Vente de la mine de F’Derick : Bradage à tout va

30 May, 2019 - 04:34

Le régime du président Mohamed ould Abdel Aziz passe ses ultimes semaines aux commandes de la Mauritanie. Faute à la limitation constitutionnelle des mandats qui invalide la candidature du général à la retraite à l’élection présidentielle du 22 Juin 2019.C’est dans cette ambiance de fin de règne qu’intervient la troublante nouvelle de l’acquisition de la mine de F’Derick, par la société australienne BCM International Group, à hauteur de 80%, la Société Nationale Industrielle (SNIM) ne conservant donc que 20% de la propriété du site.

Une opération que l’entreprise mauritanienne explique par l’arrêt de la mine depuis 1983, faute de moyens permettant d’assurer une production régulière, rentable au plan économique et commerciale. Parmi les avantages de la cession, la direction de la SNIM liste « la possibilité de louer les installations ferroviaires et portuaires au nouveau venu, pour ses opérations d’exportation du minerai produit, la création de sept cents nouveaux  emplois, une ristourne de 7 dollars par tonne, au cas où les cours mondiaux monteraient au-dessus de la barre des 70 dollars… »

La teneur en fer de la mine cédée s’élève à plus de 60% et constitue l’un des sites-phares de l’entreprise, bientôt confrontée à l’épuisement de M’haoudhat et TO 14  à l’horizon des  dix prochaines années. Dans ce contexte, les avantages présentés dans  l’argumentaire de la direction de  la SNIM paraissent  bien maigres, s’agissant de céder un site aussi important et même stratégique pour le joyau de notre République.

 

Avec cette affaire, la SNIM rompt ainsi avec sa stratégie  habituelle  dans le domaine du partenariat pour l’exploitation minière  qui a toujours  privilégié le développement des sites à faible teneur de minerai de fer  qui nécessitent des investissements lourds pour leur enrichissement  et permettent un transfert de technologies.

Suivant une étude évoquée sous le boubou, le gisement de F’Derick recèle 30 millions de tonnes de minerai fer de bonne qualité et le coût de l’investissement ne devrait pas passer les 100 millions de dollars. Du pain béni en quelque sorte pour des australiens chanceux. Mais pas qu’eux. Leurs partenaires mauritaniens aussi apparemment.

 

Mauvaise politique d’investissement

Au cours des dernières années, l’entreprise minière nationale a réalisé un investissement colossal d’un milliard  de dollars, pour la matérialisation du projet « GUELB II », avec l’objectif de produire quatre millions de tonnes de  minerai de fer supplémentaires. Mais le gain est resté désespérément   scotché à un million de tonnes. A ce jour, le bilan total  record en ce domaine s’est arrêté à treize millions de tonnes. Comparé à l’étape, annoncée comme intermédiaire, de 25 millions de tonnes  et à l’objectif final de 40 millions, à l’horizon 2025, on est bien loin du compte et des ambitions déclinées par le plan stratégique de développement de l’entreprise.

Dans le même temps, les infrastructures, c'est-à-dire la  voie ferrée et le port minéralier de Nouadhibou, ont été  recalibrées à l’aune de ladite hausse de production encore virtuelle. Le constat d’échec renvoie à  des investissements sans études sérieuses,  dont la pertinence est largement discutable. Et discutée : pour une bonne partie de l’opinion, le deal avec les Australiens apparaît bel et bien comme un bradage à tour de bras. Histoire de camoufler d’encore plus douteuses pratiques ?

 

Hacena, le soldat des missions difficiles

La postérité retiendra que c’est sous l’égide de Hacena ould Ely, actuel Administrateur Directeur Général (ADG) de la SNIM, que la mine de F’Derick aura été cédée, par contrat aux « clauses mal définies et, même, léonines », selon des sources syndicales. Ce  cadre des missions difficiles, avait également conduit l’opération d’achat des avions de la compagnie aérienne nationale Mauritania Airlines International (MAI).C’est encore lui qui mena l’opération kamikaze de cession du terminal à conteneurs du Port de Nouakchott à l’entreprise OLAM, alors inconnue au bataillon des concessionnaires en ce domaine pourtant très sensible, nécessitant une expertise pointue.

 

Maouloud appelle à la mobilisation

Illustration du mécontentement national, avec la réaction de Mohamed ould Maoudoud, leader de l’Union des Forces de Progrès (UFP) et candidat de la Coalition des Forces du Changement Démocratique (CFCD) « Changeons  d’Ere) au scrutin du 22 prochain.

Il appelle à la mobilisation de toutes les forces de Mauritanie pour anéantir un contrat aux clauses léonines. Suite à cette cession, « la SNIM ne détiendrait plus que 20% de son minerai le plus riche, avec une teneur de 64% en fer », alarme-t-il. « Une opération réalisée dans une opacité totale, à l’insu des cadres de la SNIM, avec une marginalisation des directions techniques. Une démarche  inopportune, au moment où les cours mondiaux de la tonne du minerai remontent autour de  cent dollars, alors que la SNIM dispose de toutes les ressources humaines  et les capacités financières pour l’exploitation de cette mine. Un choix stratégiquement suicidaire, économiquement contreproductif.

Je lance donc un appel à la mobilisation de tous les Mauritaniens, tous les patriotes, à la société et à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle, pour exiger l’annulation de ce contrat de cession : la faillite de la SNIM est plus que la fin d’une entreprise, c’est la mise à mort, au plan économique, d’une ville comme Nouadhibou et d’une cité telle que Zouérate ».

La SNIM emploie environ cinq mille personnes. Chaque année, elle  contribuait pour un tiers aux recettes budgétaires du pays. Une contribution cependant quasi nulle, depuis deux ans.

Seck Amadou