Jean-François Orru, Directeur régional des relations extérieures de Kinross pour l’Afrique, dans une interview exclusive :

30 October, 2014 - 01:53

‘’Kinross a présenté, lors des Mauritanides, un ambitieux programme d’investissements, de plus de 460 milliards d’ouguiyas, visant à développer la mine de Tasiast’’

Le Calame : Kinross Tasiast vient de prendre part à la 3e édition des Mauritanides. Quels enseignements en avez-vous tirés ?

- Jean-François Orru : Avec le poids grandissant de l’industrie extractive dans l’économie mauritanienne, cette conférence biennale est un événement nécessaire et utile pour les différents acteurs de cette branche : les compagnies minières et pétrolières opérant en Mauritanie, leurs sous-traitants, les autorités administratives, les membres de la société civile, ainsi que pour tout investisseur étranger intéressé par les opportunités offertes par le pays. Il faut donc féliciter le Ministère du Pétrole, de l’Energie et des Mines, pour l’organisation de cet événement.

A un moment où, sous l’impulsion du Président Mohamed Ould Abdel Aziz, la Mauritanie souhaite développer davantage l’exploitation de ses ressources naturelles et en faire un des leviers de son développement socio-économique, les Mauritanides constituent un lieu de rencontres, d’échanges et d’information important, comme le prouve la diversité des thèmes abordés. Cette conférence est une plateforme qui présente un panorama des projets en cours, des ambitions du gouvernement pour le développement du secteur des Industries extractives ainsi que des défis à relever, pour faire, de la Mauritanie, une destination plus attractive pour les investisseurs. A ce titre, les Mauritanides furent, pour Kinross, une excellente opportunité d’exposer la situation actuelle de la mine de Tasiast et expliquer les enjeux et les contraintes que nous rencontrons, dans son expansion.

 

- Quel rôle Kinross Tasiast a-t-il joué dans l’organisation du Salon ?

- Un des principaux investisseurs en Mauritanie, avec près de 900 milliards d’ouguiyas depuis 2010, partenaire engagé dans le développement du pays et de son industrie minière, il était important, pour nous, de soutenir les Mauritanides et d’y jouer un rôle actif. Au cours de la cérémonie d’ouverture et lors d’une session consacrée aux métaux précieux, le vice-président régional de Kinross, Patrick Hickey, a ainsi pu présenter notre ambitieux programme d’investissements – plus de 460 milliards d’ouguiyas – pour développer Tasiast, et les défis économiques actuels que rencontrent, dans le Monde, les compagnies minières aurifères.

Dans une autre présentation, j’ai pu moi-même expliquer comment se structure notre politique de responsabilité environnementale et sociale et présenter les actions que notre entreprise mène, en Mauritanie, au profit des communautés locales. En notre qualité d’exposant, le stand de Kinross Tasiast a constitué une très bonne tribune, pour présenter et expliquer, à un public plus large, nos engagements en Mauritanie, en termes d’investissements, d’emplois et de renforcement des capacités locales, de partenariat avec les entreprises mauritaniennes et les projets de développement mis en œuvre pour les communautés locales.

 

- Tasiast occupe une place prépondérante dans le secteur minier du pays. Pouvez-vous nous dire quel profit la Mauritanie a-t-elle tiré de l’arrivée de Kinross ?

- Les retombées de la présence de Kinross en Mauritanie sont multiples et significatives pour le pays. Nous en sommes un des acteurs économiques majeurs, avec près de 900 milliards d’ouguiyas investis de 2010 à 2013. Kinross Tasiast est aussi l’un des principaux employeurs privés du pays, avec, environ, 2 800 employés sur site, dont près de 90% sont mauritaniens. L’entreprise a dépensé 33 milliards d’ouguiyas en salaires, bonus et avantages financiers et plus de 7 milliards dans la formation. Nous sommes également un acteur majeur au niveau de l’économie locale, avec 255 milliards d’ouguiyas dépensés au sein d’un réseau de plus de 600 fournisseurs et sous-traitants mauritaniens. Enfin, autre contribution majeure à l’économie nationale, l’entreprise a versé 87 milliards d’ouguiyas à l’Etat, sous forme d’impôts et taxes, redevances... Au niveau de notre groupe, nous avons ainsi pu calculer que 88% de la valeur totale générée par les mines de Kinross sont dépensés dans les pays où l’entreprise opère.

 

- Quelles sont les perspectives d’avenir pour la mine de Tasiast ?

-Kinross Tasiast a présenté, lors des Mauritanides, un ambitieux programme d’investissements, de plus de 460 milliards d’ouguiyas, visant à développer la mine de Tasiast. Le projet d’expansion consiste à construire une nouvelle usine de traitement de minerai, d’une capacité de 38 000 tonnes par jour contre moins de 8 000 tonnes, aujourd’hui, pour l’actuelle usine. Nous estimons qu’au pic de production, de 2018 à 2022, la mine pourrait produire près de 850 000 onces d’or, à comparer avec les 248 000 produites l’année dernière. Et, en augmentant la capacité de traitement, cette nouvelle usine permettra de diminuer les coûts de production.

Ce projet d’expansion, si les conditions sont réunies pour le réaliser, engendrera des bénéfices importants pour la Mauritanie. Nous estimons qu’il pourrait apporter une contribution supplémentaire de l’ordre de 550 milliards d’ouguiyas au PIB de la Mauritanie, pendant le pic de production, par impact direct et par effet multiplicateur. Au niveau du Gouvernement, ce serait près de 140 milliards d’ouguiyas de revenus supplémentaires directs (taxes, droits, redevances), pendant la durée de vie de la mine ; jusqu’en 2029, donc. L’impact serait également significatif en termes d’emplois, avec, environ, 1 100 nouveaux emplois locaux directs, dans le domaine de la construction, entre 2016 et 2017, et 350 emplois locaux directs supplémentaires, stables et durables, pendant le pic de production, en plus des emplois supplémentaires dans les secteurs d’appui secondaire et tertiaire.

Cependant et tel que nous l’avons clairement souligné pendant les Mauritanides, la décision concernant ce projet ne sera prise, par Kinross, que dans le courant du 1er trimestre 2015. Elle reste conditionnée par plusieurs facteurs déterminants : le cours de l’or, les conditions de financement et la sécurisation, auprès du Gouvernement, de conditions favorables d’investissements.

 

- L’impact de l’exploitation minière sur l’environnement constitue une grande préoccupation, aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les entreprises minières. Quelle est, à ce sujet, la stratégie de Tasiast en Mauritanie ?

- A Tasiast, comme dans toutes les mines où nous opérons, Kinross met en place une politique rigoureuse de gestion de l’environnement, entièrement intégrée au quotidien de nos opérations. L’ensemble de nos déchets sont soit entreposés, soit traités, soit recyclés sur le site. Il n’y aucun rejet dans l’environnement. Nos employés sont formés et fréquemment sensibilisés à la bonne gestion de celui-ci. Nous avons un programme de suivi environnemental sur site, avec des mesures régulières des paramètres environnementaux. Les résultats sont présentés à la Direction du Suivi et du Contrôle des Opérations Minières qui dispose d’un représentant permanent sur le site de Tasiast. Il y est chargé du plein contrôle des activités.

Nous accordons une attention toute particulière à certains sujets. Par exemple, l’eau, du fait de sa rareté, est traitée comme une question prioritaire. Pour les besoins de la mine, nous utilisons de l’eau saline, impropre à la consommation, que nous traitons pour nos besoins, en strict circuit fermé, c’est-à-dire sans aucun rejet dans l’environnement. Sur cette question, nous travaillons en étroite collaboration avec le CNRE (Centre National des Ressources en Eau). Notre consommation d’eau par tonne de minerai traité est d’ailleurs en diminution, ces dernières années.

Concernant le cyanure utilisé dans le processus de production d’or, il est transporté, entreposé, manipulé puis recyclé, dans le strict respect des normes internationales, afin d’assurer la sécurité de nos employés et éviter tout impact sur l’environnement. Nos employés reçoivent, régulièrement, une formation sur le cyanure. Kinross, y compris la mine de Tasiast, n’a jamais enregistré la moindre blessure ou accident mortel lié à l’utilisation du cyanure. Kinross Tasiast est d’ailleurs engagé dans le processus de certification du Code International de Gestion du Cyanure (CIGY).

 

- Que recouvre le concept de « responsabilité sociale », dans le jargon des entreprises minières et des Etats ?

- Dans le cadre de l’industrie extractive, il s’agit, pour les entreprises, de prendre les mesures appropriées, afin de s’assurer que nos opérations et nos activités intègrent les dimensions sociales, environnementales et économiques. En d’autres termes, être certain que l’entreprise a un impact positif sur le milieu dans lequel elle opère, que ce soit en termes de gestion de l’environnement, dans ses relations avec les communautés locales ou, plus largement, en termes de valeur ajoutée à l’économie locale.

Engagé pour une exploitation minière responsable, Kinross a développé, au niveau mondial, une politique de responsabilité sociale ambitieuse. A Tasiast comme dans toutes les zones où nous opérons, nous poursuivons une politique d’engagement avec les parties prenantes, basée sur un dialogue constant avec les communautés locales et leurs instances représentatives, la société civile, les associations, les ONG et, bien entendu, les autorités administratives. Ce dialogue peut prendre la forme de consultations formelles et régulières, ou de rencontres plus informelles, lors de visites aux communautés locales. Ces échanges permettent de déterminer les besoins locaux et de définir des orientations, pour les programmes en faveur des communautés locales.

Nous avons, à la mine, une équipe en charge des relations avec les communautés. Elle veille à ce que ce dialogue et ces consultations avec les acteurs présents dans la région soient consistantes et inclusives, allant des plus âgés aux plus jeunes, en passant par les chefs communautaires, les groupes de femmes et les membres de ces communautés employés à la mine. Une autre équipe, basée à Nouakchott, effectue des visites de terrain, régulières, dans les différentes zones d’influence de la mine.

En 2012 et 2013, nos programmes au profit des communautés locales ont touché plus de 105 000 bénéficiaires : programmes de santé, avec des cliniques mobiles et des donations d’équipements médicaux, approvisionnement en eau de plusieurs localités autour de Tasiast, soins vétérinaires aux troupeaux, cours de formation pour adultes. Sans omettre les initiatives en faveur des entreprises locales, comme le soutien à la coopérative communautaire de Tasiast qui possède, désormais, une unité de fabrication de briques et de pavés, et notre soutien à des initiatives caritatives et culturelles locales.

Un autre axe essentiel, pour le développement économique du pays, et directement lié au secteur minier, est celui du contenu local. Comme je l’ai déjà évoqué, Kinross a dépensé, depuis 2010, près de 255 milliards d’ouguiyas en achats de biens et services, auprès d’un réseau de près de 600 fournisseurs mauritaniens. Nous avons mis en place un programme d’opportunités d’affaires, pour aider les entrepreneurs mauritaniens à renforcer leurs capacités internes, devenir, ainsi, des sous-traitants de Tasiast et gagner d’autres marchés, en devenant plus compétitifs. Notre engagement en Mauritanie, comme dans tous les pays où nous opérons, est d’apporter de la valeur durable pour le pays et les communautés d’accueil.

 

- L’once d’or a enregistré une baisse sensible, après avoir atteint, en 2013, près de 1900 $. Quelles peuvent être les implications de cette baisse, sur l’exploitation de la mine de Tasiast ?

- En effet, l’industrie aurifère à travers le Monde fait face à une situation économique difficile, avec une chute du cours de l’or de près de 30% en deux ans, alors que, parallèlement, les coûts de production sont restés élevés, avec, notamment, un  prix de l’acier et du pétrole qui n’ont pas subi la même baisse. A cette chute du cours de l’or, s’ajoute, pour la mine de Tasiast, l’épuisement des dépôts de surface, plus riches et facilement exploitables. Désormais, les gisements les plus importants sont plus faibles en teneur, plus profonds et plus coûteux à exploiter. En 2013, nous n’avons ainsi traité que 20% du minerai extrait, soit près de 17 millions de tonnes, sur 80 millions de tonnes manipulées. Les autres 80% n’avaient aucune teneur en or économiquement exploitable.

Dans ce contexte, nous devons sans cesse trouver des solutions innovantes pour conserver la viabilité économique de la mine. L’ensemble des employés de Tasiast est concentré sur cet objectif. Face à un environnement économique difficile et un cours de l’or que nul ne maîtrise, la meilleure solution, pour l’avenir de Tasiast, serait d’augmenter sa capacité de production, avec la construction d’une nouvelle usine de traitement, ce qui entraînerait, de fait et comme je l’ai dit tantôt, une baisse de ses coûts de production. C’est notre challenge et notre avenir.

 

Propos recueillis par Daly Lam