Silent Work: Redonner sourire et espoir aux enfants

24 September, 2014 - 02:38

Sortir de l’isolement, de la dépendance et assurer son autonomie, tel est le credo  que se fixent les enfants sourds de Mauritanie. Grâce à l’appui financier et technique de l’ONG néerlandaise « Silent Work » (travail silencieux), la Maison des Sourds a redonné du sourire à des milliers d’enfants et à leurs parents, grâce à l’apprentissage d’un métier qui leur a permis de décrocher un travail qualifié.

En dépit des bons résultats obtenus sur le terrain, un certain nombre de problème se posent avec acuité. Le déficit de formateurs demeure criant en Mauritanie. Deux enseignants sur toute l’étendue du territoire mauritanien, pour un effectif, sous-estimé, de trois cents enfants pensionnaires (uniquement à Nouakchott). Dans ce domaine comme en bien d’autres, les statistiques font défaut. Mais les personnes sourdes arrivent en deuxième position, après les personnes handicapées motrices, dans le décompte des personnes en situation de handicap en Mauritanie. « C’est un réel problème de santé publique », note N’Gam Hamidou.

Pour pallier à ces insuffisances, la Maison des sourds de Nouakchott (sise à Sebkha) initie, depuis le 13 juillet et jusqu’au 31 Octobre prochain, une session de formation de formateurs, destinée aux enseignants des écoles et centres de formation professionnelle pour personnes sourdes. Cette session, première du genre en Mauritanie et dans la sous-région, vise à former en langues des signes, communication, pédagogie, « langue colorée » et visualisation appliquée à l’enseignement et à la formation professionnelle des personnes sourdes.

Une formation intensive de quatre mois, destinée à 29 enseignants de Mauritanie (Kaédi, Agoïnit, Nouadhibou et Nouakchott), du Mali et du Sénégal, de divers établissements pour enfants sourds et centres de formation professionnelle pour personnes sourdes, ainsi qu’à des encadreurs œuvrant dans des institutions ou associations de personnes sourdes. « Le besoin se faisait sentir en la matière », fait savoir N’Gam. « D’autant plus qu’avec le déficit en personnel qualifié en langue de signes et en pédagogie spécialisée, il fallait parer au plus pressé. C’est dans cette optique qu’avec notre partenaire, nous avons décidé d’initier ce cycle de formation, en dressant le profil des candidats ; des diplômés-chômeurs (licencié ou titulaires de maîtrise), pour la plupart. »

Sanghott, directeur de la Maison des Sourds de Nouakchott, salue les perspectives d’avenir offertes à ces enfants qui évoluaient, il y a quelques années encore, en marge de la société. Grâce à l’enseignement reçu, huit enfants ont pu surmonter leur handicap, en décrochant des qualifications professionnelles, et mettre sur pied leur propre atelier, avec l’aide de Silent Work.

« Le sourd sait tout faire, sauf entendre », rappelle simplement madame Wood Oosterom Bah, présidente de Silent Work. Selon elle, l’amélioration des méthodes en langue des signes et langue colorée aura permis, aux personnes sourdes, de dépasser les problèmes de communication. « En quelques semaines, ces personnes arrivent à s’épanouir et à sortir de leur isolement. Ce sont de bons signes. Il est primordial », avance madame Bah, « que les parents sachent que les enfants sourds peuvent aller à l’école et s’en sortir dignement ». Pourtant, ce n’est qu’en 1985 qu’a démarré, en Mauritanie, l’éducation des enfants sourds, avec la mise sur pied de classes expérimentales. Mais les pensionnaires de l’école des sourds n’ont jamais pu dépasser le cycle primaire, faite d’outils adaptés de communication.

A la fin de la formation, les apprenants doivent être capables de maitriser la langue des signes ASL, pour assurer un enseignement approprié aux enfants et jeunes sourds au niveau des écoles et centres de formation professionnelle. Plusieurs experts animent la session. Le togolais Khalifa Mondy (langue des signes méthodes ASL), N’Gam Hamidou (méthodes et techniques pédagogiques appliquées à l’enseignement des sourds) ; Woodi (communication et langue colorée ; Amadou Guisset et Codou Diop (informatique) ; tandis que les techniques de visualisation sont assurées par le trio Woodi, Codou Diop et Abou Demba.

A l’issue de leur formation, les stagiaires pourront appliquer des approches et techniques pédagogiques appropriées à l’enseignement des enfants sourds et à la formation professionnelle des jeunes sourds ; utiliser des techniques adaptées de communication, pour faciliter les échanges, les interactions entre les personnes sourdes et les autres membres de la société. Ils seront, enfin, à même de concevoir des supports didactiques nécessaires à l’enseignement et à la formation professionnelle des personnes sourdes.

 

Grâce aux résultats probants obtenus par la Maison des Sourds, les demandes de parents affluent. Il devient urgent que le gouvernement mauritanien prenne en charge les salaires de tels enseignants spécialisés. N’Gam et Sanghott sollicitent l’accompagnement des autorités, afin de donner un souffle nouveau  à l’éducation des enfants Sourds.

 

THIAM Mamadou

 

Encadré 1 la Maison des Sourds

La Maison des Sourds est une institution fondée par l’ONG hollandaise « Silent Word » (travail silencieux), opérant dans trente pays, pour la formation des personnes sourdes. Elle compte, en son sein, un centre de formation professionnelle et d’insertion des sourds (CFPIS). Celui-ci a pour objectif d’assurer la formation professionnelle et l’insertion des personnes sourdes par le travail. La Maison des Sourds mettra notamment en œuvre deux stratégies d’insertion socioprofessionnelle des personnes sourdes, avec, d’une part, un fonds d’insertion pour les diplômés de son centre de formation, sous forme de microcrédits remboursables, destinés au financement d’ateliers individuels ou collectifs de couture/broderie, menuiserie et boulangerie ; et, d’autre part, le placement des diplômés dans les ateliers privés de couture, menuiserie, arts plastiques ou boulangerie.

Opérant en Mauritanie depuis 1994, sous une autre dénomination, « Silent Word » a procédé, à partir de 1999, grâce à divers apports financiers et techniques, à la construction ou à la réhabilitation d’écoles, à Nouadhibou, Kaédi, Agoïnit et Nouakchott, assurant leurs équipements pour permettre aux enfants sourds de bénéficier d’une éducation appropriée.

 

Encadré 2 : Nouakchott – Première formation spécialisée pour enseigner les enfants sourds

Silent Work organise, à Nouakchott, une formation visant à renforcer les enseignements aux enfants sourds. Des enseignants et des diplômés universitaires du Mali, du Sénégal et de toutes les régions de Mauritanie se sont rendus à la Maison des Sourds pour participer à cette formation spécialisée. Mondi Yobi Khalifa, célèbre professeur togolais en langue des signes, leur aura dispensé, pendant deux mois, un entrainement intensif en langue des signes (American Sign Language, ASL).

Puis Woodi Oosterom-Bah, a prolongé la formation, avec l'assistance d'Arlette, interprète néerlandais-français, avec des cours selon la méthode de « Langue colorée » qui comporte les matières suivantes : langue des signes, communication, lire et écrire selon une méthode visuelle spéciale et pédagogie appliquée.

 

« Enfin! Après 29 ans de tâtonnement.... »

Ainsi s’exclame monsieur Moctar Baidy Sy, exprimant la pensée de beaucoup de participants. Grâce à la langue des signes, la visualisation et le langage corporel, les enseignants sont enfin en mesure de communiquer convenablement avec leurs élèves sourds. La présence d'une classe expérimentale de huit enfants rend possible l’application directe des connaissances acquises et de les tester. Woodi conseille et corrige, pendant ces cours expérimentaux. Un enseignement très efficace qui voit se décupler l’enthousiasme des enseignants de jour en jour, tandis que les enfants s'épanouissent, parce que leurs préoccupations sont, enfin, entendues.

 

Objectif du Millenium : tous les enfants à l'école en 2015

Les enfants sourds également ? Une partie des enseignants formés va travailler dans une école de sourds. Il reste, cependant, encore beaucoup d'enfants sourds, à travers la Mauritanie, qui ne pourront pas en fréquenter une. « Nous espérons que le gouvernement et les ONG pourront travailler en synergie, afin que ces enfants aient la possibilité de suivre une bonne éducation. En tout cas », lance le représentant de Silent Work, « les enseignants sont disponibles, sitôt leur formation terminée ! »

Rappelons que Silent Work (Travail en Silence) défend les intérêts des enfants sourds, oubliés en Afrique. Les priorités sont l’eau potable, la nourriture saine (agriculture), l’éducation, l’emploi et les soins. C’est cette organisation qui a fondé la Maison des sourds de Nouakchott. Elle offre la possibilité aux jeunes sans qualification d'apprendre un métier. Les groupes sont petits et les élèves peuvent recevoir une formation en menuiserie, arts plastiques, couture, broderie, batik, peinture, boulangerie et pâtisserie. Ils y apprennent, en parallèle, la langue des signes. En coopération avec la Maison des sourds, Silent Work a fondé plusieurs écoles pour les sourds en Mauritanie. La direction de l’Ecole des sourds, accompagnée de quelques adultes sourds, visite des régions lointaines pour sensibiliser les communautés à envoyer leurs enfants sourds à l'école.