai envie de leur répondre : « ça, ça ne se fait pas ». Or, il est connu que l’action est plus éloquente que le verbe. Les temps actuels nous imposent de faire et de dire, en sachant raison garder et en ayant le courage de faire la part des choses. Sans communautarisme. Sans extrémisme. Sans racisme. L’avenir du pays en dépend.

El Kory Sneiba