Autour d’un thé: Origines

7 November, 2018 - 21:13

Mais comment sont-ils, ces Mauritaniens ? Personne ne sait d’où l’on doit les tenir. De l’Est, de l’Ouest, du Nord ou du Sud. Car il faut bien qu’ils soient, le Premier ministre et les membres de son gouvernement, de l’un des quatre points cardinaux du pays. Le Premier ministre et ses collaborateurs. J’ai envie de dire collabos, mais ça rappelle trop Vichy et la compromission. C’est même péjoratif, comme harnos, chreigman ou autres petites impétuosités langagières, toutes inédites mais toujours loin d’être innocentes, de quelques nageurs en eaux troubles, ennemis jurés de l’unité nationale. Le PM est ceci. Il est cela. Tel ministre est court. L’autre long. Un troisième originellement Bambara, une ethnie inconstitutionnelle. Mais, Bon, c’est quand même tous des femmes et des hommes du pays des hommes bleus. Et puis, « qui cherche un ami sans défaut restera sans ami ». J’aime les propos du nouveau/ancien porte-parole du gouvernement qui tient, à peine arrivé, à rappeler, aux fauteurs de troubles, criminels transfrontaliers et autres ennemis de la Nation, que « nous sommes un Etat démocratique et non un Etat de quotas ». Alors, que ceux qui comptent les Beïdanes à part, les Harratines à part, les Kwars (Wolof, Halpulaar et Soninké) à part, se cognent la tête sur le mur. Surtout que c’est véritablement laborieux d’ainsi procéder. La Mauritanie est tellement mélangée que les intersections sociales sont difficilement dissociables. Par exemple, un Premier ministre dont le père est harratine, la mère vraie beïdane bien née, l’épouse peule bon teint, Il est quoi, celui-là ? Hartano-beidano-peul ? Alors, autant dire qu’il est mauritanien, tout simplement. Pour la ministre des Sports, justement, c’est une bonne sélection – on en a grand besoin : le match qualificatif pour la CAN 2019, contre le Botswana, n’est plus qu’à quelques jours – entre Beïdane et Halpulaar. Et c’est généralement comme ça pour tout le monde : une tante wolof par-ci, une grand-mère esclave par-là, un cousin paternel forgeron plus loin, un neveu griot de l’autre côté, un ancêtre gaulois, il ya juste deux à trois décennies. Parfois, même, il n’y a rien à l’origine. Alors laissons les choses comme elles sont. C’est tellement « diakhassé » – littéralement : « mélangé », en wolof – que c’en devient plus que compliqué. C’est comme du côté des députés : il y en a pour tous les goûts. Ceux de la nouvelle législature viennent de partout. Des arabisants purs et durs, des francisants, des bilingues – Au sens mauritanien du terme : c'est-à-dire des gens qui connaissent un peu d’arabe hassanisé, quelques mots de français usuel, comme ça va, où les salaires sont rentrés, le numéro de mon compte c’est…wakhyert, monsieur le ministre, merci, Président ou vignette, carte grise, poulpe ou commissions parlementaires… Certaines personnes dont « les affaires sont nombreuses » racontent qu’au cours du vote pour l’élection du président de l’Assemblée nationale, sept à huit députés ont « gâté » leur voix. Ce qui ne veut absolument rien dire, puisque, lors de la présidentielle de 2014, le vote de Mohamed Ould Abdel Aziz fut lui-même « gâté ». Or, c’est juste d’écrire un « ba », en arabe, devant le nom du candidat pour lequel vous votez. Traditionnellement les Mauritaniens disaient, de l’ignare, qu’il ne savait même pas écrire un « ba », sur la tablette. Mais ça, c’était il y a longtemps. Les choses ont beaucoup changé. Il ya eu le copié/collé, Whatsapp, Messenger, la carte bleue. Monsieur le député, c’est quelque chose. C’est plus un style, une manière de marcher, parler, snober, frimer, feinter, dribbler. Au point qu’on s’est entendu dire « débuttat Mouritan ». Un concept négativement chargé qui renvoie au mensonge, à l’hypocrisie et au culte de la personnalité. Alors que la mission du Parlement, c’est produire les lois et contrôler l’action du gouvernement. Allah « Yeltev bdibbittat Mouritan ». Amine. Ils en ont grand besoin, pour ce mandat qui débute dans un contexte politique si spécial. Salut.  

Sneiba El Kory